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Hommes non illustres - Page 4

  • La vie parallèle d’Henry Legrand

    Appliqué à la vie, le parallélisme a tout pour plaire. Surtout quand il se présente, non sous le masque austère d’un vieux philosophe romain mais sous la plume du regretté Michel Foucault : « Ce serait comme l’envers de Plutarque : des vies à ce point parallèles que nul ne peut plus les rejoindre ». J’emprunte cette phrase évocatrice à la quatrième de couverture d’un trapu petit livre bleu ciel publié en 1979 par Gallimard : Le Cercle amoureux d’Henry Legrand.

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    Foucault présentait là une collection : Les Vies parallèles qui n’eut, après la guerre, que deux titres. C’est dommage. Celui-ci, qui traite de l’étrange manuscrit-fleuve d’un architecte cryptographe du milieu du 19e siècle, augurait bien. Mais l’écriture chiffrée n’a sans doute jamais été rentable pour un éditeur.

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    Aussi s’y mirent-ils à deux pour offrir au public des années disco un aperçu sur les 39 volumes de cet extraordinaire opus (agrémenté de nombreux dessins à la plume) conservé à la Bibliothèque nationale.

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    Parallèlement -si j’ose dire- à l’édition Gallimard, Christian Bourgois publiait, la même année, Adèle, Adèle, Adèle, en référence à la mystérieuse Adèle de M., présidente de la société secrète dont Legrand était le seul membre masculin. Soit dit sans grivoise allusion bien qu’il fût aussi l’amant des neuf femmes, aristocrates et bisexuelles, composant avec lui le Cercle.

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    L’histoire on le voit avait de quoi, intéresser Pierre Louÿs et il s’y intéressa. D’abord en faisant l’acquisition en 1907 de cet ouvrage à caractère partiellement érotique. Ensuite en découvrant le chiffre permettant d’en comprendre le contenu.

    le cercle intérieur 1.jpgAussi est-ce Paul-Ursin Dumont, un spécialiste de Pierre Louÿs, qui avec le concours de son fils Jean-Paul Dumont, professeur d’ethnologie, transcrivirent et documentèrent les extraits des manuscrits d’Henry Legrand contenant ses mémoires et relatant sa vie secrète au sein d’une cour d’amour en parfait contraste avec la société bourgeoise à laquelle il appartenait.

    le cercle intérieur 2.jpgLa collection de manuscrits de Legrand de Beauvais (c’est ainsi qu’on le désigne souvent), seraient d’une grande perfection. Selon Charles Monselet (1825-1888) ils représentent le travail d’une dizaine d’années : « Cela ressemble (…) à la calligraphie orientale. Beaucoup de pages ont des encadrements (…) d’une finesse prodigieuse : fleurs, animaux, blasons, anges, paysages, ruines, coraux etc. ». Avec son sens de la formule, l’auteur des Oubliés et Dédaignés qualifie l’œuvre de Legrand : « un des monuments les plus étranges de la manie humaine ».

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  • Le secret des soucoupes

    Les deux lettres martiennes du narrateur E.T. imaginé par Sophie Roussel dans les précédents posts de l’ii appellent quelques éclaircissements. Par sa façon d’inverser les points de vue, Sophie souligne la familiarité entre l’univers de l’étrange et celui, rural et banal, d’une petite communauté américaine d’un proche autrefois. C’est naturellement aux poétiques images d’Esther Pearl Watson qui ont servi de stimulant à sa fiction qu’elle le doit.

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    Comme dans Upside Down, le film de Juan Solanas où deux réalités symétriques se superposent, la peinture d’Esther Pearl Watson organise la rencontre de deux mondes qui ne sont pas fait à priori pour coexister, celui d’un intimisme bucolique, celui d’un âge d’or de la science-fiction.

