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alpilles

  • Joseph Thoret l’aéropeintre

    Thoret surfeur sur courants célestes. Son souvenir plane sur l’aérodrome du Mazet de Romanin. Même si la stèle commémorant ses exploits d’aviateur se cache sous la végétation.

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    Sur le bord de la piste bornée par les Alpilles, les observateurs chevronnés ont connu, dans les années 70, cet homme original. Une anecdote rapportée par l’un d’eux le campe juché, à près de 80 ans, sur un château d’eau dont il ne savait plus descendre. Y était-il monté pour se rapprocher du ciel, lui qui ne pouvait plus voler ? Entêté et intrépide il l’était cet aventurier professionnel, ce rescapé des combats aériens de la première guerre mondiale, ce maître du vol sans moteur, ce « professeur de tempête alpine » comme Jean-Paul Clébert le nomme.

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    Un livre, publié en 2014 par Lionel Pastre, fervent adepte du vol à voile, nous restitue le parcours de ce Thoret-Tempête. Il est sous-titré Pionnier de l’air devenu artiste car à son arc Joseph Thoret (1892-1971) sut ajouter, à partir de 1940, les cordes de la sculpture et de la peinture.

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    A cet égard, le livre de Pastre mérite d’être croisé avec le chapitre que Clébert a consacré à Thoret, « le peintre troglodyte » dans son Provence insolite en 1958.

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    « Ses tableaux sont pour le moins surprenants » constate-t-il. A cheval sur la naïveté authentique et la posture d’un « James Ensor à l’état brut (très brut) ». Ce jugement mériterait de plus amples analyses mais les reproductions des œuvres de Thoret sont rares. Sur facebook, le site Thoret Mont-Blanc en montre plusieurs.

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    Ainsi que des portraits du « personnage le plus fantastique de Saint-Rémy » (selon Clébert) dont un publié dans un journal allemand.

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    Qui voudra se faire une idée du dandysme rustique de Thoret, si éloigné de l’impeccable uniformité d’avant guerre, se reportera à la photo de Georges Glasberg (n°35) dans Provence insolite. Difficile de savoir ce qui a métamorphosé un émérite pilote en ermite « rugueux et barbu, chapeauté comme un vieux berger ». Des problèmes de santé que Lionel Pastre rattache aux séquelles d’un bain glacé lors d’un sauvetage effectué par Thoret ?

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    Sa mise à la retraite par Vichy ? Ou plutôt l’évolution de sa nature  qui le poussait à une franchise sans concessions. Voire à une rudesse verbale n’épargnant pas ses proches qui pourtant le soutinrent toujours. C’est plus probable. Dans Le Versant du soleil (1981) Frison-Roche, à propos de la carrière militaire de cet individualiste note  : « Thoret faisait figure de phénomène par son caractère entier et son manque de discipline, étonnant pour un officier de carrière. Ils lui valurent bien des ennuis avec ses supérieurs ».

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    Il faut lire chez Pastre, les propos incisifs de ce phénomène sur ses contemporains du monde de l’aviation. Rien de plus réjouissant : «  admirable grand niais / le plus con des généraux / beau gosse / emmerdeuse nancéenne / brute seigneuriale / gueule de larbin » etc. Mermoz en prend comme il se doit  pour son grade : « con bellâtre, con fasciste (…) ». Rien de plus sensible aussi avec les copains, les bons types et Santos Dumont, l’un des dieux de cet athée.

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    Joseph Thoret qui était aussi un enragé épistolier mérite d’être lu autant que vu.

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  • Les bleus de Martin-Roch

    Jean Martin-Roch et Pierredon. Qu’il y ait encore au bout des chemins, des lieux tels pour de tels artistes laisse rêveur. Des lieux d’au delà du langage, refuges d’une peinture silencieuse comme cette Provence de transhumance, rescapée des incendies.

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    Quarante ans durant, de 1951 à 1991, dans un quadrilatère sauvage situé dans les Alpilles, le peintre Martin-Roch (1905-1991) travailla à son œuvre et à la rénovation d’une abbaye qui abrita son atelier.

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    On y accède encore par une longue piste caillouteuse dissimulée de la route qui va de Maussane à Eygalières. Sans savoir où l’on va. Sans autres témoignages de civilisation que ces oliviers qui moutonnent, que ces vignes dont les lignes courent sur la terre.

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    Au bout du bout un arbre rouge, sculpture de Miguel Chevalier : fanal posé par les actuels occupants de cet endroit dont ils respectent la poésie.

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    Il signale la vénérable allée qui mène à l’ancienne Thébaïde de Jean Martin-Roch dont on aperçoit très tard les toits.

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    Le bleu des paysages de Martin-Roch –un bleu qu’on pourrait croire irréel s’il ne saturait l’air– nous a amenés là.

