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Flonflons

  • Londres à Cayenne

    Retour Au bagne. Par la lecture. Celle du grand journaliste Albert Londres.

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    Son reportage de 1923 sur la Guyane. Avec ce livre et avec L’Homme qui s’évada (1927), il contribua à la fermeture du pénitencier de Cayenne.

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    Dans ces ouvrages, réunis dans la Collection 10-18 avec une introduction de Francis Lacassin, Londres prend fait et cause pour Albert Dieudonné (1884-1944).

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    Cet ébéniste anarchiste fut condamné sur des présomptions et des témoignages douteux. Pour une participation (jamais prouvée) au braquage de la banque de la rue Ordener commis par la Bande à Bonnot que Dieudonné fréquentait sans en faire vraiment partie.

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    Dans Au bagne, on croise aussi, Jean De Boë (1889-1974), un autre ouvrier anarchiste, impliqué dans les actions illégalistes de l’époque.

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    Supposé complice des « bandits tragiques », ce typographe en sabots figure sur une vieille carte postale montrant le départ des forçats pour l’Ile de Ré, première étape de leur calvaire.

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    A son propos, Albert Londres -pourtant peu prolixe sur les travaux d’art des bagnards- note un fait curieux. Pour un autre prisonnier et sur « une lampe faite dans un coco », « de Boué (sic) de la bande Bonnot avait gravé (peut-être avec son surin) un des plus beaux versets des psaumes ».

    La remarque prend tout son sel quand on sait que ce compagnon de détention n’est autre que Benjamin Ullmo (1882-1957), officier condamné à la déportation à vie pour avoir dérobé et voulu vendre des secrets militaires dans une intention cupide.

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    Ce « traître », trahi par la femme pour laquelle il se ruinait, fut sauvagement sevré de sa toxicomanie à l’opium. Il resta 8 ans seul sur l’île du Diable où il faillit devenir fou. Ironie du sort : Ullmo occupa la case du Capitaine Dreyfus alors gracié.

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    Si Dreyfus était innocent et Ullmo coupable, tous deux étaient gradés et juifs. La conduite répréhensible du second offrit donc aux antisémites une occasion de reprendre leur calomnies. « On a été traître comme on a été ivre. Je suis dégrisé, croyez-moi » déclara Ullmo qui réussit à se réhabiliter. Non sans passer par une crise mystique et une conversion au catholicisme mal vécue par sa famille restée en France. De ce point de vue, il est significatif de constater que le psaume gravé pour lui par De Boë : « Si l’Eternel ne bâtit la maison » (cantique des degrés de Salomon) fait partie d’un recueil rejeté de la Bible officielle du judaïsme et du christianisme.

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    Ne quittons pas cette note et le bagne sans signaler que l’on peut voir Dieudonné dans le documentaire-fiction de Jacques Brunius intitulé Autour d’une évasion (1931). On y entend La Belle, chanson réaliste d’Albert Londres interprétée par Lucienne Boyer.

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    On y déroule le plastron de Robert le tatoué, long morceau de peau humaine historiée prélevée sur la poitrine d’un bagnard.

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  • La tarentule du modernisme

    « Mon concierge possédait un tableau à musique. Lorsque la petite horloge, incrustée dans le clocher que vous imaginez, marquait midi, un ingénieux carillon, dissimulé derrière la toile, jouait : Ah ! vous dirais-je maman C’était très drôle. Tous les visiteurs ne manquaient jamais de s’émerveiller.

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    Or, il y a un mois, mon concierge fut, lui aussi, piqué de la tarentule du modernisme artistique. Il fit repeindre son tableau par un élève de M. Signac. Il fit changer le mécanisme du carillon. Aujourd’hui le clocher s’érige dans une pluie de petits pains à cacheter multicolores, et quand l’horloge marque midi, le nouveau carillon joue La Chevauchée des Walkyries. »

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    Albert Aurier

    Le Faux dilettantisme.

    In Textes critiques 1889-1892.

    De l’Impressionnisme au Symbolisme.

     

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  • Quatre roses pour un album

    Rose Mercie à priori avait tout pour passer loin de nos oreilles. Nos activités blogueuses nous entraînant davantage vers les régions plastiques et littéraires que vers les territoires indépendants de l’indie rock, nous avions toutes les raisons d’ignorer ce groupe de 4 musiciennes polyvalentes, pas encore trentenaires ou à peine.