     

     Rencontre ou retrouvailles car Esther Pearl, qui a grandi au Texas, a réellement vécu, du fait de son éducation baignée dans l’utopie paternelle, dans les interstices du rêve éveillé et de la réalité quotidienne. Cette position instable avait de quoi la mener au déséquilibre. Son étoile a voulu qu’elle la conduise à l’art par le biais d’une affinité à maints égards involontaire avec l’œuvre de Grandma Moses.

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    Le charme des tableaux d’E.P.W., empreint de la nostalgie des temps pré-Internet, ne procède cependant pas du pastiche. Ni de l’ufologie vulgaire. Ils n’ont pas cette naïveté. Même s’ils semblent s’apparenter aux ex-voto par les légendes qui y sont inscrites.

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    Esther Pearl qui, comme beaucoup de fillettes américaines rédigea très tôt son journal, se fait, dans ces courts textes intégrés à des figurations, le témoin un peu perplexe des expériences follement scientifiques de son père.

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    Elle comprit plus tard quand elle put donner un sens à sa vocation que Gene Watson, son père, qui avait consacré sa vie d’ingénieur aéronautique spontané à construire de chimériques soucoupes volantes qu’il rêvait de vendre à l’état, était lui-même un artiste sans le savoir.

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    Ce qui place sa fille dans une position charnière originale, entre un art brut congénital et un caractère d’outsider acquis qui l’a menée à l’expression diariste dessinée et à un professionnalisme contemporain assumé parce que soclé sur un roman familial riche de contenu.

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  • Crocheteuse de choc à 104 ans

    Mrs Brett a la grâce. La grâce du crochet. La grâce des aiguilles. Une vie durant à tricoter c’est long. Surtout quand on a 104 ans comme Grace Brett. A 104 ans pourquoi s’arrêter ?

    Même si les bébés n’ont plus besoin de layette, même si leurs mamans ne mettent plus de châles, il reste les cabines téléphoniques pour leur faire des cagoules.

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    Les armoires sont pleines de napperons, les lits croulent sous les courtepointes, qu’à cela ne tienne ! Les bancs ont froid l’hiver. Pourquoi ne pas leur faire enfiler des paletots ?

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    Les cheminées ont bien leur dessus, les vieilles dames leurs dessous (roses). Et comme on est en Ecosse c’est toutes couleurs pétantes ! Grace semble n’en finir jamais de nouer et de renouer avec une tradition éprise de tartans, infiniment variants. De ses Scottish Borders, cette région située au sud du pays, entre Edinburgh et l’Angleterre, Grace Brett invente au fil du doigt les mâts totémiques.

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    Bien sûr notre époque, enragée à tout réduire à des poncifs, l’enrégimente dans la catégorie fourre-tout du street art. Et c’est vrai qu’elle participe ingénument au phénomène du Yarn Bombing qui se généralise. Mais est-ce sa faute si toute idée créative ne tarde pas à faire l’objet d’une exploitation industrielle aujourd’hui?

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    Que voulez-vous, elle aime que ses travaux soient vus par l’homme du commun sur le chemin de l’ouvrage. C’est ce qui compte. Et puis elle trouve que la ville est plus belle comme ça. Elle n’a pas tort.

    D’une petite voix flutée, Grace commente son work in progress. Si la nature la laissait faire, elle tricoterait le monde entier pour le monde entier. Heureusement, elle est ancienne. On peut donc espérer qu’elle ne connaîtra pas la dégénérescence à laquelle ce type de pratique artistique collective est invariablement condamnée.

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    Encore un effort Grace par conséquent! Un bonnet de clocher peut-être ? Un cache-nez pour la lune ?

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  • À l’ii l’an neuf

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    À celles et à ceux qui en 2015 ont facilité la naissance, la croissance et la croustillance de l’Internationale interstiCielle : un grand mercii !