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    Charles-Albert Cingria qui a connu le peintre dans sa jeunesse se souvient des cravates d’un « blanc de fine neige » dont le peintre ornait ses chemises…bleues.

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    Ce détail est emprunté au catalogue de l’exposition Jean Martin-Roch, les chemins du silence au Musée Estrine de Saint-Rémy de Provence qui, à la fin de 2014, remit très judicieusement en lumière l’œuvre de cet artiste méditatif et confidentiel, tranquillement à l’écart de toute influence avant-gardiste ou mondaine.

    jean martin roch.jpgMartin-Roch pour travailler affectionnait les blouses gothiques. Lydia Harambourg (La Gazette Drouot du 7 novembre 2014) remarque à juste titre que « sa peinture atemporelle, se réfère à Giotto et à Fouquet (…) ».

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    A Piero Della Francesca pourrait-on ajouter si celui-ci était contemporain de Giorgio de Chirico. Isolées dans une campagne lunaire hérissée de troncs tordus, les demeures de Martin-Roch ont cette densité du vide obtenue avec d’autres moyens par Georges Malkine.

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    Mais c’est assez pointer ce qu’il est convenu d’appeler la peinture métaphysique. Martin-Roch expérimente d’autres dimensions du secret, explore d’autres frontières de l’indicible.

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    Nul syncrétisme ne rendrait compte de son captivant pouvoir de retrait, de son lâcher prise, de son indifférence philosophique aux sirènes contemporaines.

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    De sa peinture, Jean Martin-Roch parlait peu.

    Il « n’aime guère que d’autres en parlent, même en bien » souligne Paul Barnaud.

    « Sa nature l’a gardé à l’écart des milieux artistiques » (Claude Tollari-Martin).

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    Même si de nombreux visiteurs empruntaient le chemin de Pierredon pour le rencontrer, il ne vendait ses tableaux qu’à un petit cercle d’amis et d’amateurs éclairés dont il avait pu tester la compréhension.

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  • Pozzetto chez Chabaud

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    A Graveson, une maison… Ça commence comme une comptine où Chabaud rime avec Pozzetto. La maison est un musée au bout d’un petit canal.

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    Auguste Chabaud (1882-1955), artiste et enfant du pays, a peint celui-ci dans le style mi fauve mi-expressionniste qui fit sa renommée bien au delà de sa micro-patrie provençale.

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    Michel Pozzetto, sculpteur révélateur de formes encloses dans les outils de la terre, parle avec le même accent, vivant non loin de Graveson. Le musée « de région » Auguste-Chabaud a eu la bonne idée de réunir ces deux créateurs dissemblables mais complémentaires.

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    Le temps d’une exposition de fêtes sur laquelle je suis tombée par hasard juste avant le décrochage le 17 janvier 2016. La qualité de mes photos improvisées s’en ressent mais ce n’est pas plus mal d’avoir été déconnectée de Noël quand il s’agit de crèche.

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    Les Bouches-du-Rhône tiennent à leurs traditions mais comme partout celles-ci sont difficiles à renouveler. J’avoue que j’en avais soupé des marchés de santons où le pareil tourne en rond avec le même. Aussi me suis-je jetée sur cette affiche où les sujets d’acier, d’argile et de chiffon de Michel Pozzetto faisaient naître dans ma tête cette réflexion : « enfin une variation nouvelle sur un thème convenu ».

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    L’auteur de ces figurines d’une savoureuse rusticité peut bien ressembler à un gentil catcheur, ses œuvres murmurent la délicate chanson du travail et de la modestie, de l’expressivité sans fards et de la condition humaine.

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    Leurs visages approximatifs et résignés, leurs échines voûtées font penser aux personnages de Bernard Javoy ou à ceux du sculpteur suédois Döderhultarn.

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    Comme eux, Pozzetto gagne à ne pas adoucir son travail. L’avenir dira s’il résiste aux sirènes d’un public porté à le cantonner dans les normes de la « singularité » artistique ou de la virtuosité artisanale.

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    Lui qui pense que « si on n’est pas classé, on est déclassé », saura-t-il protéger son authenticité ? Trouver la bonne distance avec les visiteurs de son atelier qui divulguent étourdiment ses coordonnées sur le net ? Nous verrons.

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    Je tiens pour ma part que l’analogie secrète entre la forme des outils et la fatigue des corps qu’il a su révéler dans les personnages de sa crèche (où figure l’Abbé Pierre) est un petit trésor sur lequel il faut veiller.

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    Comme sur toute prouesse autodidacte. Ce trésor ne doit rien à la vitamine du sacré dont on a cru bon d’agrémenter cette exposition. Il émane de la Montagnette représentée par Chabaud sur un tableau qui servait de toile de fond à l’ingénieuse scénographie de cette crèche.

