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Hommes non illustres

  • Spectacle Sauvage à Saint Rémy

    La « sauvagine » gagne du terrain. Depuis notre premier post en octobre 2015, le cas de Paul Blanchet, cet original, cycliste impénitent, percussionniste et chroniqueur carnavalier ne cesse de nous intriguer.

    Sous son pseudonyme de Sauvage, cet amuseur populaire de langue provençale, conserve dans le territoire des Alpilles où il vivait une certaine notoriété. Celle-ci enregistrera un pic le jeudi 28 février 2019.

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    ciné palace.jpgCe jour là au Ciné-Palace de Saint-Remy de Provence : conférence sur Le Sauvage à 18h30.

    Par Virginie Olier, directrice du Musée des Alpilles.

    Pour la partie spectaculaire, un comédien : Jérôme Gallician.

    A la base de cette soirée : la Société d’Histoire et d’Archéologie de la ville. Dans les projets du Musée pour l’hiver 2019 ou le printemps 2020 : une publication de textes de Paul Blanchet. Plus alléchant encore peut-être : la restauration prévue du vélo à clochettes du Sauvage.

     

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  • Les vœux du marquis

    « Le jour de l’An, le suzerain allait de porte en porte présenter ses vœux aux ouvriers et aux fermiers » Le singulier personnage dont il est question ici défraya la chronique sous Louis XV. « Son rigorisme égalitaire lui fit congédier son portier qui, par respect, n’avait osé lui faire vis à vis à table » nous apprend Gérard Oberlé dans un article sur le Marquis de Brunoy (1748-1781) paru dans Lire en novembre 2015.

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    Héritier d’une fortune colossale, Armand de Brunoy de Montmartel ne se distingua pas seulement par ses tendances démocratiques et sociales qui firent le désespoir de sa famille. Non content de pourvoir aux besoins élémentaires (et aux festins) des habitants de sa paroisse, « il dotait les jeunes mariées et dépensait des sommes ahurissantes pour l’accoutrement des domestiques. Pas de baptême à Brunoy dont il ne fut le parrain, un privilège qui suscita une flopée de bébés prénommés Armand et Armande » note Oberlé.

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    Celui-ci qui s’appuie sur un livre paru en 1805 (Les Folies du marquis de Brunoy, ou ses mille et une extravagances) souligne que, pour sa part, Armand de Brunoy affichait des goûts rustiques : « il portait des vêtements usés et déchirés, se lavait rarement et arborait une chevelure épaisse qu’il ne peignait jamais ».

    Il semble que ce comportement spécial ait été une manière de protestation contre la Noblesse de son époque qui l’avait méprisé. Mais c’est surtout par une thanatophilie prononcée que le Marquis de Brunoy mérita de passer à la postérité.

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    Dans le domaine des pompes funèbres, il atteignit en effet à des sommets dignes d’un happening contemporain. Suivons une dernière fois Oberlé sur ce point. « Le jeune homme raffolait (…) des cérémonies religieuses (…). Lors des obsèques de son père, il fit verser des tonneaux d’encre dans la rivière, l’Yerres, et dans les pièces d’eau du jardin de Brunoy. L’église fut peinte en noir, les statues et les arbres enveloppés de crêpe, les chevaux, les vaches et les poules furent noircis pour la circonstance ».

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  • Les Petites feuilles de Cingria

    « Nous avons le plaisir d’annoncer la très prochaine causerie de notre ami le Dr Ferdière, dir. de l’Asile de Rodez, sur un sujet qui nous touche de près : Nous sommes tous fous. »

    Annonce parue le 27 avril 1942 dans le numéro 4 des Petites feuilles, revue minuscule et éphémère en grande partie rédigée par l’érudit cycliste et écrivain vagabond Charles-Albert Cingria (1883-1954), un des plus novateurs auteurs de la Suisse romande et de la langue française, ami du peintre Jean Dubuffet qui fit de lui des portraits conformes à sa nature insaisissable.

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    Nature qui transparait dans la Lettre à un jeune homme publiée dans les Œuvres complètes de l’écrivain suisse (tome XI) : « Je ne suis pas un nom : il n’y a que la vie qui m’intéresse – les maisons, les arbres, les chats, les rues, les visages, les jambes etc. (…) Et puis je n’aime pas qu’on m’aperçoive : j’aime filer anonyme et invisible, et puis m’enfermer chez moi et me passionner (…) sur des points d’histoire (…) ou de science sur lesquels je n’ai rien à déclarer hormis l’emploi que j’en fais dans une rédaction qu’on m’arrache (…) ».

