Du mal à démarrer le matin ? Lisons cette pensée éclose sur le mur d’une université parisienne qui s’est illustrée récemment dans le registre de l’effervescence : « Le monde appartient à ceux et celles qui ne se lèvent pas ».
Sa voisine a de quoi revigorer un lecteur de L’Internationale interstiCielle: « Moins de barreaux Plus de brèches ».
Beau programme ! De quoi sécher les larmes de ceux qui chialent sur les « dégâts » des mouvements d’occupation gros producteurs de graffiti. L’image que nous empruntons provient des archyves pagès, un blogue qui se consacre au relevé des inscriptions murales en tous genres. Elle prouve qu’il faut toujours compter avec cette tendance enragée de la jeunesse à confier aux murailles urbaines ce qu'elle a sur la patate.
« On a, de tout temps, écrit sur les murs » disait Charles Monselet en 1854 dans un petit bouquin intitulé Figurines parisiennes. Ce journaliste du Second Empire illustre son propos d’exemples qui ressuscitent d’éphémères faits d’expression promis, sans lui, à l’oubli qui suit le ravalement des retour à l’ordre.
Ainsi le cas de Crédeville. C’était un officier de l’armée de la Loire qui, après 1815, « se réfugia , avec le général Gilly, dans les Cévennes » où il aurait trouvé la mort en combattant les royalistes. Tout Paris, vers 1834, était couvert, selon Monselet, de son nom.
« On ne pouvait pas faire deux pas sans que ce nom ne vous jaillit aux yeux. Les crédevillistes étaient alors partagés en deux camps : ceux qui écrivaient Crédeville tout court, et ceux qui écrivaient Crédeville voleur ».
Il faut sans doute voir là une marque de cet esprit de dérision qui animait les habitants de la capitale sous la monarchie de juillet. Dans Le Charivari et les autres journaux satiriques, l’époque était à la poire (caricature de Louis-Philippe) et au gros nez de Bouginier (un malheureux peintre harcelé par ses camarades d’atelier).
L’anecdote pourtant a un côté plus émouvant qui la rend attachante aujourd’hui.
« La personne qui traça pour la première fois le nom de Crédeville sur les murs de Paris, ce fut une pauvre marchande de prunes, une aliénée, dont le visage gardait (…) encore des traces de distinction. (…) Avant la chute de l’empereur, elle avait été fiancée à Crédeville, (…) Des revers de fortune, joints à l’ignorance où elle était du sort de son amant, avaient déterminé un ébranlement complet de toutes ses facultés. C’était le désir de retrouver Crédeville qui lui faisait écrire ce nom sur toutes les murailles ».