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L'Internationale interstiCielle

  • Spectacle Sauvage à Saint Rémy

    La « sauvagine » gagne du terrain. Depuis notre premier post en octobre 2015, le cas de Paul Blanchet, cet original, cycliste impénitent, percussionniste et chroniqueur carnavalier ne cesse de nous intriguer.

    Sous son pseudonyme de Sauvage, cet amuseur populaire de langue provençale, conserve dans le territoire des Alpilles où il vivait une certaine notoriété. Celle-ci enregistrera un pic le jeudi 28 février 2019.

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    ciné palace.jpgCe jour là au Ciné-Palace de Saint-Remy de Provence : conférence sur Le Sauvage à 18h30.

    Par Virginie Olier, directrice du Musée des Alpilles.

    Pour la partie spectaculaire, un comédien : Jérôme Gallician.

    A la base de cette soirée : la Société d’Histoire et d’Archéologie de la ville. Dans les projets du Musée pour l’hiver 2019 ou le printemps 2020 : une publication de textes de Paul Blanchet. Plus alléchant encore peut-être : la restauration prévue du vélo à clochettes du Sauvage.

     

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  • L’art des Marquises

    « Nous précédant de quelques pas, un jeune gentleman, très bien tatoué, vêtu d’un pantalon blanc et d’une chemise de flanelle, s’avançait d’un air détaché. »

    On est en 1888. Robert Louis Stevenson se souvient de cette rencontre. Lors de son premier voyage dans le Pacifique sud à bord du yacht Le Casco.

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    On est à Hiva oa, principale île de l’archipel des Marquises, dans un vallon proche du village d’Atuona. Suivons Stevenson qui suit Poni le Marquesan. Dans un endroit idyllique, Poni demande aux voyageurs de s’asseoir.

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    Il s’absente un moment et revient avec une noix de coco pour se rafraîchir, un morceau de bois de santal et « un bâton qu’il avait commencé de sculpter ». Ce bâton témoigne du malentendu inhérent au contact de deux positions d’esprit, encore éloignées l’une de l’autre à l’époque. La polynésienne et l’européenne.

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    Citons : « une portion seulement était sculptée, quoique le reste du dessin fut crayonné tout du long ». Est-ce parce que l’écrivain-voyageur créditait son interlocuteur de « vanité ingénue » qu’il lui demanda d’acheter l’objet ? Toujours est-il que loin de vouloir « récolter des éloges prématurés » Poni « recula d’horreur ».

    La suite est à rapprocher de ce que Michel Leiris relate dans L’Afrique fantôme (1934) à propos des méthodes de la mission Griaule où l’on n’hésitait pas à soustraire leurs fétiches aux villages dogons.

    Tranquillement Stevenson qui fait d’ordinaire preuve de curiosité bienveillante et d’empathie à l’égard de ceux qu’on appelle alors les « naturels » ajoute : « Sans m’émouvoir, je refusai tout bonnement de le restituer, car je m’étonnais depuis longtemps qu’un peuple capable de manifester dans le tatouage un tel don d’invention arabesque, ne le déployât nulle part ailleurs. Je tenais enfin une preuve du même talent, sur un autre mode ; et l’inachèvement, à notre époque de trucage, était pour moi une heureuse marque d’authenticité ».

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    Les passages cités, dans la traduction de Théo Varlet, proviennent de : Dans les mers du sud. 

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  • Lunatiques et sotadiques

    En ces temps où l’on éborgne le samedi soir au coin des rues n’est-il pas naturel qu’on se tourne vers Le Poète assassiné du trépané Apollinaire ?

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    Pour la couverture de l’édition originale par Cappiello.

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    Ou pour celle illustrée par Pierre Alechinsky.

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    Comment dès lors ne pas se replonger dans la lecture de cette « œuvre complexe et grave dans sa verve gaillarde et sa fantaisie » (Michel Decaudin).

    La nouvelle qui donne son titre au recueil relate, dans un genre vaguement autobiographique, les aventures d’un poète maudit massacré par la foule. Elle est accompagnée de contes où nous voyons « le rire s’élever des basses régions où il se tordait » pour « fournir au poète un lyrisme tout neuf » (L’Esprit nouveau et les poètes).

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    L’un de ces contes, Le Roi-lune se distingue dans un registre « sotadique » (pour ne pas dire obscène) qui nous soulage des pesanteurs d’un ordre établi ennemi des graffiti. Guillaume Apollinaire s’amuse à y recenser les inscriptions gravées ou tracées au fusain sur les parois d’un couloir obscur emprunté par le narrateur du conte au cours de ses  pérégrinations tâtonnantes.

