« (…) Sam Steinberg le dégarni, l’omniprésent Sam S. (…) prenait tous les matins trois métros différents pour venir depuis le Bronx vendre des sucreries à Broadway (…) mais aussi ses dessins grossiers, des dessins au feutre représentant des animaux imaginaires qu’il vendait un dollar pièce, des petits tableaux réalisés sur des cartons de blanchisserie sur lesquels étaient pliées les chemises qui sortaient du pressing et il interpellait tous ceux qui voulaient bien l’écouter, Hé, missieur, regarde les nouveaux tableaux, des ma-gni-fi-ques nouveaux tableaux, les plus beaux entre le Ciel et l’Enfer ».
Souvenirs, souvenirs
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Steinberg à la 4321
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Clochards terrestres
Une fois encore l’année commence par un encombrement de cadeaux à vendre sur la Toile. Que faire de toutes les cochonneries reçues à Noël et à la Saint-Sylvestre ? On bazarde sans complexes sur le Bon Coin-coin. L’époque invite à ça. Il est pourtant des choses qui méritent d’être gardées.
L’écrivain auvergnat Jean Anglade dans son roman Un parrain de cendre (1991) signale malicieusement un de ces présents rares offert au couple royal anglais lors de sa visite à Paris en 1938. « La capitale les reçut avec enthousiasme et les couvrit de cadeaux. Même les seize mille clochards y allèrent du leur : une terre cuite modelée par un artiste domicilié sous les ponts ; elle représentait leur corporation sous l’image d’un couple en guenilles et d’une bouteille ».
Pas d’image hélas de ce chef d’œuvre ! Conservateurs comme le sont nos amis britanniques, on peut cependant espèrer qu’elle figure toujours dans le trésor iconographique royal. Si quelqu’un a une idée… L’entente cordiale SDF–Sa Majesté a tout pour plaire en 2019.
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Crise d’aquarelle!
Un peintre qui refait sans cesse le même tableau a de quoi piquer la curiosité d’un lecteur quand il le rencontre dans un livre. Surtout si le tableau représente simplement une souche d’arbre au milieu d’une clairière avec un oiseau perché dessus. Le lieu d’exposition de cette œuvre unique dont seules les couleurs varient avec les saisons n’est pas moins banal. Non une galerie ou un musée d’art contemporain mais un grand magasin de Montréal dans les années soixante.
Difficile de croire que Michel Tremblay, né sur le Plateau, n’exploite pas ses souvenirs d’enfance dans Le Peintre d’aquarelles.
Même si le héros de ce roman qui a l’âge de l’auteur et qui produit comme lui de désarmantes images minimalistes ajoute sa dimension photosensible à l’évocation du peintre d’un établissements aujourd’hui disparu.
« [Il] peignait sur place, de neuf à cinq, six jours par semaine. (…) Ses tableaux se vendaient comme des petits pains chauds. (…) On l’avait installé à droite de l’entrée dans une espèce de petit atelier. (…) Il installait les œuvres à vendre sur des chevalets, il était donc entouré de dizaines de copies de celle qu’il était en train de faire. »
Marcel, le narrateur, surnommé Pigeon, est fasciné. Quand il va au magasin avec sa mère ou avec sa tante, il les tire «invariablement vers l’atelier du vieux monsieur à la pipe ». Sa mère trouve que le peintre est fou. Sa tante déclare parfois qu’elle accrocherait bien trois de ses tableaux chez eux : « J’trouve que ça nous ressemble : toujours la même chose, juste des détails qui changent. ».
C’est cette tante Nana qui portera assistance au petit Marcel lors de cette épisode qui fait de la quarante et unième page du roman de Tremblay publié chez Actes Sud, un morceau de bravoure.
« Une fois j’étais resté trop longtemps devant les tableaux », raconte Marcel, « et, est-ce la répétition de la même image qui avait produit en moi un effet de stroboscope, je ne l’ai jamais su, j’avais fait une crise d’épilepsie en plein magasin L. N. (Louis-Napoléon) Messier ».
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Tout un plat
Dans la série : Les choses qu’on aimerait voir, évoquons aujourd’hui Le Pardon de Biroulic. Nos archives ont conservé trace de cet objet interstiCiel mentionné dans une brochure sur les faïences de Quimper consultée, il y a plus de vingt ans, dans une exposition du Musée départemental breton.