    C’eut été dommage, pour utiliser le beau langage. Reconnaissance à celui-ci ! Il nous a mis sur la piste de ce quatuor qui fait circuler les voix, les guitares, les batteries et les synthétiseurs sur des voies de création peu empruntées. Les mouches ne s’attrapant pas avec du vinaigre, c’est à la lecture d’un papier de Laurent Thore trouvé dans les méandres du Net que nous devons la découverte du premier album des Rose Mercie.

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    Nous ignorons si Laurent Thore est écrivain. On sait qu’il est Auvergnat. On le présente comme un chroniqueur - voire un rédacteur - pour des sites musicaux spécialisés. Mais comment ne pas reconnaître un bon article critique quand on en rencontre un ? Celui que Thore vient de donner à indiemusic a la chaleur communicative de l’enthousiasme alliée à la lucidité analytique de l’observateur. Peut-être parce que DJ lui-même, sous le pseudonyme de Deejay Doublelow, Thore est pour ainsi dire du bâtiment.

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    Son érudition s’appuie sur le concret des choses. Et cela suffit à piquer notre curiosité. A ouvrir notre ouïe anesthésiée par la nécessité de supporter la soupe intrusive dans laquelle nous baignons du fait des ritournelles publicitaires, des sonneries de téléphone, des hits du moment.

    Les cinéphiles qui, l’année dernière, ont vu Avant la fin de l’été, le film de Maryam Goormaghtigh, se souviennent que dans ce road movie relatant les pérégrinations de trois étudiants iraniens en France, les personnages croisent le chemin de deux rockeuses en tournée. Charlotte et Michèle, deux des Rose Mercie engagées pour jouer leur propre rôle.

    Des autres membres du groupe, qui ont pour prénoms Inès et Louann, émanent, comme de leurs partenaires, une spontanéité sans artifices sur les photos. Cette authenticité fragile, elles savent la préserver dans leurs morceaux.

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    Elle contraste avec un néo-conformisme carriériste qui se pare des plumes du Do It Yourself pour paraître décalé à peu de frais. En tous domaines, les esprits formatés s’entendent au détriment de ceux qu’ils croient réduire à la case autodidactes. Laurent Thore est plus respectueux

    .

    Dans son travail de DJ, il s’est approché du chant des sirènes. Il nous invite à ne pas résister à celui des Rose Mercie. Laissons nous donc envelopper dans leurs mélopées souterraines, dans leurs mélodies bouclées où la tonalité tenue, le retour hypnotique du même, la ligne subtilement accidentée accompagne le cœur et la pensée.

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  • Pirouette et Sans Pattes

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    Fonde la cire des bougies de Noël ! Les poupées du baby-boom peuvent bien perdre leur son, l’année ne commence pas si mal. Grâce à Eliane Larus et à Robert Combas, 2018 s’avance vers nous pour un baiser gentiment interstiCiel.

    De la première cette Pirouette de vœux arrivée dans notre hotte comme une sucette à l’anis.

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    Du second une phrase, lue dans un entretien avec Eric Delhaye (Je n’écoute en boucle que mes disques) paru dans Libération le 7 janvier. A la question : Le disque que tout le monde aime et que vous détestez ? l’idole de la Génération Figuration Libre répond : « Yes et Genesis, j’ai toujours détesté. Ce sont de grosses machines. C’est comme Jeff Koons : je n’ai rien contre lui, mais on ne fait pas le même métier ».

     

     

    Shamanisation

    Les Sans Pattes Co-realisation Robert Combas & Lucas Mancione
    Paroles : RC/Musique : RC &LM
    Special guest : Genevieve Boteilla / Marc Duran / Pierre Reixach

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  • Gounod es-tu là ?

    Charles Gounod sous un autre jour. Sans doute pense-t-on peu à cette vedette de la musique du Second Empire. Auteur du tube de l’Ave Maria dont les pieuses paroles latines remplacèrent une déclaration d’amour empruntée à Lamartine. Toute sa vie, Gounod (1818-1893) oscilla entre ses tendances au mysticisme et à la sensualité.

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    On ne s’en rend pas compte quand on croise sa belle barbe dans cette Provence où il composa son opéra Mireille en 1864. Entre deux crises d’angoisse.

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    Il y laissa le souvenir flatteur d’un ami de Frédéric Mistral, le dieu local.