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    Pozzetto préfère insister sur des aspects plus essentiels, c’est à dire plus matériels. La recherche et le choix rigoureux des fers de bêches, pelles, binettes etc. Le respect de leur patine. Les courbures significatives du métal.

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    La manière dont les alvéoles des manches absents appellent le galbe des futures têtes d’argile. Là où nous ne savons pas voir, Michel Pozzetto par son regard nous apprend à regarder.

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  • Le Sauvage à l’écran

    Son petit cinéma personnel, c’était fatal, devait propulser le Sauvage sur les écrans. Sous le nom de Blanchet le Sauvage, Paul Marie Joseph Blanchet participa en 1933 à Mireille, un film de René Gaveau.

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    C’est une adaptation de Mirèio, pièce de Frédéric Mistral et de l’opéra de Charles Gounod. Dans le casting, Lou Sòuvage est le Père Ambroise, le père de Vincent le vannier, le flirt de Mireille.

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  • Souricière à nuages

    Une fois, sur le sommet de son crâne, « entouré d’un taillis gommé », le Sauvage planta , selon Marie Mauron, « une souricière pour capter non les rats mais les nuages. Une enquête minutieuse dans l’intersti-ciel de ce village nous a permis de comprendre qu’il y avait des raisons à cette ingénieuse idée.

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  • Le Sauvage des Alpilles

    Le Sauvage pour commencer. Le Sauvage, pourquoi pas ? En ces temps de feuilles d’impôts dans les boîtes aux lettres comment ne pas penser à lui qui en tapissait les murs de sa cuisine ? Mariant les couleurs entre elles car en ce début de vingtième siècle où il vivait, les sommations, les menaces, les avertissements avant saisie étaient imprimés en bleu, en vert, en rose.

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    A Saint-Rémy, à Maussane dans cette Provence mistralisée où Paul Blanchet (1865-1947) alias Sauvage poussait la chansonnette à la veillée.

    portrait du sauvage.jpgLui qui scandalisait et faisait rire la petite société rurale à laquelle il appartenait n’en manifestait pas moins un tempérament moderne et loufoque parfaitement de son époque. Certaines des « performances » de Blanchet (dont il ne reste comme il se doit que des souvenirs) témoignent de cet esprit avant-gardiste à la Alphonse Allais qui dissimule derrière la farce des intentions plus graves.

    Traversant les Alpilles sur un vélo agrémenté de 34 sonnailles de moutons et grelots de chien, le Sauvage transportait ses Nouvelles dans une boîte recouverte de sanglier.

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    Dans cette feuille volante imprimée pour le Carnaval, il relatait à sa façon rabelaisienne les événements de l’année. Variant chaque fois la publicité sonore dont il accompagnait, à grands renforts de percussions sur des ustensiles de cuisine, cette publication. C’est dans le maquillage et le costume que le Sauvage faisait cependant preuve de la plus grande imagination.

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    Marie Mauron, écrivain du terroir qui ne dédaigne pas les « fadas » (on se souvient de son livre sur Berbiguier de Carpentras) consacre tout un chapitre de ses souvenirs (Les Cigales de mon enfance) à cet homme original dont elle décrit les innovations vestimentaires et capillaires. Au delà du ton un peu clochemerlesque qu’elle adopte, c’est avec un vif intérêt qu’on lit sous sa plume que le Sauvage, punk avant la lettre, se faisait couper les cheveux « soit par tiers ou par quarts, soit en tranches, sa tête transformée en melon, soit en buisson pour sauvagine, soit en haies raides, concentriques ».

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    Pour reconnaître de loin sa veste sur le portemanteau du café, le Sauvage y peignit son nom au pochoir. Une veste dotée d’une poche à l’envers où il mettait ce qu’il ne voulait plus. A qui s’étonnait du pourquoi de la chose, Blanchet précisait que « ce pourrait être par coquetterie pure ». Cette remarque éclaire sur le degré de conscience du Sauvage. Loin d’être un insensé, c’était un sage aux « peintures de guerre » qui savait tenir ferme la voie étroite entre la bouffonnerie et la philosophie. Capable de contenir son excentricité dans les bornes ludiques instituées par la société où il vivait, il se comportait lucidement comme un symptôme de celle-ci. Ouvrier agricole, il ne travaillait que si nécessaire.

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    Ami des enfants, il encourageait chez eux le respect de la langue provençale qu’on leur interdisait à l’école. Lui qui avait été mordu par un scorpion en Afrique, n’hésitait pas à administrer son contrepoison à la morale étriquée de La Fontaine. C’est pour ne plus devoir saluer personne que ce doux anarchiste un peu bouddhiste, qui était revenu écœuré de son service militaire dans l’armée coloniale, ne portait jamais de chapeau.

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