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Constructions/Déconstructions

  • Comment construire une cathédrale

    Les Invraisemblables. C’est dans cette nouvelle collection des éditions Plein Jour que sort le livre de Mark Greene centré sur Justo Gallego Martinez, bâtisseur solitaire (ou presque), d’une chimère de briques qu’il n’achèvera jamais. Comment construire une cathédrale. Sous cette apparence  de guide pratique au titre prometteur, l’ouvrage de l’écrivain franco-américain remonte aux débuts d’une entreprise irraisonnée et hors du temps.

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    Quand Justo, moine-paysan de la région de Madrid, décida il y a soixante ans d’édifier sur son champ ce qui allait devenir le plus grand work in progress d’Espagne après la Sagrada Familia.

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    Il n’y avait alors aucun Gaudi pour les nuls. Justo, sans plan, sans expérience d’architecte ou de maçon dut tout apprendre par lui-même et par des lectures disparates. Au fur et à mesure qu’il réalisait son œuvre. On sait cela. La toile est pleine des exploits don quichottesques de ce personnage à la poursuite obstinée de son idée.

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    Le livre de Greene nous apporte bien autre chose que ces faits curieux dont se contentent souvent ceux qui considèrent la vie et l’œuvre des autodidactes inspirés comme un palliatif  à leur imagination défaillante. Précisément parce que l’auteur n’hésite pas à parler de lui ou de son père photographe qui renonça à la photographie. Passés par le filtre de sa sensibilité et de son histoire, l’œuvre et le destin de Justo Gallego nous deviennent plus intelligibles. C’est peut être ce que les éditeurs de ce récit, désignent comme «une divagation romanesque incarnée dans ce héros de l’acte absurde (…) ».


    La portée de ce livre d’une densité multiforme malgré sa petite centaine de pages, tient surtout au parallèle qu’il esquisse entre la construction de Gallego et l’écriture de Greene. Habilement, sans fausse humilité ni outrecuidance, Greene règle son pas sur le sujet de son étude. Ne demandant pas plus à la création que ce que Gallego lui a demandé : avancer, avancer toujours.

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    Une brique, une phrase, en appelant une autre. En cette rentrée littéraire 2016 où la tendance est au  « cosmopolitisme », il est réconfortant de rencontrer un écrivain comme Mark Greene, né à Madrid et hispanisant, qui ne craint pas de dire : « Je ne voyage presque pas (…) ». Cela nous rappelle le Levi-Strauss de Tristes tropiques qui se désolidarisait des explorateurs.

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    On croise d’autres people dans le récit de Mark Greene : Samuel Beckett qui attend l’autobus, Maria de Jesus de Agreda, mystique favorite de Gallego, le Péruvien Manuel Scorza, victime d’un accident d’avion près de la Cathédrale. Siméon le Stylite aussi comme dans un film de Luis Bunuel.

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    Affleure dans le texte de Greene une structure picaresque dont les morceaux de bravoure sont le voyage avorté de Justo à Jérusalem et l’émouvant chapitre où Justo en équilibre précaire sur un échafaudage passe toute une nuit à attendre le secours d’Angel (son auxiliaire).

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    Une façon très efficace de suspendre le lecteur au fil de ce récit.

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  • Gabriel Pomerand en action

    gabriel pomerand,isidore isou,jacques spacagna,maurice lemaître,orson welles,librairie fischbacherUn sourire en passant pour un trio de poètes. Le joufflu Isidore Isou, l’angélique Jacques Spacagna et le scolaire Maurice Lemaître. On s’amuse bien en ce temps là (1955) à la librairie Fischbacher, rue de Seine. Le lettrisme bien propre sur lui fait son show pour Orson Welles qui réalise alors un documentaire sur Saint-Germain-des-Prés.

    gabriel pomerand,isidore isou,jacques spacagna,maurice lemaître,orson welles,librairie fischbacherNe pas rater la fin qui emprunte quelques images à Ça va barder, le film de John Berry sorti la même année. 10 secondes de pur bonheur intersticiel. Aussi juvénile mais nettement plus sauvage! Gabriel Pomerand en pleine action : bave et éternité.

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  • La Grotte Chesné à Malakoff

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    La Grotte Chesné on n’y tient guère à plus de quatre mais ce nombre restreint ajoute son charme à la chose. On s’y serre, on s’y frotte, on s’y sent chez nous dans ce Malakoff que le Douanier Rousseau se plut à peindre.

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    Dans cette pelote de fils urbains de diverses sortes qui constitue son environnement, la Grotte Chesné s’est nichée comme un lézard au cœur palpitant.