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    A l’auberge où l’on protégeait sa tranquillité et celle de son élégante épouse, les gens ignoraient que le musicien avait été interné chez le Dr Emile Blanche (le psychiatre de Nerval) en 1857 à Passy. « Ce pauvre Gounod est devenu fou » disait alors Berlioz. Il se trompait. Mais vers 1840 déjà la sœur de Mendelssohn l’avait trouvé exalté.

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    Ce qui n’empêcha pas Gounod d’être pour les Anglais « un des rois de l’opinion et du goût » selon Jules Claretie. Faust (1859) fut l’opéra favori de la Reine Victoria.

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    La fécondité exceptionnelle de ce créateur bipolaire, ses facultés de concentration impressionnèrent ses contemporains. Ne reconstitua-t-il pas de mémoire la partition entière de Polyeucte, l’opéra qui lui avait été soustrait ?

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    Ces capacités ne lui valurent pas que des succès. Elles l’exposèrent aussi à des manœuvres d’exploitation, en un temps où le droit des auteurs était mal protégé. S’ensuivirent des procès avec ses éditeurs.

    Puis contre la soprano Georgina Weldon (1837-1914) avec laquelle il noua de 1871 à 1874 des relations complexes.

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    Cherchant « un maître sur qui règner » (Lacan), celle-ci fut à la fois l’impresario, l’interprète et la partenaire amoureuse du musicien quand il se réfugia en Angleterre après la guerre de 1870.

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    Il semble que Georgina Weldon ne renonça jamais à l’ascendant pris sur Gounod qu’elle appelait « mon vieux » (il avait 19 ans de plus qu’elle). Ni au filon constitué par son talent qui s’exerçait aussi, à la fin de sa vie, dans le domaine littéraire.

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    Dans un curieux livre, publié en 1902, elle publia les poèmes (assez mauvais) qui lui furent adressés par le défunt musicien grâce au concours de plusieurs mediums médiocrement dessinateurs. Georgina s’adonnait au spiritisme depuis longtemps.

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    Attribué par précaution à Ch. Gounod (Esprit), ce volume de 128 pages intitulé Après vingt ans et autres poésies contient une préface où le traumatisme de la séparation de la soprano et du compositeur est évoqué en termes voilés.

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    On sait que celui-ci finit par se sentir séquestré à Tavistock House (Bloomsbury) chez son hôtessse qui le faisait travailler.

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    Les circonstances de son exfiltration par sa famille conseillée par le Dr Blanche sont rocambolesques. Tout autant que celles au cours desquelles le trop complaisant mari de Georgina Weldon tenta en 1875 de la faire interner. En bonne féministe qu’elle était, Georgina sut résister. Elle avait du caractère. Ce qu’elle tend à prouver chiromancièrement par des gravures de ses mains.

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    Illustration qui fait penser à celle du surréaliste Westwego (1922) de Philippe Soupault.

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  • Le prince de l’art sans nom

    Un jour mon Prince viendra.

    J’ai beau avoir conservé ma petite âme de moutarde piquante c’est rare que me remue la disparition d’un baladin de notre monde occidental. Mais là, pardon, il y a de quoi ! De quoi s’associer au deuil collectif où les fans de la purple superstar se sont plongés unanimement.

    Ne serait-ce que pour saluer la bonne idée née un jour de 1993 dans l’esprit survolté de cet autodidacte boulimique de création qui, à l’état civil, portait le nom de Prince Rogers Nelson. Alias Prince for ever.

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    Sauf à la fin des nineties justement. Années pendant lesquelles, le showman engagé dans une partie de bras de fer avec sa maison de disques qui bridait selon lui sa liberté et sa fécondité artistiques, renonça à son nom. Au profit d’un pictogramme imprononçable qu’on traduisit faute de mieux par Love Symbol.

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    Souhaitons que Prince reste dans les mémoires. Non seulement pour sa musique. Mais aussi pour cette rébellion interstiCielle qui le conduisit à tenter d’imposer sa vision personnelle à l’industrie musicale.

    A la réflexion cette attitude avant-gardiste mériterait d’être généralisée. A ce que le business international épingle sous la vague rubrique d’art brut notamment. Imaginez des foires d’art sans nom par exemple. Voilà qui serait du dernier chic !

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    Des espaces white cubes où, sur la porte vitrée, l’exposition serait annoncée par un hiéroglyphe ! Des ventes publiques of « The Artist Formely Known As » Chomo. Ou TAFKA Darger, TAFKA Wölfli, TAFKA Quivousvoulez. On peut rêver.