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  • Liza, une vie de voyante

    Liza, voyante à Nonancourt. Il y a 28 ans déjà, la Pensée Universelle publiait, sous ce titre, un récit « écrit avec énormément de pudeur et de sensibilité » relatant la vie d’une jeune Normande que son « don » condamnait à une « éternelle solitude ».Tout le monde a feuilleté un de ces livres issus de l’édition à compte d’auteur. Les mémoires, les souvenirs, rédigés dans une langue châtiée et dans le respect scolaire des modèles du passé n’y sont pas rares.

    Celui de Liza déroge à ces critères. Il frappe par sa minceur. Il fascine par le côté terre à terre de son propos. Il déroute par son manque de relief associé à une simplicité d’expression parfois boiteuse. La banalité poussée à ce point prend des allures de style. La modestie de Liza se dope aux symboles. Son pseudonyme emprunte au vocabulaire de l’église byzantine.

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    Liza la Nonencourtoise ne s’en situe pas moins au delà de la naïveté. Dans un territoire mental qui est celui d’une femme ordinaire quand elle se dote d’un pendule pour explorer son désert affectif. La couverture de son livre atteste de son narcissisme. Elle insiste sur son confort et sa parure, parle de ses « cheveux courts remplis de mèches blondes », de sa moquette, des disques qu’elle possède « en allant du slow au rock ». Ses vêtements choisis (« qu’il s’agisse de dessous ou de vêtements extérieurs »), sa « peau toujours bronzée », son « maquillage superbe », lui donnent « une allure de P.D.G. ».

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    Alors que la plupart des auteurs s’efforcent de rechercher le lyrisme, l’histoire ou le pittoresque, Liza cultive une platitude qui serait désespérante si elle n’était candide. Liza prend sa douche. Liza fait ses courses. Liza « mange régime ». Pour la relation minutieuse des détails triviaux du quotidien, Liza a le chic ! Avec sa fille, « sa seule joie de vivre » après « un mariage raté » et « une union libre affreuse » Liza regarde « à la télévision la messe qui est diffisée (sic) » le dimanche.

    Mais ce qui revient comme un leitmotiv sous sa plume ce sont ses déboires amoureux. Les hommes qui lui plaisent ont peur qu’elle soit « sorcière ». Les hommes à qui elle plait ne voient que « l’intérêt matériel » qu’elle « possède ».

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    « Ils étaient prêts à entrer dans mes meubles tellement mon intérieur leur plaisait » précise-t-elle innocemment. Liza tond le gazon. « Dans la vie il faut bien se dire qu’il n’y a pas que l’acte sexuel qui compte (…) ». Il y a eu ce « rêveur » qui s’amusait à téléphoner des nuits entières, « c’était sa façon de flirter ». Il y a eu ce dentiste qui ratait ses plombages et qui « prenait un plaisir » à lui « redonner d’autres rendez-vous » Et puis cet « amoureux fou » qui « n’aimait pas travailler ». Liza a vécu 3 jours avec lui. « Que voulez-vous faire avec un homme sans avenir ? ». Liza l’abandonne. Le beau gosse la harcèle. Il s’introduit chez elle. Liza s’enfuit. « C’est alors que je fis un faux pas et me foula (sic) la cheville, je tombais sur la moquette ».

    On peut sourire. Nul ne doit mépriser. Tout au plus peut-on s’étonner que Liza ait choisi le support du livre pour des confidences dignes des potins de la commère. Cette chronique provinciale d’un bonheur minimal et instable révèle une fragilité touchante et menacée : « partir en vacances pour être cambriolée au retour ce n’est pas la peine je connais les gens qui me guettent à ce sujet, normal, je suis voyante (…) ».

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  • La double vie de Mr Rinzi

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    C’est derrière la statue de Diderot, une petite rue presque oubliée de la province germanopratine. Dans ce segment préservé d’une voie raccourcie, gîte la Librairie Paul Jammes, un peu à l’écart du bruit du boulevard voisin. Ce vénérable et très actif établissement, constitue à lui seul l’attrait principal de la rue Gozlin.

