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Lunatiques et sotadiques

En ces temps où l’on éborgne le samedi soir au coin des rues n’est-il pas naturel qu’on se tourne vers Le Poète assassiné du trépané Apollinaire ?

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Pour la couverture de l’édition originale par Cappiello.

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Ou pour celle illustrée par Pierre Alechinsky.

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Comment dès lors ne pas se replonger dans la lecture de cette « œuvre complexe et grave dans sa verve gaillarde et sa fantaisie » (Michel Decaudin).

La nouvelle qui donne son titre au recueil relate, dans un genre vaguement autobiographique, les aventures d’un poète maudit massacré par la foule. Elle est accompagnée de contes où nous voyons « le rire s’élever des basses régions où il se tordait » pour « fournir au poète un lyrisme tout neuf » (L’Esprit nouveau et les poètes).

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L’un de ces contes, Le Roi-lune se distingue dans un registre « sotadique » (pour ne pas dire obscène) qui nous soulage des pesanteurs d’un ordre établi ennemi des graffiti. Guillaume Apollinaire s’amuse à y recenser les inscriptions gravées ou tracées au fusain sur les parois d’un couloir obscur emprunté par le narrateur du conte au cours de ses  pérégrinations tâtonnantes.

On y distingue des phallus « orgueilleux ou humiliés, pattus ou prenant leur vol », « des cœurs percés, des cœurs enflammés », des « ctéis » (pubis féminins) « imberbes ou toisonnés ». Le tout à imaginer. Sauf ces quelques phrases transcrites de mémoire « mais en voilant la crudité des quelques-uns des termes (…) employés », prétend malicieusement le narrateur :

J’ai eu le même soir la même jolie Tyrolienne du XVIIe siècle à ses âges de 16, 21 et 33 ans j’aurais pu encore l’avoir à son âge de 70 ans mais j’ai passé la main à Nicolas

J’ai eu hier la comtesse Terniska à l’âge de 17 ans elle qui en a 45 bien sonnés

Je voudrais faire l’amour avec l’Abbesse de Gandersheim

L’Anglaise inconnue du temps de Cromwell avale tout

Michel-Ange a causé un vif plaisir à Hans von Jagow

Il me faut Madame de Pompadour

J’aime Quélus à la folie

A Cléopâtre pour la vie

J’ai cocufié le cygne

 

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