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  • Pipilotti vous fait une fleur

     

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    Pipilotti va trop fort ? C’est ce que nous nous sommes demandé quand Ever is over all, magie à double détente de la vidéaste suisse Elisabeth Charlotte Rist, est tombée entre nos mains au hasard de nos maraudages dans la jungle du Net.

    Fallait-il l’expulser tout de suite pour crime d’art-contemporanéité congénitale ? Ou tenter de l’acclimater à notre territoire intersticiel ? Au sein du comité de rédaction de l’ii, le débat fut rude.

    Mais dans cette mise en scène d’une violente douceur il subsistait, presque 20 ans après sa création, quelque chose de trop décalé pour que nous ne courions pas le rist d’une adoption.Les Arts 2 cm.jpg

     

    Ever is over all (1997)

    Tirer la nappe sous le couvert. Foncer dans une vitrine de magasin avec un bolide lancé à pleine vitesse. Casser des bouteilles sur le mur du voisin. Etre cet éléphant sans vergogne dans une boutique de porcelaine, c’est mon rêve. Qu’il ne reste rien en un seul morceau, cela m’est proche.

    Cette femme inoffensive, regardez-là, avec sa robe de satin bleu vierge-Marie et ses chaussures rouges qui l’ont ensorcelée, il y a du Emily Watson dans son allure. Elle déambule dans la rue avec grâce, voltigeant presque. Elle brandit un drôle de sceptre avec lequel elle casse allègrement les pare-brise des véhicules stationnés.

    La bande son est aussi douce que son murmure intérieur car plus elle casse, plus elle jubile, et plus elle se sent bien. Elle agit comme une créature illuminée sous l’œil hagard de passants pas inquiets pour autant. Une femme flic lui fait même un petit signe de connivence comme si elle lui disait « chapeau ma belle ! ».

    La vidéo est projetée sur un mur à angle droit, l’action de face et, à l’équerre, une végétation luxuriante filmée en gros plan : traditionnels brins d’herbes ballotés par le vent, coquelicots agitant mollement leurs pétales de crépon. Tout est fluide et atemporel mais nous sommes captés par la séquence d’action et cette fleur de métal qui se prend pour une matraque. Agir comme une petite frappe en escarpins et robe d’azur, sans être aucunement arrêtée dans sa course, c’est un plaisir illicite de première force.

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  • Le dernier silence de Paul Bley

    Rien ne vaut le jaillissement : source et son, « l’ur-sprung » qui dégage le bastringue culturel et normatif.

    Lorsqu’en août 1954, il grave en trio (Peter Ind à la basse, Al Levitt à la batterie) les 3.30 minutes dérisoires et essentielles de Time On My Hands, ce standard dont on pouvait espérer moins que rien, le pianiste canadien Paul Bley n’a que vingt-deux ans.

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    Rien ne laisse deviner la suite : et que je te la jouerai post-bop, incisive et décalée, floue et incertaine, dissonante et informelle à foison…

    Ah ! vous croyez que ça va se formater en musique d’ambiance ou référence pour bobos dégrossis… Et ta soeur… Non, ça va partir en couille maîtrisée, en permanence sur les bords, en équilibre instable et toujours chantant.

    Rien, je disais, ne laisse deviner la suite. Et pourtant, faites confiance à votre oreille qui n’a pas de paupière : ordonnance, rythme, conduite et registre des voix – oui, les voix, comme dans une fugue ou un prélude de papi –, présence physique, chant…

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    Et ces notes détachées, affirmations hésitantes, gouttes creusant la même pierre accueillante : naturelles, inévitables, irréfutables – et que je te les détache bien (ploc) dans leur fragile aura sonore pour te prouver que cela sonne comme ça doit sonner et pas autrement, que la note advient, qu’elle appelle les suivantes, et que c’est leur juxtaposition ordonnée par le corps qui produit et ré-enchante la mélodie… Sans oublier cette petite transe lorsque les notes réunies, coagulées en caillots harmoniques, grêles et jouissifs, viennent ponctuer Dieu sait quoi (le paradis d'être là, peut-être ?).

    Paul Bley, donc (1934-2016). J’ai aimé le saluer ainsi, dans un taxi, en apprenant sa mort : en écoutant, sidéré, ce standard aux fragiles, élégantes, émouvantes pattes de Bambi.