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    Un tel homme était fait pour une telle revue d’un si subtil décalage historique qu’on la dirait en apesanteur. Fondées avec le concours de Géa Augsbourg et de Paul Budry, les Petites feuilles détonnent dans le climat lourd de la guerre à laquelle elles semblent tourner volontairement le dos.

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    « Elles n’étaient l’organe d’aucune autre collectivité que celle des amis habitués de l’Auberge de l’Onde, à Saint-Saphorin et présentaient, illustrées, des nouvelles, de la critique littéraire, artistique et musicale, des horoscopes, des annonces, bref, un tas de choses. ».

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    D’un format et d’une allure modeste, ces Petites feuilles ne comportèrent que 5 numéros (entre novembre 1941 et octobre 1942) privilégiant en apparence le petit bout de la lorgnette. « Pas de politicaille débilitante » proclame l’éditorial inaugural, « En aucune occasion surtout le genre petit saint ».

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    Cela n’empêche pas, au printemps 1942 (c’est à dire avant la Rafle du Vel d’Hiv) cette précision d’importance sous le titre Pas de question juive : « Il n’y a pas plus de question juive que de question chrétienne, n’est-ce pas frères chrétiens ? Il n’y a question que de la crapule. Nous pourrons donc ouvrir la question juive le jour où la dernière crapule dite chrétienne aura été collée au poteau ».

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  • Jean Bordes retrouve Galey

    A Galey dans l’Ariège, le temps de Bordes est venu. C’était samedi la Fête de la pomme et jusqu’au 4 novembre 2018 le village célèbre un de ses plus créatifs enfants.

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    Jean Bordes (1916-1985), sa vie durant, à côté d’occupations nécessaires (foins, vaches, fagots), s’adonna à la recherche d’objets brisés et abandonnés à la décharge dont il faisait, par ligatures, d’étonnants assemblages, tenant du jouet et de la sculpture moderne. Œuvres dépourvues de toute autre utilité qu’artistique. Sécrétions pure d’une intelligence des mains autant que du cœur.

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    Elles sont aujourd’hui à l’abri à La Fabuloserie de Dicy dans l’Yonne. C’est à Jano Pesset d’Orgibet, un village voisin de Galey qu’on le doit. A la disparition de Jean Bordes, il fit mentir l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays. Promises au néant par necessité de remise en ordre, les pièces de Jean Bordes, témoignant de son génie du recyclage, trouvèrent leur destination.

    jean bordes portrait.jpgL’ancienne mairie de Galey avec cette exposition de photographies, de textes et de documents porte l’éclairage sur ce personnage captivant, d’une élégance « mal fagotée » mais qui œuvrait comme un oiseau fait son nid.

    Peu de littérature jusqu’à présent lui a été consacrée. Mis à part l’article de Pesset dans le numéro 11 de la revue L’œuf sauvage en 2012 auquel j’emprunte le portrait de monsieur Bordes,

     

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    on peut signaler celui de Jean-Louis Lanoux (Jean Bordes ou l’art de fagoter) paru dans le numéro 2 de la revue Création Franche en 1991.

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    L’exposition de Galey promet des témoignages de ses habitants. Une collecte qui s’imposait.

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  • Dubuffet à Paterson

    Que ce soit pour les cupcakes, pour Marvin le bouledogue (Palme Dog 2016 à Cannes)

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    ou pour William Carlos Williams, on peut voir et revoir Paterson, le film de Jim Jarmusch.

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    Toutes les occasions sont bonnes de se plonger dans son ambiance si décalée des frénésies formalistes hollywoodiennes.

    Lundi 29 octobre 2018 il passe sur Ciné Émotion à 13h30 et encore le dimanche 4 novembre à 18h05 et mardi 6 novembre à 22h40 sur la même chaîne.

    Même si les chiens, les petits gâteaux et le New Jersey vous laissent froids, même si la vie d’un chauffeur de bus n’est pas à priori votre tasse de thé, consommez sans modération Paterson jusqu’à son étonnante séquence finale où le héros, déprimé par la perte de son carnet intime boulotté par son bouledogue, reprend goût à la vie face aux chutes de la rivière Passaic.

