Liza, voyante à Nonancourt. Il y a 28 ans déjà, la Pensée Universelle publiait, sous ce titre, un récit « écrit avec énormément de pudeur et de sensibilité » relatant la vie d’une jeune Normande que son « don » condamnait à une « éternelle solitude ».Tout le monde a feuilleté un de ces livres issus de l’édition à compte d’auteur. Les mémoires, les souvenirs, rédigés dans une langue châtiée et dans le respect scolaire des modèles du passé n’y sont pas rares.
Celui de Liza déroge à ces critères. Il frappe par sa minceur. Il fascine par le côté terre à terre de son propos. Il déroute par son manque de relief associé à une simplicité d’expression parfois boiteuse. La banalité poussée à ce point prend des allures de style. La modestie de Liza se dope aux symboles. Son pseudonyme emprunte au vocabulaire de l’église byzantine.
Liza la Nonencourtoise ne s’en situe pas moins au delà de la naïveté. Dans un territoire mental qui est celui d’une femme ordinaire quand elle se dote d’un pendule pour explorer son désert affectif. La couverture de son livre atteste de son narcissisme. Elle insiste sur son confort et sa parure, parle de ses « cheveux courts remplis de mèches blondes », de sa moquette, des disques qu’elle possède « en allant du slow au rock ». Ses vêtements choisis (« qu’il s’agisse de dessous ou de vêtements extérieurs »), sa « peau toujours bronzée », son « maquillage superbe », lui donnent « une allure de P.D.G. ».
Alors que la plupart des auteurs s’efforcent de rechercher le lyrisme, l’histoire ou le pittoresque, Liza cultive une platitude qui serait désespérante si elle n’était candide. Liza prend sa douche. Liza fait ses courses. Liza « mange régime ». Pour la relation minutieuse des détails triviaux du quotidien, Liza a le chic ! Avec sa fille, « sa seule joie de vivre » après « un mariage raté » et « une union libre affreuse » Liza regarde « à la télévision la messe qui est diffisée (sic) » le dimanche.
Mais ce qui revient comme un leitmotiv sous sa plume ce sont ses déboires amoureux. Les hommes qui lui plaisent ont peur qu’elle soit « sorcière ». Les hommes à qui elle plait ne voient que « l’intérêt matériel » qu’elle « possède ».
« Ils étaient prêts à entrer dans mes meubles tellement mon intérieur leur plaisait » précise-t-elle innocemment. Liza tond le gazon. « Dans la vie il faut bien se dire qu’il n’y a pas que l’acte sexuel qui compte (…) ». Il y a eu ce « rêveur » qui s’amusait à téléphoner des nuits entières, « c’était sa façon de flirter ». Il y a eu ce dentiste qui ratait ses plombages et qui « prenait un plaisir » à lui « redonner d’autres rendez-vous » Et puis cet « amoureux fou » qui « n’aimait pas travailler ». Liza a vécu 3 jours avec lui. « Que voulez-vous faire avec un homme sans avenir ? ». Liza l’abandonne. Le beau gosse la harcèle. Il s’introduit chez elle. Liza s’enfuit. « C’est alors que je fis un faux pas et me foula (sic) la cheville, je tombais sur la moquette ».
On peut sourire. Nul ne doit mépriser. Tout au plus peut-on s’étonner que Liza ait choisi le support du livre pour des confidences dignes des potins de la commère. Cette chronique provinciale d’un bonheur minimal et instable révèle une fragilité touchante et menacée : « partir en vacances pour être cambriolée au retour ce n’est pas la peine je connais les gens qui me guettent à ce sujet, normal, je suis voyante (…) ».