    Paul Bley,

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  • Plutôt mourir que Pluto Mickey

    Si vous êtes échaudés par la magie de Noël, donnez sa chance au cas Pierre Billon et relaxez-vous 5 minutes devant La Bamba triste, un des clips les plus calamiteux de l’histoire des tubards (les nanars des tubes). Années 80 « vintage », s’il vous plaît !

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    On tousse un peu forcément si on ne parvient pas à éclater de rire immédiatement. Ne vous laissez pas abattre par la nullité, ne craquez pas au bout de quarante secondes, attendez que ce monsieur claque une fois dans ses mains et balance de la fausse neige… Ce clip n’aurait pas coûté cher si ce n’est toute cette cocaïne gâchée, franchement… Une boucherie blanche. Vous avez tenu le coup ? Fort bien. Maintenant votre récompense : une séquence d’anthologie avec plongeon et piscine fumante…

    Certes, il y a l’incongruité du clip, sa post-production accablante et son subtil décalage de son, mais il y a surtout le sens de la chanson rehaussé par de merveilleux sous-titres phonétiques (pour karaokeurs bien accrochés).

    Faut pas croire, ce Billon possède son Gradus sur le bout des doigts… Si, si. En témoignent les palanquées d’oxymores qui jonchent le texte : Bamba triste, Marseillaise en mineur, Clip muet, etc. Les allitérations en F « Je flippe, je flashe », en T « autodidacte sans tact ». Et puis ce vers d’une grande fraîcheur « Je suis cool et j’ai les moules ainsi que les boules, maman » à pleurer sa mère, donc !

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    Pierre Billon avec sa mère Patachou

    La quintessence étant ces jeux de mots amphigouriques : « Ecoutons hydrophilement » ou bien encore le somptueux « Plutôt mourir que Pluto Mickey », my favorite ! Un grand millésime avec tout ce qu’il faut de chœurs en amerloque (et hyper mode : gros sweat capuche et bandeau Toutoutouyoutou) et même trois mots d’allemand.

    Une dernière chose au-delà de tous mes vœux qui vous accompagnent. I Have a Dream... Je voudrais que celles ou ceux qui se risqueraient à nous faire un commentaire sur ce blog me promettent par écrit de ne pas trop regarder ce clip… Il faut savoir que Bobby Lapointe se retourne dans sa tombe à chaque fois qu’on le visionne. Alors merci pour lui... Personnellement, j'ai fait ce billet de mémoire.

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    Pierre Billon entre sa mère et Georges Brassens

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  • Killed by Death

    « Un jour j’ai apporté ma guitare à l’école et je me suis vu entouré de nanas. Wow ! Il a une guitare. Avoir une guitare à l’époque, c’était quelque chose… Tous ces intellos qui se la pètent et qui veulent délivrer un message… Bullshit ! Ils veulent coucher avec des nanas, c’est tout ! »

    Lemmy Kilmister (1945-2015), fondateur de Motörhead.

    Médaille en chocolat à Michel Scognamillo qui a mis cette perle sous le nez de l’ii.

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  • Le chaos ethnique porte de Vanves avec DakhaBrakha (DonnerPrendre)

    DakhaBrakha donnait hier un concert. Sophie Roussel, notre envoyée spéciale, était dans la salle. Elle nous communique son ressenti tout vif, tel que tombé de son iphone à la fin de la soirée.

     

    J'ai été bouleversée, vidée, nettoyée et remplie par un concert exceptionnel. Je dirai même, un des meilleurs de ma vie... (Pourtant, j'en ai vu croyez-moi !). Le lieu déjà m'était inconnu et s'est révélé, tout pétaouchnok qu'il créchait, une véritable bonne surprise (le théâtre Montfort, Porte de Vanves). Parfaite jauge et acoustique sans couac, ingé son irréprochables.

    Le groupe c'était DakhaBrakha

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    « Nous sommes DakhaBrakha d'Ukraine libre... »

    C'est la seule parole ou presque qu'ils prononceront et qui sert à les présenter ! Des musiciens hors pair, des virtuoses sans afféterie, qui vont collecter dans des villages de campagne reculés des chansons en passe de disparaître du folklore... Ensuite, ils les réarrangent avec beaucoup de modernité tout en conservant 90 % d'instruments traditionnels. Parfois, ca sonne rock, rap, soul, tout en restant complètement ukrainien (hélas on ne comprend pas les paroles).