    On y distingue des phallus « orgueilleux ou humiliés, pattus ou prenant leur vol », « des cœurs percés, des cœurs enflammés », des « ctéis » (pubis féminins) « imberbes ou toisonnés ». Le tout à imaginer. Sauf ces quelques phrases transcrites de mémoire « mais en voilant la crudité des quelques-uns des termes (…) employés », prétend malicieusement le narrateur :

    J’ai eu le même soir la même jolie Tyrolienne du XVIIe siècle à ses âges de 16, 21 et 33 ans j’aurais pu encore l’avoir à son âge de 70 ans mais j’ai passé la main à Nicolas

    J’ai eu hier la comtesse Terniska à l’âge de 17 ans elle qui en a 45 bien sonnés

    Je voudrais faire l’amour avec l’Abbesse de Gandersheim

    L’Anglaise inconnue du temps de Cromwell avale tout

    Michel-Ange a causé un vif plaisir à Hans von Jagow

    Il me faut Madame de Pompadour

    J’aime Quélus à la folie

    A Cléopâtre pour la vie

    J’ai cocufié le cygne

     

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  • Fleurs de skull

    « Autrefois, j’ai possédé une tête de mort que j’emportais avec moi de ville en ville. Je l’avais trouvée dans une vieille chapelle. En retournant les tombes, on avait mis à nu des squelettes centenaires. Sur les crânes étaient alors inscrits le nom et le lieu de naissance des défunts. Sur les pommettes on avait peint des roses et des myosotis. Le caput mortuum que j’ai ainsi transporté avec moi pendant des années était la tête d’une jeune fille morte en 1811 à l’âge de vingt-deux ans. J’étais assez épris de cette jeune fille de cent trois ans et j’ai eu du mal à m’en séparer. J’ai quand même fini par l’abandonner à Berlin quand je suis parti pour la Suisse ».

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    Passage du Journal d’Hugo Ball

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    cité par Greil Marcus

    l'internationale intersticielle,hugo ball,greil marcus

    dans Lipstick traces, une histoire secrète du vingtième siècle.

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  • Steinberg à la 4321

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    «  (…) Sam Steinberg le dégarni, l’omniprésent Sam S. (…) prenait tous les matins trois métros différents pour venir depuis le Bronx vendre des sucreries à Broadway (…) mais aussi ses dessins grossiers, des dessins au feutre représentant des animaux imaginaires qu’il vendait un dollar pièce, des petits tableaux réalisés sur des cartons de blanchisserie sur lesquels étaient pliées les chemises qui sortaient du pressing et il interpellait tous ceux qui voulaient bien l’écouter, Hé, missieur, regarde les nouveaux tableaux, des ma-gni-fi-ques nouveaux tableaux, les plus beaux entre le Ciel et l’Enfer ».

    Paul Auster, 4321. traduction de Gérard Meudal (2018)

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    cliquez sur l'image

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  • Caus toujours

    Arago le considérait comme l’inventeur de la machine à vapeur.

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    Umberto Eco le mentionne dans Le Pendule de Foucault, un drôle de roman qui fourmille de références ésotériques.

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    Salomon de Caus (1576-1626) pourtant reste mal connu. Peu souvent cité malgré une notice Wiki bien nourrie. Est-ce parce que cet esprit universel déroge à l’obsession de la spécialisation qui caractérise notre époque binaire et monotone ?

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    Ingénieur, architecte, passionné de mécanique, ce savant huguenot contemporain des dernières guerres de religion toucha aussi bien à l’hydraulique, qu’à la perspective et à la musique.

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    Beaucoup pour un seul homme même si Salomon de Caus est, somme toute, représentatif de cette universalité si caractéristique de la Renaissance.

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    De quoi fasciner les Romantiques qui en firent le héros d’un roman noir auquel ne manque ni le cachot, ni la folie, ni l’injustice du destin. Salomon de Caus ne fut certes jamais enfermé sur ordre du roi dans un cabanon de Bicêtre. A l’origine de cette fake news : un dessin du caricaturiste Gavarni.

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    Un écrivain fit mousser la chose jusqu’à faire de Caus un martyr de la science avant de dénoncer lui-même cette supercherie littéraire.