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    Ceci grâce à la rencontre d’un inconnu, un voyageur japonais (l’acteur Masatoshi Nagase) qui fait un pèlerinage littéraire dans le coin.

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    Celui-ci, qui est écrivain, détecte la passion d’écrire chez son interlocuteur américain. Cherchant à vaincre ses réticences et à lui prouver combien sa profession banale peut être source d’inspiration, il lui objecte cette certitude enrobée dans une question : « Did you know interesting french artist Jean Dubuffet was meteorologist on top of Eiffel Tower Paris in 1922 ? Very poetic ».

    D’autant plus poétique que c’est Frank O’Hara, fameux poète de l’École de New York, qui lui aurait appris ce détail dit le Japonais. Pourquoi pas ? O’Hara savait sûrement que c’est lors de son affectation aux services météo pendant son service militaire que Dubuffet s’intéressa aux « observations » de Clementine Ripoche, visionnaire dans les nuages.

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  • La tarentule du modernisme

    « Mon concierge possédait un tableau à musique. Lorsque la petite horloge, incrustée dans le clocher que vous imaginez, marquait midi, un ingénieux carillon, dissimulé derrière la toile, jouait : Ah ! vous dirais-je maman C’était très drôle. Tous les visiteurs ne manquaient jamais de s’émerveiller.

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    Or, il y a un mois, mon concierge fut, lui aussi, piqué de la tarentule du modernisme artistique. Il fit repeindre son tableau par un élève de M. Signac. Il fit changer le mécanisme du carillon. Aujourd’hui le clocher s’érige dans une pluie de petits pains à cacheter multicolores, et quand l’horloge marque midi, le nouveau carillon joue La Chevauchée des Walkyries. »

    l'internationale intersticielle,albert aurier,critique d'art,modernismel'internationale intersticielle,albert aurier,critique d'art,modernisme

    Albert Aurier

    Le Faux dilettantisme.

    In Textes critiques 1889-1892.

    De l’Impressionnisme au Symbolisme.

     

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  • Jacques Pascal et ses Pétètes

    Jacques Pascal : un nom tout simple qui mérite d’être retenu. Dans la Galerie des hommes non-illustres qu’on aime à arpenter ici, ce tailleur de pierre a toute sa place. Auprès de François Michaud notamment, le maçon de la Creuse, qu’il précède de près d’un siècle. Comme Michaud, Pascal appartient à cette confrèrie anonyme des sculpteurs qui œuvraient dans leurs communautés rurales sans avoir appris les règles de l’art en vigueur de leur temps, ne se fiant qu’à leur instinct de créateurs servis par une habileté manuelle développée par leurs activités laborieuses. Si Michaud fut le serviteur de son village qu’il ornementa à partir de sa maison, Jacques Pascal trouva dans un modeste édifice religieux du Champsaur son terrain d’exercice.

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    Aujourd’hui sa chapelle des Pétètes est devenu un must touristique du département des Hautes-Alpes.

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    Les reproductions abondent de ces « poupées » (terme consacré par la tradition locale) nichées par Jacques Pascal vers 1740 dans la façade de Saint-Grégoire dans le hameau de l’Aubérie, sur la commune de Bénévent-et-Charbillac, récemment absorbée par Saint-Bonnet-en-Champsaur.

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    Poupées est sans doute un faible mot pour ces curieuses faces de lune et ces figurines hiératiques et sommaires, dépourvues de bras mais non d’expressivité muette et intense.

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    Il est difficile de savoir si Pascal réalisa ses sculptures pour décorer la chapelle ou s’il édifia celle-ci pour servir d’écrin à sa production lapidaire.

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    Mais si l’édifice n’est pas sans parenté avec d’anciennes maisons de la montagne (large voûte surplombant une porte cloutée), les sculptures qui ne représentent que vaguement la Vierge et les saints ont trop d’originalité pour ne pas afficher leur indépendance.

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    logo aesculape.jpgDans un article paru en 1939 dans la revue Aesculape, Jacques Vié et Robert Waitz ne peuvent s’empêcher de risquer, à leur propos, des rapprochements avec des œuvres d’un primitivisme véritable : sculptures bretonnes du XVIe siècle, sculptures de l’Amérique précolombienne.