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    Le photographe André Kertész a consacré en 1975 un album à ce fleuron humaniste situé au 3, du côté droit quand on vient de la rue Bonaparte. Zoomons sur la façade.

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    Si la déco intérieure et l’éclairage de la librairie sont cosy façon moderne, les vitrines ont eu le bon goût de rester les mêmes au fil des rénovations indispensables. Zoomons sur les vitrines.

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    Toujours quelques beaux livres d’autrefois choisis pour la curiosité du passant qui veut bien un moment se déconnecter de son i-phone. Tiens, un nouveau catalogue ! « Un catalogue Jammes c’est toujours un événement » dit la rumeur du sixième arrondissement. Je me suis payé le luxe d’entrer dans la boutique.

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    L’élégante couverture du catalogue, en Didot des familles (la belle typographie est assez le genre de la maison), promettant, entre autres, des Fous littéraires.

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    Une partie non négligeable -75 numéros exactement- est consacrée en effet dans cette 294e cuvée de la Librairie Jammes aux chers oiseaux rares de Raymond Queneau.

    On y retrouve quelques vedettes du genre : Berbiguier de Terre-Neuve du Thym et ses Farfadets,

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    Jean-Pierre Brisset et sa Science de Dieu qui se cultive « à l’heure du thé au logis » [Théologie], Nicolas Cirier dont l’Imprimerie Royale se sépara parce qu’on lui reprocha de ne pas avoir l’œil typographique.

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    J’en passe et des non moindres.

    Mais ce qui a retenu surtout mon attention c’est un manuscrit en écriture cryptée dont une double page calligrammatique est reproduite dans le catalogue Jammes.

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    Citons la description de cet étrange opus dont l’auteur a nom Rinzi : « Pour rédiger ce texte, il a inventé un nouvel alphabet où se mélangent des lettres grecques, des signes empruntés au chinois ou à l’astrologie, et quelques inventions personnelles. (…) pour accentuer le caractère hermétique de son texte, Rinzi l’a rédigé en lettres minuscules presques illisibles, même avec une loupe : environ 100 lignes à la page ». On est précis chez Jammes et le rédacteur de cette notice de présentation indique qu’il serait « peu honnête » de « classer d’office » Ernest Rinzi « parmi les fous littéraires et pourtant, il semble appartenir à la classe des cerveaux mystérieux, étrangers et mystiques ».

    C’est vrai que son nom ne figure pas dans la Somme d’André Blavier qui fait autorité en la matière. Que ce soit dans la première édition chez Henri Veyrier (1982)

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    ou dans sa refonte, très augmentée, parue aux Éditions des Cendres en 2000.

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    Même si l’œuvre de Rinzi ne rencontra sans doute jamais « le moindre écho ». Même si elle nous arrive parfaitement indemne de « reconnaissance », n’ayant nullement été « reconnue comme valable par un autre individu » pour reprendre le vocabulaire des Enfants du limon.

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    Vierge en quelque sorte.

    Ernest Rinzi est mentionné par contre dans le Bénezit, ce dictionnaire des peintres et sculpteurs cher aux antiquaires. C’est que Rinzi (1836-1909) est un miniaturiste anglais assez connu.

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    De ce point de vue on pourrait rapprocher sa démarche de celle du graveur (et ami de Zola) Fernand Desmoulin. Portraitistes mondains au grand jour et artisans du mystère dans la nuit de la création.

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  • Hommes des tourbières

    Sacrifices à caractère religieux, exécutions de criminels ou d’individus déviants ? les scientifiques aujourd’hui ont du mal à se prononcer sur le sort de ces pauvres bougres zigouillés, sans doute à la fin du second âge du fer et enfouis dans les tourbières de l’Europe du nord, au Danemark en particulier.

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    Un livre de Peter Wilhem Glob (1911-1985) paru en 1965 (traduit en français l’année suivante) les a fait connaître.