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    Même si Salomon de Caus n’a rien de ces inventeurs extravagants internés pour cause de délire scientifique, il est significatif de voir le dix-neuvième siècle s’offrir ainsi une version schizophrénique de son talent précurseur.

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    En réalité sa théorie relative à l’expansion et à la condensation de la vapeur en font un réel pionnier dans l’utilisation pratique de la force motrice de celle-ci.

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    Le livre où il expose ses idées sur la question : Les Raisons des Forces mouvantes avec diverses Machines tant utiles que plaisantes (1615) contient en outre un traité pratique de la fabrication des orgues d’église et des dessins de grottes et de fontaines.

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    C’est que Salomon de Caus fut aussi –et c’est par là surtout qu’il nous concerne- un créateur de jardins aujourd’hui disparus mais qui ne sont pas sans faire penser à ceux de Bomarzo.

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    Du moins si on en croit cette reproduction trouvée dans un catalogue anglais (Malborough rare books, 150) qui décrivait en mai 1993 un exemplaire de la première édition des Raisons.

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  • Jungle interstiCielle

    Image de la jungle interstiCielle. Ce malicieux carton de la Fondation Abbé Pierre qui a le mérite de ne pas nous servir une vision déficitaire des sans abri. Il n’y a guère une voix jupiterienne proclamait : « je ne veux plus (…) avoir des hommes et des femmes dans la rue, dans les bois ou perdus (…) ».

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    Dernièrement une quinzaine d’ONG constatent pourtant dans la presse : « des milliers de personnes (…) se partagent les interstices des villes, s’abritent sous des échangeurs, sont échoués sur les trottoirs de Paris et son immédiate périphérie ».

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  • Les vœux du marquis

    « Le jour de l’An, le suzerain allait de porte en porte présenter ses vœux aux ouvriers et aux fermiers » Le singulier personnage dont il est question ici défraya la chronique sous Louis XV. « Son rigorisme égalitaire lui fit congédier son portier qui, par respect, n’avait osé lui faire vis à vis à table » nous apprend Gérard Oberlé dans un article sur le Marquis de Brunoy (1748-1781) paru dans Lire en novembre 2015.

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    Héritier d’une fortune colossale, Armand de Brunoy de Montmartel ne se distingua pas seulement par ses tendances démocratiques et sociales qui firent le désespoir de sa famille. Non content de pourvoir aux besoins élémentaires (et aux festins) des habitants de sa paroisse, « il dotait les jeunes mariées et dépensait des sommes ahurissantes pour l’accoutrement des domestiques. Pas de baptême à Brunoy dont il ne fut le parrain, un privilège qui suscita une flopée de bébés prénommés Armand et Armande » note Oberlé.

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    Celui-ci qui s’appuie sur un livre paru en 1805 (Les Folies du marquis de Brunoy, ou ses mille et une extravagances) souligne que, pour sa part, Armand de Brunoy affichait des goûts rustiques : « il portait des vêtements usés et déchirés, se lavait rarement et arborait une chevelure épaisse qu’il ne peignait jamais ».

    Il semble que ce comportement spécial ait été une manière de protestation contre la Noblesse de son époque qui l’avait méprisé. Mais c’est surtout par une thanatophilie prononcée que le Marquis de Brunoy mérita de passer à la postérité.

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    Dans le domaine des pompes funèbres, il atteignit en effet à des sommets dignes d’un happening contemporain. Suivons une dernière fois Oberlé sur ce point. « Le jeune homme raffolait (…) des cérémonies religieuses (…). Lors des obsèques de son père, il fit verser des tonneaux d’encre dans la rivière, l’Yerres, et dans les pièces d’eau du jardin de Brunoy. L’église fut peinte en noir, les statues et les arbres enveloppés de crêpe, les chevaux, les vaches et les poules furent noircis pour la circonstance ».

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  • Clochards terrestres

    Une fois encore l’année commence par un encombrement de cadeaux à vendre sur la Toile. Que faire de toutes les cochonneries reçues à Noël et à la Saint-Sylvestre ? On bazarde sans complexes sur le Bon Coin-coin. L’époque invite à ça. Il est pourtant des choses qui méritent d’être gardées.

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    L’écrivain auvergnat Jean Anglade dans son roman Un parrain de cendre (1991) signale malicieusement un de ces présents rares offert au couple royal anglais lors de sa visite à Paris en 1938. « La capitale les reçut avec enthousiasme et les couvrit de cadeaux. Même les seize mille clochards y allèrent du leur : une terre cuite modelée par un artiste domicilié sous les ponts ; elle représentait leur corporation sous l’image d’un couple en guenilles et d’une bouteille ».