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     On notera qu’alors la rumeur populaire attribuait à « un berger du pays » la paternité de l’œuvre de Jacques Pascal. On notera aussi que Vié et Waitz font état de la découverte par leurs soins d’une « autre pierre gravée de la même facture » (datée de 1746) à Saint-Bonnet « au bord d’un chemin non loin du pont du Drac ».pierre gravée.jpg

     

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  • Un troglodydacte arménien

    Honneurs aux bâtisseurs sauvages d’accord ! Mais en ces temps caniculaires, où l’on s’enfouirait bien pour trouver la fraîcheur, célébrons aussi les « troglodydactes ».

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    Le prodigieux Levon Gharibian, par exemple, dont une dépêche de l’AFP a révélé récemment l’existence.

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    23 ans durant cet Arménien opiniâtre a consacré sa vie à la réalisation d’un ambitieux labyrinthe sous sa maison d’Arinj.

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    Il semble que, dans cette petite ville située près d’Erevan, cette création extraordinaire soit devenue une attraction touristique.

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    Levon's Divine Underground

    C’est sa veuve Tossia qui organise les visites.

    l'internationale intersticielle,Levon Gharibian,Arménie,

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    Levon s’est plu à se représenter sur le mur de son jardin en sa compagnie.

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    Mais il a conçu aussi pour son réseau de galeries toute une décoration qui n’est pas sans rapport avec les traditions locales des édifices religieux.

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  • Chemin du veilleur solitaire

    Solitaire en son jardin, il tourne le dos à la route qui est plutôt chemin menant à un mas. C’est un petit personnage fièrot, cambrant la taille et les mains sur les hanches.

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    Une de ces créatures en ciment qu’affectionnent les sculpteurs de campagne. Manches relevées. Pas jeune : avec des restes de polychromie au dos. A vue de nez, des années soixante du siècle dernier.

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    Figure tutélaire qui veille sur sa maison -aujourd’hui transformée en Entreprise- avec on ne sait quel orgueil du travail bien fait dans la posture. Grand comme un enfant de 10 ans.

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    Quelques vestiges adjacents, certains indices trouvés aux alentours, permettent de dire que cette œuvre rurale faisait partie d’un modeste groupe comprenant aussi un âne et sa charrette et au moins deux maisons miniatures autour d’un puits.

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    D’autres investigations attestent de la présence d’une arène, d’un singe, d’un joueur de clairon, d’une Blanche Neige avec ses nains sur ce parterre.

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    Il n’en reste presque rien même si ces sujets étaient, semble-t-il, encore visibles (quoique noyés dans la végétation) il y a un an ou deux. Ce menu fretin sculptural, dégradé par le temps, a dû faire place à des activités moins bucoliques.

    Reste le petit veilleur qui a eu la chance d’échapper aux implacables recensements des créations de plein air menées par des traqueurs de chimères peu respectueux de la ressource.

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    Il témoigne de l’art serein d’un paysan d’autrefois dont il pourrait être un autoportrait.

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    Laissons à sa vigilance cette statue et gardons nous de la localiser trop précisément. Il suffit de savoir ici qu’elle niche au sud-est de la France dans le plus poétique anonymat

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  • Crise d’aquarelle!

    Un peintre qui refait sans cesse le même tableau a de quoi piquer la curiosité d’un lecteur quand il le rencontre dans un livre. Surtout si le tableau représente simplement une souche d’arbre au milieu d’une clairière avec un oiseau perché dessus. Le lieu d’exposition de cette œuvre unique dont seules les couleurs varient avec les saisons n’est pas moins banal. Non une galerie ou un musée d’art contemporain mais un grand magasin de Montréal dans les années soixante.

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    Difficile de croire que Michel Tremblay, né sur le Plateau, n’exploite pas ses souvenirs d’enfance dans Le Peintre d’aquarelles.

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    Même si le héros de ce roman qui a l’âge de l’auteur et qui produit comme lui de désarmantes images minimalistes ajoute sa dimension photosensible à l’évocation du peintre d’un établissements aujourd’hui disparu.