Citons : « (…) sortis des fours de Locmaria, des assiettes et des plats à ne pas mettre entre toutes les mains. Ainsi Le Pardon de Biroulic représentant une sulfureuse procession d’organes sexuels masculins. Dessiné par un psychiatre quimpérois et produit sous le manteau après la fermeture des ateliers, ce plat produit à 8 exemplaires n’est pas signé bien qu’il semble établi qu’il sorte de chez Henriot ».
Ceci pour lancer plusieurs bouteilles à la mer au cas ou quelqu’un sache qui est ce psychiatre ou qu’un de nos lecteurs puisse nous éclairer sur Biroulic. Et que -pourquoi pas ?- notre note fasse remonter l’image de ce coquin de plat à la surface.
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Perles de grève
A grève perlée, perles de grève. 2018 égalera-t-il 1995 sur le plan de la tradition orale? Certes, du XXe siècle finissant au XXIe bien entamé, on est passé du Café du Commerce aux réseaux sociaux. De la légende urbaine aux fakes news. Mais dans les interstiCes de la communication ordinaire des usagers lambda impactés par le conflit social dans les transports, il pourrait se glisser quelques tropismes à la Nathalie Sarraute. En attendant de voir (ou d’entendre), voici quelques rumeurs tirées des archives d’un de nos lecteurs qui les avait glanées -et notées- entre le 24 novembre et le 18 décembre 1995, sous la rubrique On dit que :
Quelqu’un a appelé un service de coursiers pour dire : « j’ai un colis fragile, moi-même »
Obligé de dormir chez une cousine obsessionnelle, le même est réveillé toutes les deux heures par le radio-réveil que celle-ci reprogramme régulièrement
Le SAMU ne pouvant plus passer, des gens seraient morts dans les ambulances
Il faut faire des provisions
Le week end calmera les esprits et tout ira mieux lundi
Tous les jours, un homme vient au boulot sur un vélo que son fils lui loue 50 Frs
Il n’y a plus d’argent dans les caisses d’épargne
Sept cheminots sur dix souffriraient de six roses
Les femmes enceintes avortent dans les embouteillages ou du moins elles ont des contractions
Les grévistes se plaignent parce qu’ils n’ont pas de moyens de transport pour se rendre au piquet de grève
Dans une manifestation une voiture de R.P.R. [parti de la droite gaulliste au pouvoir alors] a foncé dans la foule ; un postier a été blessé mais pas grièvement
Il faudrait que les Allemands reviennent
Cette année, le Marathon de Paris sera organisé par la S.N.C.F.
La femme d’un copain c’est sacré même pendant les embouteillages
Note : vingt trois ans s’étant écoulés, il y a naturellement prescription pour ce bêtisier qui risque, dans les jours prochains, d’être actualisé sur la Toile.
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Un petit bonhomme de Charonne
Grotte alors ! Ça se complique. Avec les rats le choléra n’est jamais loin. Celui de 1832 remonte à la surface à l’occasion de notre précédent post. L’un de nos lecteurs, enragé rongeur d’archives nous signale un texte de l’historien Lucien Lambeau paru en 1921 dans son Histoire des communes annexées à Paris en 1859. Dans un passage sur le village de Charonne, Lambeau mange le morceau.
A propos d’une « guinguette curieuse datant de la première moitié du dix-neuvième siècle », il note qu’Émile de Labédollière, dans Le Nouveau Paris (1859) « raconte que, pendant l’épidémie de choléra », le patron de cette guinguette « avait organisé, au profit des orphelins de la terrible maladie, une sorte de grotte, sur les parois de laquelle étaient appliqués des débris de verrerie de couleur et de porcelaine, lesquels, vus à travers une lentille grossissante donnaient l’illusion d’une grotte enchantée ». Bingo ! c’est notre grotte nous sommes nous dit.
Pas plus de Rat-goutteux que de beurre en branche cependant dans le rapport de Lucien Lambeau. Celui-ci fait état d’une autre enseigne : Au Petit bonhomme qui … La description qu’il en fait : « un enfant accroupi (…) » dans un décor représentant « le cabaret avec les arbres qui l’ombrageaient » autorise à penser que l’on ne craignait pas les blagues scatologiques sous la monarchie de juillet.
S’agit-il par conséquent d’une grotte différente de celle décrite par Ernest d’Hervilly? Il faudrait admettre que ce genre d’attraction était monnaie courante dans les cabarets de la ceinture de Paris où le vin n’était pas cher. C’est peu probable étant donné l’originalité de cette création qui a frappé les contemporains.