    Pas d’image hélas de ce chef d’œuvre ! Conservateurs comme le sont nos amis britanniques, on peut cependant espèrer qu’elle figure toujours dans le trésor iconographique royal. Si quelqu’un a une idée… L’entente cordiale SDF–Sa Majesté a tout pour plaire en 2019.

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  • Li (pas) ravis de la crèche

    Sans ton gilet t’es plus rien. A priori on pouvait croire que la déferlante jaune emporterait ce Noël 2018 dans son roulis festif généralisé. Il fallait même s’attendre à ce que les personnages de la crèche s’en mêlent.

    Et bien, il n’en est rien. La tradition des santons campe sur ses positions. En cherchant bien, nous avons repéré cependant dans la PQR un motif de ne pas désespérer. Nice Matin, le 17 décembre, nous signale ce dépoussiérage santonnier par le truchement d’une photo DR.

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    Victor Hugo avait coutume de dire qu’il fallait mettre un bonnet rouge au dictionnaire, Jean-Pierre Fiori (ou Jean-Louis si, comme il est possible, il y a erreur sur le prénom) enfile des gilets jaunes aux figurines d’argile provençales. Un exemple à suivre ?

    Merci à M. Fiori (quel que soit son prénom), postier vençois, d’avoir eu cette idée et merci au journal qui l’a popularisée.

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  • ISF CLUB

    Paris murmure.

    Entre deux karchers, ce tout petit pochoir sur la façade cossue d’un gros immeuble de la très clean avenue de Breteuil.

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    Une ironie d’autant plus grande qu’elle a tout pour passer inaperçue.

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  • Une langue en marche

    Charabia et Galimatias servis sur les plateaux de télé pendant (le début de) la révolte des Gilets jaunes

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    Il y a des questions cognitives de mécompréhension

    Nous sommes en mesure de prendre des mesures exceptionnelles

    Il faut réfléchir en périmètre de l’action de l’Etat

    Le chiffre d’affaire est homothétique à la fréquentation

    La fraude fiscale ça fait partie de notre volonté et nous y travaillons

    La bascule du CICE va générer un point de pic

    Ce n’est pas aux classes moyennes de payer pour les classes moyennes inférieures

    Il faut avoir en tête l’équation budgétaire

    Nous vous demandons en responsabilité d’être raisonnables

    Des modalités seront effectives

    Une augmentation des petites taxes moyennes

    L’élargissement du chèque carburant

    Une réforme structurelle sur la sphère sociale

    Il faut réinnerver les collectivités régionales

    C’est le même logiciel, les bénéfices sont explosés

    Comment on interpelle un débat citoyen avec une ingénierie ?

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  • Londres à Cayenne

    Retour Au bagne. Par la lecture. Celle du grand journaliste Albert Londres.

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    Son reportage de 1923 sur la Guyane. Avec ce livre et avec L’Homme qui s’évada (1927), il contribua à la fermeture du pénitencier de Cayenne.

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    Dans ces ouvrages, réunis dans la Collection 10-18 avec une introduction de Francis Lacassin, Londres prend fait et cause pour Albert Dieudonné (1884-1944).

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    Cet ébéniste anarchiste fut condamné sur des présomptions et des témoignages douteux. Pour une participation (jamais prouvée) au braquage de la banque de la rue Ordener commis par la Bande à Bonnot que Dieudonné fréquentait sans en faire vraiment partie.

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    Dans Au bagne, on croise aussi, Jean De Boë (1889-1974), un autre ouvrier anarchiste, impliqué dans les actions illégalistes de l’époque.

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    Supposé complice des « bandits tragiques », ce typographe en sabots figure sur une vieille carte postale montrant le départ des forçats pour l’Ile de Ré, première étape de leur calvaire.

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    A son propos, Albert Londres -pourtant peu prolixe sur les travaux d’art des bagnards- note un fait curieux. Pour un autre prisonnier et sur « une lampe faite dans un coco », « de Boué (sic) de la bande Bonnot avait gravé (peut-être avec son surin) un des plus beaux versets des psaumes ».

    La remarque prend tout son sel quand on sait que ce compagnon de détention n’est autre que Benjamin Ullmo (1882-1957), officier condamné à la déportation à vie pour avoir dérobé et voulu vendre des secrets militaires dans une intention cupide.