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    « [Il] peignait sur place, de neuf à cinq, six jours par semaine. (…) Ses tableaux se vendaient comme des petits pains chauds. (…) On l’avait installé à droite de l’entrée dans une espèce de petit atelier. (…) Il installait les œuvres à vendre sur des chevalets, il était donc entouré de dizaines de copies de celle qu’il était en train de faire. »

    Marcel, le narrateur, surnommé Pigeon, est fasciné. Quand il va au magasin avec sa mère ou avec sa tante, il les tire «invariablement vers l’atelier du vieux monsieur à la pipe »Sa mère trouve que le peintre est fou. Sa tante déclare parfois qu’elle accrocherait bien trois de ses tableaux chez eux : « J’trouve que ça nous ressemble : toujours la même chose, juste des détails qui changent. ».

    C’est cette tante Nana qui portera assistance au petit Marcel lors de cette épisode qui fait de la quarante et unième page du roman de Tremblay publié chez Actes Sud, un morceau de bravoure.

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    « Une fois j’étais resté trop longtemps devant les tableaux », raconte Marcel, « et, est-ce la répétition de la même image qui avait produit en moi un effet de stroboscope, je ne l’ai jamais su, j’avais fait une crise d’épilepsie en plein magasin L. N. (Louis-Napoléon) Messier ».

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  • Dans l’Antre de la mère Mansut

    La mère Mansut n’existe plus. Les bouquinistes se font rares, même à Paris. Mais longtemps, longtemps après que ceux-ci auront disparu, le souvenir de cette marchande analphabète brillera au firmament interstiCiel.

    Henry Murger dans ses Scènes de la vie de Bohême (1851), Alexandre Dumas fils dans L’Ami des femmes (1864) en font mention. Elle faisait bien dans leurs paysages.

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    magies-secretes.jpgAujourd’hui encore, on la croise lors d’une enquête de Georges Beauregard, un roman fantastique de Hervé Jubert.

    banville par nadar.jpgMais celui qui a le mieux campé ce personnage romanesque c’est le poète Théodore de Banville dans un texte pour Paris-Guide, ouvrage encyclopédique collectif paru pour l’exposition universelle de 1869.

    Son titre : Le Quartier latin et la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Il a été réédité à part en 1926.

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    Entrons, page 25, « en face du collège Louis-le-Grand »

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    dans « la célèbre et indescriptible boutique de la Mère Mansut » rue Saint-Jacques. « (…) une immense pièce nullement rangée ni ordonnée, sans devantures, sans fenêtres, sans armoires ni rayons, des milliers et des milliers de volumes engouffrés, entassés, jetés les uns sur les autres dans la nuit et dans la poussière. La mère Mansut achetait en connaisseur, sans se tromper d’un sou, les livres qu’on venait lui offrir, et elle les jetait sur le tas ».

    Un client venait-il à lui demander quelque chose, « la mère Mansut s’élançait comme un singe sur la montagne de livres, et là, farfouillant de ses pieds, de son front, de ses mains armées de griffes, cette bizarre femme, qui ne savait ni lire ni écrire, mais dont la mémoire eût défié celle de Pic de la Mirandole, trouvait du premier coup et sans se tromper jamais, l’édition demandée ».

    La suite, concernant la toilette et la cuisine de cette créature aux « cheveux blonds ébouriffés » serait sans doute délectable mais Banville se contente de nous dire que la mère Mansut faisait l’une et l’autre « dans la rue, en plein air, sur un trépied ».

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    Avant de conclure en homme cultivé qu’il était : « comme la sibylle antique ».

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  • Murs murs de Paris

    Du mal à démarrer le matin ? Lisons cette pensée éclose sur le mur d’une université parisienne qui s’est illustrée récemment dans le registre de l’effervescence : « Le monde appartient à ceux et celles qui ne se lèvent pas ».

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    Sa voisine a de quoi revigorer un lecteur de L’Internationale interstiCielle: « Moins de barreaux Plus de brèches ».

    Beau programme ! De quoi sécher les larmes de ceux qui chialent sur les « dégâts » des mouvements d’occupation gros producteurs de graffiti. L’image que nous empruntons provient des archyves pagès, un blogue qui se consacre au relevé des inscriptions murales en tous genres. Elle prouve qu’il faut toujours compter avec cette tendance enragée de la jeunesse à confier aux murailles urbaines ce qu'elle a sur la patate.

    Charles_Monselet_autoportrait.jpg« On a, de tout temps, écrit sur les murs » disait Charles Monselet en 1854 dans un petit bouquin intitulé Figurines parisiennes.  Ce journaliste du Second Empire illustre son propos d’exemples qui ressuscitent d’éphémères faits d’expression promis, sans lui, à l’oubli qui suit le ravalement des retour à l’ordre.