Simplement remonte-t-on de 23 ans dans le temps avec le témoignage de Labédollière, ce qui explique sans doute le changement du nom de l’établissement. « Il ne reste rien du Petit bonhomme qui… » note Lucien Lambeau mais sa description a le mérite de localiser l’endroit où la maison était située : « à l’angle de la rue du Surmelin et de la rue Pelleport » dans l’actuel 20e arrondissement de Paris. A la pointe nord du quadrilatère formé par l’hôpital Tenon (anciennement de Ménilmontant) dont la construction (1870-1878) a modifié les lieux.
Pour les nostalgiques de la grotte du Rat-goutteux (ou du Petit bonhomme), ce petit bonus d’Ernest d’Hervilly pour la route : « Je me rappelle des ponts supendus sur des abîmes où grondait une eau écumeuse, des antres mystérieux où s’ébauchaient des formes vagues, des forêts accrochées au flanc à pic de montagnes se perdant dans les nues ; tous les plus étonnants aspects d’un monde après un déluge, et couverts des débris de choses humaines, étaient réunis dans cette grotte dont les divisions fantasmagoriques vues à travers les lentilles, prenaient des proportions insensées ».
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Coup de balai à la Pointe-Courte
Le propre de la France s’affirme de jour en jour. En ce début 2018, une frénésie de nettoyage s’est emparée de nos collectivités locales. Après Treboul, c’est La Pointe Courte, ce quartier de Sète d’où partit la Nouvelle Vague, qui fait l’objet d’un relookage extrême.
Le pittoresque là-bas étant en péril, il a été procédé –selon l’expression préfectorale– au démantèlement de dépôts sauvages sur la voie publique.
Par « dépôts sauvages » s’entend l’installation très personnelle qu’un ancien pêcheur du lieu avait gentiment laissé déborder de son cabanon défendu par de subversives inscriptions du genre : « Interdit aux chiants ».
Il faut dire que l’installation en question accumulait jouets en plastique, fleurs artificielles et fresques poissonnières incitatives au vagabondage de libres matous.
Intolérable, on le comprend !
La chose, dans un passé récent, serait peut-être passée inaperçue mais la frénésie de médiatisation qui a gagné notre monde aboutit à fragiliser de tels environnements artistiques alors même que leurs visiteurs cherchent à les célèbrer.
Que voulez-vous, c’est humain : le numérique permettant à chacun d’être photographe, propulser son narcissisme à peu de frais sur les réseaux sociaux est tentant. Voilà comment des créations spontanées du style de celle de la Pointe Courte se retrouvent ensuite dans des guides où elles dégénèrent en attractions touristiques.
Ceci pour dire qu’il ne faut pas se hâter de taxer les pouvoirs publics d’iconoclastie singulière. Leurs précautions frileuses et notre admiration brouillonne sont en fait les deux phases d’un même processus de destruction. Celui-ci s’accélère d’autant plus que les recherches systématiques s’épanouissent en inventaires obsessionnels. Au détriment des créateurs eux-mêmes comme l’affaire de Tréboul l’a démontré.
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Pirouette et Sans Pattes
Fonde la cire des bougies de Noël ! Les poupées du baby-boom peuvent bien perdre leur son, l’année ne commence pas si mal. Grâce à Eliane Larus et à Robert Combas, 2018 s’avance vers nous pour un baiser gentiment interstiCiel.
De la première cette Pirouette de vœux arrivée dans notre hotte comme une sucette à l’anis.
Du second une phrase, lue dans un entretien avec Eric Delhaye (Je n’écoute en boucle que mes disques) paru dans Libération le 7 janvier. A la question : Le disque que tout le monde aime et que vous détestez ? l’idole de la Génération Figuration Libre répond : « Yes et Genesis, j’ai toujours détesté. Ce sont de grosses machines. C’est comme Jeff Koons : je n’ai rien contre lui, mais on ne fait pas le même métier ».
Les Sans Pattes Co-realisation Robert Combas & Lucas Mancione
Paroles : RC/Musique : RC &LM
Special guest : Genevieve Boteilla / Marc Duran / Pierre Reixach -
Atours A Tours
Retour à Tours. Les bistrots de cette ville stimulent l’imagination de nos partenaires.
Sur ce thème, déjà évoqué dans notre note du 16 janvier 2016, nous est parvenu ce récit-souvenir de Michael Lecomte.
Pendant deux décennies il y eut dans la ville de Tours un repère de chiens célestes qui se réunissaient dans un modeste bistrot de la rue Gambetta appelé Le Petit Tonneau.