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    Cet archéologue danois, co-fonda avec le peintre Asger JornL’Institut scandinave du Vandalisme comparé qui étudia les graffiti, cette forme de création pure.

    Les spéculations de Glob sur les rites sacrificiels de l’antiquité nordique et les sacrifices à la terre-Mère sont aujourd’hui sujettes à interrogations.

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    Avec ses recherches et ses travaux, Glob fut cependant à l’origine de la circulation de ces troublantes images macabres qui révélèrent au monde de l’après-guerre les étranges propriétés de conservation chimique des corps par les tourbières acides.

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    Ce n’est pas mince mérite d’avoir ainsi mis en évidence combien la vacherie humaine peut être sublimée par les forces brutes de la nature.

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  • L’ermite au visage sale

    Champignons et manipulation. L’histoire est vieille comme l’information. Même dans les bois on croise de grosses barbes noires. C’est ce qui est arrivé en Toscane à deux cueilleurs-promeneurs. Ils sont tombés sur un drôle d’indien, un ermite au « visage sale » qui vivait là, selon ses dires, depuis 1997.

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    De nationalité espagnole, l’homme qui prétend être un médecin disparu depuis 1996 et déclaré mort en 2010 s’était organisé une petite vie de glanage agrémentée de visites dans les poubelles du coin. Un peu comme Chomo dans la forêt de Fontainebleau naguère. Un garde forestier et d’autres habitants aux alentours de la ville de Scarlino le croisaient de temps à autre mais Carlos (ce serait son nom) ne montrait aucun penchant à la conversation. Une telle discrétion a de quoi surprendre dans notre admirable civilisation dont les valeurs reposent sur un incessant bavardage.

    Mais ce qui est plus admirable encore c’est que Carlos, à peine « reconnu » ait décidé de s’enfuir à nouveau bien que sa famille soit accourue pour embrasser sa barbe. Parvenue à ce degré la misanthropie confine à un art dont on aimerait inventorier les traces tangibles. Carlos aurait balisé le chemin de son camp avec des bouteilles en plastiques et des vieilles boîtes. Aucune photo sur le net de celles-ci malheusement. Un visuel en revanche de son abri dans l’article posté par Francetv info le 10 novembre 2015.

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    L’ennui c’est que le cliché de cette cabane a été emprunté, au prix d’un zoomant recadrage à un article de la Repubblica (Firenze) d’août 2013 relatif à une famille d’Arezzo, dont les membres étaient sans travail.

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  • Bernard Javoy : l’art et la manière

    « Dans les champs, il faut travailler avec art, il faut faire avec goût, sinon l’asperge ça la contrarie ».

    Ainsi parlait Bernard Javoy quand on lui rendait visite, chez lui, dans sa maisonnette rurale de Cléry-Saint-André, petite ville du Loiret nichée dans les paroles du Carillon de Vendôme, cette vieille chanson française.

    Il nous offrait une salade. Il avait à cœur de se faire comprendre. Quelle meilleur argument que ce produit de son jardin ? Nous venions pour son art. Il le savait. Non pour son talent de paysan mais pour cet art de sculpteur rustique et tendre auquel il s’adonnait avec une tranquille passion depuis qu’en 1987, à l’âge de 62 ans, il avait mis un bémol à ses activités agricoles.

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    Nous attirait là ce peuple de figurines campagnardes, mêlées à leurs animaux familiers, à qui Bernard Javoy donnait naissance, sans avoir été « guidé par personne », dans le calme de son atelier installé dans une ancienne buanderie.

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    Un garde-chasse, le curé, des vieux sur leur banc, un trimardeur, des hommes en gros drap bleu, des femmes du même bois, les têtes enveloppées de foulards ou de coiffes en cloche.

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    Des couples. Des couples, raides et austères dans leurs habits noirs. A peine éclairés de cols blancs. Immobiles comme s’il posaient devant un photographe ambulant.