    Ainsi le cas de Crédeville. C’était un officier de l’armée de la Loire qui, après 1815, « se réfugia , avec le général Gilly, dans les Cévennes » où il aurait trouvé la mort en combattant les royalistes. Tout Paris, vers 1834, était couvert, selon Monselet, de son nom.

    « On ne pouvait pas faire deux pas sans que ce nom ne vous jaillit aux yeux. Les crédevillistes étaient alors partagés en deux camps : ceux qui écrivaient Crédeville tout court, et ceux qui écrivaient Crédeville voleur ».

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    Il faut sans doute voir là une marque de cet esprit de dérision qui animait les habitants de la capitale sous la monarchie de juillet. Dans Le Charivari et les autres journaux satiriques, l’époque était à la poire (caricature de Louis-Philippe) et au gros nez de Bouginier (un malheureux peintre harcelé par ses camarades d’atelier).

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    L’anecdote pourtant a un côté plus émouvant qui la rend attachante aujourd’hui.

    « La personne qui traça pour la première fois le nom de Crédeville sur les murs de Paris, ce fut une pauvre marchande de prunes, une aliénée, dont le visage gardait (…) encore des traces de distinction. (…) Avant la chute de l’empereur, elle avait été fiancée à Crédeville, (…) Des revers de fortune, joints à l’ignorance où elle était du sort de son amant, avaient déterminé un ébranlement complet de toutes ses facultés. C’était le désir de retrouver Crédeville qui lui faisait écrire ce nom sur toutes les murailles ».

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  • Perles de grève

    A grève perlée, perles de grève. 2018 égalera-t-il 1995 sur le plan de la tradition orale? Certes, du XXe siècle finissant au XXIe bien entamé, on est passé du Café du Commerce aux réseaux sociaux. De la légende urbaine aux fakes news. Mais dans les interstiCes de la communication ordinaire des usagers lambda impactés par le conflit social dans les transports, il pourrait se glisser quelques tropismes à la Nathalie Sarraute. En attendant de voir (ou d’entendre), voici quelques rumeurs tirées des archives d’un de nos lecteurs qui les avait glanées -et notées- entre le 24 novembre et le 18 décembre 1995, sous la rubrique On dit que :

    Quelqu’un a appelé un service de coursiers pour dire : « j’ai un colis fragile, moi-même »

    Obligé de dormir chez une cousine obsessionnelle, le même est réveillé toutes les deux heures par le radio-réveil que celle-ci reprogramme régulièrement

    Le SAMU ne pouvant plus passer, des gens seraient morts dans les ambulances

    Il faut faire des provisions

    Le week end calmera les esprits et tout ira mieux lundi

    Tous les jours, un homme vient au boulot sur un vélo que son fils lui loue 50 Frs

    Il n’y a plus d’argent dans les caisses d’épargne

    Sept cheminots sur dix souffriraient de six roses

    Les femmes enceintes avortent dans les embouteillages ou du moins elles ont des contractions

    Les grévistes se plaignent parce qu’ils n’ont pas de moyens de transport pour se rendre au piquet de grève

    Dans une manifestation une voiture de R.P.R. [parti de la droite gaulliste au pouvoir alors] a foncé dans la foule ; un postier a été blessé mais pas grièvement

    Il faudrait que les Allemands reviennent

    Cette année, le Marathon de Paris sera organisé par la S.N.C.F.

    La femme d’un copain c’est sacré même pendant les embouteillages

     

    Note : vingt trois ans s’étant écoulés, il y a naturellement prescription pour ce bêtisier qui risque, dans les jours prochains, d’être actualisé sur la Toile.

     

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  • Æsculape c’est Byzance

    Un curieux dessin polygonal. C’est le titre d’un article paru en décembre 1911 dans le n° 12 d’Æsculape, une revue traitant des sciences, des lettres et des arts dans leurs rapports avec la médecine.

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    Article illustré par un portrait de « genre byzantin » qui a tout de suite rappelé quelque chose à notre camarade Ani. En août 2010 et juin 2013, sur son blogue Animula Vagula, elle avait posté de fantômatiques images visiblement de la même main. Elles étaient dues à une certaine Marie Egoroff.