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    Ce « traître », trahi par la femme pour laquelle il se ruinait, fut sauvagement sevré de sa toxicomanie à l’opium. Il resta 8 ans seul sur l’île du Diable où il faillit devenir fou. Ironie du sort : Ullmo occupa la case du Capitaine Dreyfus alors gracié.

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    Si Dreyfus était innocent et Ullmo coupable, tous deux étaient gradés et juifs. La conduite répréhensible du second offrit donc aux antisémites une occasion de reprendre leur calomnies. « On a été traître comme on a été ivre. Je suis dégrisé, croyez-moi » déclara Ullmo qui réussit à se réhabiliter. Non sans passer par une crise mystique et une conversion au catholicisme mal vécue par sa famille restée en France. De ce point de vue, il est significatif de constater que le psaume gravé pour lui par De Boë : « Si l’Eternel ne bâtit la maison » (cantique des degrés de Salomon) fait partie d’un recueil rejeté de la Bible officielle du judaïsme et du christianisme.

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    Ne quittons pas cette note et le bagne sans signaler que l’on peut voir Dieudonné dans le documentaire-fiction de Jacques Brunius intitulé Autour d’une évasion (1931). On y entend La Belle, chanson réaliste d’Albert Londres interprétée par Lucienne Boyer.

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    On y déroule le plastron de Robert le tatoué, long morceau de peau humaine historiée prélevée sur la poitrine d’un bagnard.

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  • Les Petites feuilles de Cingria

    « Nous avons le plaisir d’annoncer la très prochaine causerie de notre ami le Dr Ferdière, dir. de l’Asile de Rodez, sur un sujet qui nous touche de près : Nous sommes tous fous. »

    Annonce parue le 27 avril 1942 dans le numéro 4 des Petites feuilles, revue minuscule et éphémère en grande partie rédigée par l’érudit cycliste et écrivain vagabond Charles-Albert Cingria (1883-1954), un des plus novateurs auteurs de la Suisse romande et de la langue française, ami du peintre Jean Dubuffet qui fit de lui des portraits conformes à sa nature insaisissable.

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    Nature qui transparait dans la Lettre à un jeune homme publiée dans les Œuvres complètes de l’écrivain suisse (tome XI) : « Je ne suis pas un nom : il n’y a que la vie qui m’intéresse – les maisons, les arbres, les chats, les rues, les visages, les jambes etc. (…) Et puis je n’aime pas qu’on m’aperçoive : j’aime filer anonyme et invisible, et puis m’enfermer chez moi et me passionner (…) sur des points d’histoire (…) ou de science sur lesquels je n’ai rien à déclarer hormis l’emploi que j’en fais dans une rédaction qu’on m’arrache (…) ».

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    Un tel homme était fait pour une telle revue d’un si subtil décalage historique qu’on la dirait en apesanteur. Fondées avec le concours de Géa Augsbourg et de Paul Budry, les Petites feuilles détonnent dans le climat lourd de la guerre à laquelle elles semblent tourner volontairement le dos.

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    « Elles n’étaient l’organe d’aucune autre collectivité que celle des amis habitués de l’Auberge de l’Onde, à Saint-Saphorin et présentaient, illustrées, des nouvelles, de la critique littéraire, artistique et musicale, des horoscopes, des annonces, bref, un tas de choses. ».

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    D’un format et d’une allure modeste, ces Petites feuilles ne comportèrent que 5 numéros (entre novembre 1941 et octobre 1942) privilégiant en apparence le petit bout de la lorgnette. « Pas de politicaille débilitante » proclame l’éditorial inaugural, « En aucune occasion surtout le genre petit saint ».

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    Cela n’empêche pas, au printemps 1942 (c’est à dire avant la Rafle du Vel d’Hiv) cette précision d’importance sous le titre Pas de question juive : « Il n’y a pas plus de question juive que de question chrétienne, n’est-ce pas frères chrétiens ? Il n’y a question que de la crapule. Nous pourrons donc ouvrir la question juive le jour où la dernière crapule dite chrétienne aura été collée au poteau ».

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  • Oscar Wilde vu par Johnny Rotten

    « Le truc qui m’a incité à me pencher sur ses livres, c’est ça : sur son lit de mort, il aurait déclaré "cette tapisserie est hideuse. L’un de nous doit mourir" ».

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    Propos recueilli en 2014 par Richard Gaitet dans une interview pour Radio Nova à l’occasion de la sortie de La Rage est mon énergie, autobiographie de John Lydon (alias Johnny Rotten)

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