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Le dernier silence de Paul Bley

Rien ne vaut le jaillissement : source et son, « l’ur-sprung » qui dégage le bastringue culturel et normatif.

Lorsqu’en août 1954, il grave en trio (Peter Ind à la basse, Al Levitt à la batterie) les 3.30 minutes dérisoires et essentielles de Time On My Hands, ce standard dont on pouvait espérer moins que rien, le pianiste canadien Paul Bley n’a que vingt-deux ans.

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Rien ne laisse deviner la suite : et que je te la jouerai post-bop, incisive et décalée, floue et incertaine, dissonante et informelle à foison…

Ah ! vous croyez que ça va se formater en musique d’ambiance ou référence pour bobos dégrossis… Et ta soeur… Non, ça va partir en couille maîtrisée, en permanence sur les bords, en équilibre instable et toujours chantant.

Rien, je disais, ne laisse deviner la suite. Et pourtant, faites confiance à votre oreille qui n’a pas de paupière : ordonnance, rythme, conduite et registre des voix – oui, les voix, comme dans une fugue ou un prélude de papi –, présence physique, chant…

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podcast

Et ces notes détachées, affirmations hésitantes, gouttes creusant la même pierre accueillante : naturelles, inévitables, irréfutables – et que je te les détache bien (ploc) dans leur fragile aura sonore pour te prouver que cela sonne comme ça doit sonner et pas autrement, que la note advient, qu’elle appelle les suivantes, et que c’est leur juxtaposition ordonnée par le corps qui produit et ré-enchante la mélodie… Sans oublier cette petite transe lorsque les notes réunies, coagulées en caillots harmoniques, grêles et jouissifs, viennent ponctuer Dieu sait quoi (le paradis d'être là, peut-être ?).

Paul Bley, donc (1934-2016). J’ai aimé le saluer ainsi, dans un taxi, en apprenant sa mort : en écoutant, sidéré, ce standard aux fragiles, élégantes, émouvantes pattes de Bambi.

Paul Bley,

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