    Il faut voir ces trois femmes de blanc vêtues avec de lourds colliers agrémentant leur corsage, des beautés aux voix extraordinaires -le plus loin possible bassines de R'n'B- Beaucoup de choses avec leur voix, des petits sons, des onomatopées (pas le trip chœur de femmes ukrainiennes qui m'aurait rasée). Un fond unique de modestie, beaucoup de sérieux et une pointe de malice. Richesse inouïe de percusssions et beaucoup de petits intruments insolites et bricolés.

    Ces gens savent tout faire et ils font ce qu'ils veulent de leurs instruments et de leur tessiture. A la première seconde, ils sont au sommet de leur art et ils y restent ! Regardez comment ça joue du violoncelle comme une basse, c'est ma préférée des trois filles, la plus plus mutine. Même les robes de mariées, ne font pas costumes de scène. Eté comme hiver, elles portent ces robes (qui sont plutôt inspiration Europe de l'est d'ailleurs) et ces coiffes traditionnelles de leur pays pour mieux nous amener la modernité de leur musique...

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    C'est la candeur que l'on retient. Une véritable orgie de musique sauvage. On ne sent pas le travail, ni la composition. Une harmonie générale et l’accord parfait qui fait dire à juste titre que la performance live fait tout. Pour moi ils sont aux marges mêmes car classés dans la World music....On s'en tape. Ce n'est pas une bonne chose à dire ! Mais c'est le contraste entre un truc très identitaire et une musique universelle. Il y avait hier un public de tous âges qui a fini debout en dansant.

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  • Zombi or not zombi

    Entrée des Zombis. Le zombi fait le buzz. On ne compte plus les films, les séries, les jeux vidéo qui se vautrent bravement dans ce phénomène de mode. Même la pub Chanel qui ressuscite pour l’occasion She’s not there, tube d’un groupe de rock mythique des années soixante.


    Cette pub se laisse voir pour Keira Knightley, l’actrice anglaise qui, dans A Dangerous method, un film de David Cronenberg de 2011, incarna Sabina Spielrein, la jeune patiente qui sert de balle dans le ping pong entre Carl Gustav (Jung), son analyste et son amant, et Sigmund Freud, le maître auquel elle se rallia.

    Mais reprenons. Si l’on n’y prenait garde les zombis nous emmèneraient trop loin. A force de voir défiler des morts vivants en lambeaux, des va-de-la-gueule hagards et tout pourris à la démarche chancelante, on trouverait drôle la zombification. Ce n’est pas le cas.

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    Un ouvrage récemment paru nous le rappelle. Il se distingue de toutes les conneries qui courent sur ce sujet mystérieux. C’est pourquoi l’ii le recommande. Il s’agit du livre de Philippe Charlier : Zombis, enquête sur les morts vivants (Tallandier mai 2015). L’auteur est un médecin légiste et un anthropologue, ce qui ne doit pas faire froid dans le dos car ce livre réussit le tour de force d’être grand public tout en étant informé et clair. Se risquer à une critique de détail, nous n’y songerons même pas.


    A retenir surtout, outre la fine étude du terrain haïtien, la typologie dégagée par l’auteur.

    Zombis = personnes atteintes de maladies psychiatriques.

    Zombis = personnes qui ont été droguées.

    Zombis = morts sociaux, personnes exclues de la société.

    Un chapitre nous a paru particulièrement intéressant. Il s’intitule Pavillons des zombis et relate une visite dans un hôpital psychiatrique de Port-au-Prince. On y croise une patiente qui aurait passé près d’un an de sa vie au service d’autrui, dans un état de semi-conscience.

    Citons : « Sur tous les murs de l’établissement hospitalier », elle « a dessiné avec des charbons les vévés [symboles] de Baron Samedi et Dame Brigitte, mais aussi des phallus, des couteaux, des sabres etc. (…) Presque aucun mur n’échappe aux signes kabbalistiques laissés par cette patiente, à commencer par sa cellule, bien sûr, et jusqu’aux portes extérieures de l’hôpital psychiatrique, comme si elle avait voulu mettre en place un cercle de protection autour d’elle (…) ».

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  • Le Sauvage à l’écran

    Son petit cinéma personnel, c’était fatal, devait propulser le Sauvage sur les écrans. Sous le nom de Blanchet le Sauvage, Paul Marie Joseph Blanchet participa en 1933 à Mireille, un film de René Gaveau.

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    C’est une adaptation de Mirèio, pièce de Frédéric Mistral et de l’opéra de Charles Gounod. Dans le casting, Lou Sòuvage est le Père Ambroise, le père de Vincent le vannier, le flirt de Mireille.

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