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    Des visages taillés à la serpe, silencieux mais expressifs. « Le genre d’autrefois » disait madame Javoy que les travaux de la terre avaient courbée jusqu’à la faire ressembler à l’un des personnages sortis des mains de son mari. Un autrefois où « les gens étaient versés sur le bétail ».

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    Les ânes au regard triste comme un poème de Francis Jammes. Les chevaux aux flancs lourds dont Bernard Javoy n’avait pas besoin de fignoler la forme pour qu’on en ressente l’efficacité symbolique.

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    « Le tracteur on l’a eu mais il tasse, c’est négatif avec les asperges » tandis que le cheval « il lève les jambes » et on le dirige à la parole, commentait-il pour justifier sa préférence pour « la manière traditionnelle ».

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    « J’ai pas abandonné tout ça, je suis resté dans le même monde, dans les mêmes idées » ajoutait Javoy pour expliquer son lien avec la nature prolongé par son travail artistique.

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    Une modestie innée, une prudence héréditaire vis à vis de son entourage le portait, quand il s’exprimait, à privilégier les aspects techniques. Sur la question des matériaux, il était volontiers bavard, n’épargnant à ses visiteurs aucun détail sur les mérites comparés du platane (« ça fend pas »), du peuplier (« c’est léger ») ou du tilleul (« on fait pas ce qu’on veut avec »).

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    Mais on sentait à la curiosité qui était la sienne quand il nous voyait choisir, dans le stock de pièces abritées dans un apppentis-show room, celle qu’il nous laisserait emporter en souvenir, combien Bernard Javoy était sensible à l’estime de son public occasionnel.

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    Son plaisir constituait alors, dans le confort surchauffé de sa cuisine aux dimensions de boîte d’allumettes, à finaliser l’opération en couronnant notre visite de joviales broderies verbales sur son originale façon d’être au monde.

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    Sur Le petit monde en bois de Bernard Javoy, l’ii recommande à ses lecteurs l’article de Nicole Verdun (Entrée des artistes) paru dans le n° 89 du Journal de la Sologne et de ses environs en juillet 1995.

     

    bernard javoy,sculpteur rustique,cléry-saint-andré

     

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  • Grand chaubardement à Montauban

    C’est sous le triple signe du beau que Mr You Tube nous invite chez le sifflotant « Monsieur Babar », un attendrissant bricoleur qui passe en douceur du petit meuble en palette de récupération aux tableaux de feuilles et aux assemblages de « personnages » qu’il ne lui vient pas à l’idée de bombarder du gros mot d’art.

    Le b(e)au contenu dans Montauban, la ville où il fait de sa retraite un enchantement.

    Le b(e)au niché dans son nom véritable : Jacques Chaubard.

    Le b(e)au que l’on retrouve dans le patronyme de l’auteur de la vidéo, Raphaël Baux.

    S’il arrive à tout le monde de s’intéresser à ces lambeaux d’écorce que les platanes abandonnent aux pieds des promeneurs, rares sont ceux qui, comme monsieur Chaubard, en remplissent des valises. Le beau -un beau tout proche et ingénu- Jacques Chaubard en est le serviteur rieur. « J’y vais les yeux fermés » dit-il en entrant dans son atelier de poche. Cet ancien travailleur du bois y fait discrètement un sort glorieux à de petites cuillers d’étain qui lui servent de matière première. Suivons le, les yeux ouverts.

    jacques chaubard

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  • La 13e lettre du facteur

    Il arrive que les lettres mettent longtemps à nous parvenir. Surtout quand elles ne nous sont qu’indirectement destinées. Il aura fallu 64 ans pour que celle-ci tombe dans les pattes de l’ii. La lettre d’un facteur en plus ! Ce n’est pas banal.

    jules mougin,sainte-anne,exposition internationale d'art psychopathologiqueMais qui se soucie aujourd’hui de ce minuscule cahier (n°68) de la Collection PS (comme post scriptum), édité par Pierre Seghers en 1951, où ce texte de Jules Mougin fut publié ? Jules Mougin c’est ce poète-postier qui correspondait avec le peintre-cordonnier Gaston Chaissac. 