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    Un lézard ce n’est pas grand chose mais cela participe de deux mondes. Un monde du grand soleil de la culture, du confort et de la civilisation. Un monde de l’ombre propice au secret, à la lenteur, à la méditation.

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    L’un et l’autre aux Malakoffiots sont nécessaires. Comme le pain, comme le rêve. Comme toutes ces choses contradictoires qui font que les hommes, les femmes, leurs petits et même les abeilles et les fourmis sont heureux d’être gouvernés par la vie.

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    La Grotte Chesné, à sa façon, témoigne d’un art de l’équilibre, précaire mais harmonieux.

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    Elle est un trait d’union mosaïste entre un passé d’ingéniosité populaire qui vit fleurir aussi bien Raymond Isidore que Niki de Saint de Phalle et un vingt-et-unième siècle, marqué par l’essor de l’Art modeste et des graphistes de rue.

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    Aux décors de demain, elle transmet ceux d’un Art Nouveau transfiguré par Gaudi et relayé par des bricoleurs de banlieue chers à Robert Doisneau. Bien sûr, elles ne sont plus nulle part ces poissonneries, ces boucheries, ces boulangeries, dont les façades s’ornaient des emblèmes animaliers de leurs activités.

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    La Grotte Chesné n’en persiste pas moins à inscrire au sein de sa ville une nostalgie totémique qui parle aux écoliers en visite dans le jardin environnant.

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    Les fantaisies muralistes y sont ici les complices d’une nature en récréation. On y croise des plantes en liberté et des fleurs en pots qui n’ont pas l’air triste.

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    On y sème de vivaces sculptures et de gais pantins. 

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    C'est un petit jardin « qui sent bon le bassin parisien » et les voisins de Jean-Michel Chesné lui ouvrent volontiers leurs portes.

     

    C’est un petit jardin avec une grotte.

    La Grotte Chesné.

    On y tient.

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  • Zombi or not zombi

    Entrée des Zombis. Le zombi fait le buzz. On ne compte plus les films, les séries, les jeux vidéo qui se vautrent bravement dans ce phénomène de mode. Même la pub Chanel qui ressuscite pour l’occasion She’s not there, tube d’un groupe de rock mythique des années soixante.


    Cette pub se laisse voir pour Keira Knightley, l’actrice anglaise qui, dans A Dangerous method, un film de David Cronenberg de 2011, incarna Sabina Spielrein, la jeune patiente qui sert de balle dans le ping pong entre Carl Gustav (Jung), son analyste et son amant, et Sigmund Freud, le maître auquel elle se rallia.

    Mais reprenons. Si l’on n’y prenait garde les zombis nous emmèneraient trop loin. A force de voir défiler des morts vivants en lambeaux, des va-de-la-gueule hagards et tout pourris à la démarche chancelante, on trouverait drôle la zombification. Ce n’est pas le cas.

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    Un ouvrage récemment paru nous le rappelle. Il se distingue de toutes les conneries qui courent sur ce sujet mystérieux. C’est pourquoi l’ii le recommande. Il s’agit du livre de Philippe Charlier : Zombis, enquête sur les morts vivants (Tallandier mai 2015). L’auteur est un médecin légiste et un anthropologue, ce qui ne doit pas faire froid dans le dos car ce livre réussit le tour de force d’être grand public tout en étant informé et clair. Se risquer à une critique de détail, nous n’y songerons même pas.


    A retenir surtout, outre la fine étude du terrain haïtien, la typologie dégagée par l’auteur.

    Zombis = personnes atteintes de maladies psychiatriques.

    Zombis = personnes qui ont été droguées.

    Zombis = morts sociaux, personnes exclues de la société.

    Un chapitre nous a paru particulièrement intéressant. Il s’intitule Pavillons des zombis et relate une visite dans un hôpital psychiatrique de Port-au-Prince. On y croise une patiente qui aurait passé près d’un an de sa vie au service d’autrui, dans un état de semi-conscience.

    Citons : « Sur tous les murs de l’établissement hospitalier », elle « a dessiné avec des charbons les vévés [symboles] de Baron Samedi et Dame Brigitte, mais aussi des phallus, des couteaux, des sabres etc. (…) Presque aucun mur n’échappe aux signes kabbalistiques laissés par cette patiente, à commencer par sa cellule, bien sûr, et jusqu’aux portes extérieures de l’hôpital psychiatrique, comme si elle avait voulu mettre en place un cercle de protection autour d’elle (…) ».

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