Rien de rien (14/12/2016)
Lisez Rien ! C’est le conseil de Béatrice Steiner en écho aux papiers qui saluèrent l’entrée du roman d’Emmanuel Venet dans notre monde littéraire d’ordinaire peu concerné par la sensibilité interstiCielle. Venet, il est arrivé aux lecteurs de notre ancien blogue, de le croiser à propos de Gaston Ferdière.
Il revient sur celui-ci tant il « semble apprécier » - comme le dit Marianne Payot dans L’Express – « les sans-grades, les vies ratées, les rêves de splendeur confrontés aux durs aléas de la vie domestique ».
Emmanuel Venet campe un personnage de musicien non illustre dont le « ratage » inspire au narrateur un « sentiment de fraternité ». Qui se sert du piano périra par le piano. C’est donc par le biais de cet instrument, scellant dans le roman le destin du musicien Jean-Germain Gaucher, que Béatrice Steiner -psychiatre comme l’auteur- a choisi de poursuivre la réflexion.
Un piano fracassant
Les déménageurs étaient ils seulement maladroits ? Toujours est-il que, leur échappant du haut de l’escalier, le piano s’est écrasé en contrebas sur le pianiste, par ailleurs déjà écrasé de dettes. Des dettes que le piano justement devait rembourser.
Après le fracas meurtrier, restent ses débris, dignes de figurer au Musée de l’ombre des Illusions sur mesure de Gérard Macé. Les débris d’une biographie de fiction, celle de Jean-Germain Gaucher, musicien, compositeur dont la postérité a dédaigné, à juste titre semble-t-il, les petits arrangements médiocres qu’un superbe poème symphonique, à ses débuts, ne laissait pas prévoir. Mais auquel il a manqué un assentiment « paternel » qui l’aurait validé.
Alors, céder à la facilité en hypothéquant son désir, brader son talent pour le rentabiliser, n’empêche nullement d’en garder l’illusion. Surtout quand l’élan amoureux y mêle ses harmoniques – découragé à la première dissonance. Faute de père, un beau-père ? Et sa fille, qu’il épouse, ignorant sans doute qu’elle aurait ce mauvais rôle. Elle qui finit de disperser les restes fatigués de ses élans au vent du commerce. Celui qu’elle ouvrira enfin dans le confort d’un rêve qui se réalise quand les déménageurs lui offriront la mort du désir – remboursée par l’assurance.
Victoire de l’ennui et du magasin des accessoires. De la musique, que reste-t-il ? Silence. Du désir que reste-t-il ? Rien.
D’où les déménageurs tenaient-ils ce savoir assassin ? Qu’il y a des dettes qu’aucun piano ne pourrait rembourser – ni Rien
00:39 | Tags : l'internationale intersticielle, emmanuel venet, béatrice steiner, gérard macé, marianne payot, jean-germain gaucher | Lien permanent | Commentaires (0)