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    Dans Paris, le…, le cahier imprimé dont il est question ici, Jules Mougin se dédouble et feint de recopier les lettres d’un de ses frères facteurs.

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    Ledit facteur (rural) est en stage à Paris dont il a « plus que marre ». C’est à son épouse restée chez « les bouzeus » qu’il écrit. 14 lettres dont nous avions parcouru 12 d’un œil distrait avant de tomber sur la pénultième qui ne saurait rester lettre morte puisqu’elle évoque la mémorable Exposition internationale d’art psychopathologique qui s’est tenue à Paris à la fin de l’année 1950 pendant le Premier congrès mondial de psychiatrie. Si le sang de l’ii n’a fait qu’un tour à la lecture de cette 13e lettre c’est qu’elle restitue à chaud les impressions d’un homme du commun (ou presque) sur cet événement qui eut pour cadre Sainte Anne, « chez les fous ». Sans nous épargner les détails concrets.

    Sur le prix d’entrée : « Il fallait payer 200 francs (…) c’est plus cher qu’un bifetèque ».

    Sur les exposants : « J’ai dit chez les fous, mais on les voyait pas. C’était leurs peintures ».

    Sur la sélection : « T’avais deux grandes salles de tableaux, en bas t’avais l’Amérique, en haut t’avais la France et puis aussi tous les fous de la terre, la finlande, la sarre, les italiens, la yougoslavie, les anglais et les espagnols.

    Sur les cartels : « Chez les Américains c’était écrit en anglais j’y comprenais qu’ouic tandis qu’en France et en Yougoslavie on expliquait en FRANÇAIS heureusement ».

    Sur le public : « des gens très chic, des artistes avec des barbes qui restaient des heures devant un tableau (…) trois ou quatre agents de police à cause des voleurs ».

    Sur le retentissement : « tout le monde en parle même au bureau ».

    Joseph, le facteur de Mougin, a ses petites préférences : « En France, c’est un maréchal ferrant qui dessine le mieux. (…) t’aurais dit des vieilles images de dans le temps. (…) un autre fou a dessiné SON ÂME tu la vois voler avec une robe blanche ».

    Ses petites phobies aussi : « J’ai vu sur un dessin un monstre qui riait comme un serpent, AVEC UN TROU QUI TE REGARDE, AU COIN DES LÈVRES. (…) Et dire qu’on peut devenir maboule nous aussi ».

    Malgré tous les efforts de l’équipe intersticielle, nous n’avons rien trouvé d’équivalent dans l’iconographie du livre de Robert Volmat (L’Art psychopathologique) relatif à l’exposition de Sainte-Anne.

    Mais comment ne pas délirer sur ce « truc inimaginable » qui a si fort frappé Joseph le facteur : « une lettre qui mesure, tiens-toi bien, 120 mètres de long, un vrai paquebot. Le fou se plaignait au Procureur de la République du traitement des docteurs. Il en avait gros sur la patate celui-là ».

    jules mougin,sainte-anne,exposition internationale d'art psychopathologique

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  • Histoire de Monsieur D.

    Monsieur D., peu complaisant envers lui-même, s’est un jour reconnu dans ce modeste souvenir d’un Carnaval de Nice, présent dans la collection d’art populaire d’Eliane Larus. Et il est vrai qu’il y avait une ressemblance.

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    Peu d’hommes m’auront autant étonné et ravi que Monsieur D.