    Le dessin d’Æsculape émane « d’une dame n’ayant étudié ni le dessin ni la peinture » dont les initiales sont : C.-B. d. l. T. S’agit-il d’un pseudonyme adopté tardivement pour protéger l’anonymat de l’auteur ? Voilà le mystère qui s’épaissit, ce qui n’est pas fait pour nous déplaire. Le texte dont l’artiste a accompagné son dessin nous en apprend pas mal sur ce créateur habile à naviguer entre divers courants.

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    C.-B. d. l. T. réfute l’opinion selon laquelle ses dessins auraient été obtenus par la suggestion hypnotique. Plusieurs de ses portraits ont certes été réalisés en présence de psychologues dont Théodore Flournoy, célèbre pour ses travaux avec le medium-artiste Helen Smith (1961-1929). Mais « ces messieurs se sont abstenus de toute intervention ».

    Ne subissant aucune modification de son état de conscience quand elle dessine Madame C.-B. d. l. T. (ou plus vraisemblablement Marie Egoroff) écarte toute idée d’auto-suggestion. Il suffit simplement que sa main « munie d’un crayon (…) se pose sur le papier pour qu’aussitôt » son bras « se mette en mouvement et traces des hachures, des traits d’une finesse extrême, comme burinés (…) ». Il ne faut cependant pas, selon elle, « classer cette médiumnité parmi les cas pathologiques ». La dessinatrice souligne son extraordinaire bonne santé, parle de son « caractère très modéré ». Elle n’est, dit-elle, « ni enthousiaste, ni imaginative » et son humeur « est parfaitement égale ».

    Etrange insistance qui révèle peut-être qu’entre 1894-1898 (dates des œuvres signalées par Animula) et 1911 (date de l’article d’Æsculape) Marie Egoroff a ressenti les inconvénients d’une popularité paranormale. Tout au plus admet-elle que son « don » lui semble « miraculeux ». Elle nous éclaire aussi sur les conditions d’exécution de ses portraits : « en moins d’une heure, souvent même sans regarder pendant plusieurs minutes ce que je fais, sans savoir en tous cas ce que cela va donner jusqu’à la fin ». Fin qui coïncide avec le remplissage total de la feuille.

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  • Les mosaïques exaltées de Louis Terrasse

    Encore Vialatte et Bonaparte toujours. Ou comment l’Égypte ramène à l’Auvergne. Le Dilettante, en 2002, a publié Au coin du désert, un recueil de textes du grand Alexandre écrits à l’ombre des Pyramides en 1938. Lecture idéale en ces temps où l’on passe sans transition de la froidure neigeuse à la douceur printanière.

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    « En passant dans la rue Jacob » écrit Vialatte, « il m’a semblé sentir soudain souffler le vent d’Aboukir. J’avais vu, derrière une vitre, Bonaparte qui me regardait de ses yeux qui nous suivent encore ».

    Et notre chroniqueur d’énumérer les lieux où l’image du conquérant corse se retrouve. « En culotte blanche dans les petits cafés d’Alexandrie, sur des calendriers-réclames », « au musée de l’Orangerie dans le pêle-mêle glauque et mordoré des antiquailles et des estampes ». L’auteur évoque les Mayençais qui « fleurissent la tombe de ses grognards ».

    Et puis il nous livre soudain un de ses morceaux de curiosité dont il a le secret : « le garde champêtre de Viverols, dans le Puy-de-Dôme, l’immortalise en mosaïques exaltées faites d’ivoire, d’écaille d’huître et de boutons de culotte ! ». On aimerait voir ça.

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    Petrus Batselier, dans un article paru en 1997 dans le Dossier Vialatte de L’Âge d’homme (AV le temps d’un pique nique avec Père Ubu et trois satrapes) nous en apprend davantage. Le garde champêtre s’appelait Terrasse. Il exerça divers métiers dont celui de menuisier et de restaurateur.

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    A 11 ans, « Le début de sa carrière artistique consista en une reproduction en ruche de pin, inspirée par l’image du cahier d’école de marque Labor improbus.

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    Il réalisa ensuite ses rêves –Passage des Alpes, Napoléon devant Ratisbonne, la Bataille des Pyramides etc.– en écaille d’huître et en boule de billard ».

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    Créateur d’un Musée des Merveilles dans sa salle à manger, Terrasse est aussi l’auteur d’un objet poétique par l’adaptation d’un guidon de bicyclette à une faux.

    Et c’est ainsi…

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