    J’ai fait sa connaissance dans les années quatre-vingt au marché aux puces de Montreuil. Un samedi matin donc, un homme d’une quarantaine d’années, aux sourcils épais et au visage candide, vêtu d’une veste trop étroite et d’un pantalon défraîchi me demanda très poliment la permission d’installer près de moi sur le sol un journal destiné à mettre en vente quelques vêtements d’occasion. J’acceptais volontiers, lui précisant que je n’avais de toute façon aucun droit sur l’espace qui m’entourait. Malgré cet aveu il me remercia chaudement. Dès le début de nos relations, il me demanda d’être discret avec son nom car il avait le goût du secret et puis il faisait partie d’une famille dans laquelle, contrairement à lui, on réussit d’ordinaire sa vie. Ce qui était vrai.

    Tirant de maigres bénéfices en revendant les objets qu’il trouvait dans les poubelles, il me proposa bientôt de m’apporter à domicile les choses les plus intéressantes qu’il trouverait désormais. Il prit donc l’habitude de passer chez moi une ou deux fois par semaine me présenter des objets, m’en demandant une somme modeste. Il était convenu que je pouvais les revendre un bien meilleur prix, détail qui ne lui déplaisait pas. Comme je lui proposais de me laisser vendre d’abord les objets pour partager ensuite les bénéfices, il me répondit que ce n’était pas la peine car les sommes que je lui donnais étaient bien supérieures à ce qu’il obtiendrait lui-même, puisque, de toute façon, son apparence lui portait préjudice.

    La plupart du temps il refusait d’entrer chez moi et nos affaires se déroulaient sur le palier car il s’estimait indigne d’entrer dans un appartement comportant une collection d’archéologie. Un matin, pour une raison de discrétion, il me téléphona en espagnol depuis le comptoir d’un café pour me proposer de passer dans l’après-midi. Un autre jour, pour la même raison, il m’appela en anglais. Un soir, il accepta d’entrer chez moi pour y déposer un important lot de papiers trouvé, comme d’habitude, dans une poubelle. Certains papiers datant apparemment du dix-neuvième siècle, je les examinais attentivement. L’un d’eux étant rédigé en allemand je lui dis que malheureusement je ne comprenais pas cette langue. Il prit alors le document et le traduisit sans peine.

    Il circulait dans Paris surtout la nuit, dans les quartiers bourgeois, sur un vélomoteur tirant une petite remorque patiemment remplie de choses trouvées. Des écouteurs trop grands reliés à un magnétophone fixé sur son dos lui permettaient d’entendre des poésies. Habitude qui fut la cause d’un accident de la circulation sans gravité mais assez comique.

    Il habitait un hôtel meublé du treizième arrondissement, dans une chambre curieusement triangulaire comportant un lit de fer, une armoire en bois triste et un minuscule réchaud à gaz sur lequel cuisaient souvent des petites pâtes connues sous le nom de coquillettes.

    C’est lui qui m’a expliqué pourquoi des choses de prix sont parfois jetées à la rue. Dans les cas les plus courants, des personnes se débarrassent simplement d’objets sans se préoccuper de leur éventuelle valeur. Lors de certaines circonstances, des domestiques auxquels on demande de vider un placard s’acquittent de la tâche sans se poser de questions. Dans d’autres occurrences il s’agit de vengeances matrimoniales : on jette des objets aimés pour punir quelqu’un.

    Un jour monsieur D. décida de partir pour Nice, pensant que cette ville habitée par de d’innombrables vieillards serait propice à de bonnes trouvailles. Malheureusement ce ne fut pas le cas. La patronne du modeste hôtel où il était descendu s’étant montrée peu aimable, il lui vint l’envie de la corriger. Il se confectionna donc un vêtement d’une longueur inaccoutumée en cousant plusieurs vestons et manteaux l’un après l’autre. Et il sortit de cette manière plusieurs fois de l’hôtel, tirant cette misérable traîne derrière lui. Au bout de deux jours la patronne n’y tint plus et le congédia.

    Monsieur D. retrouva donc Paris avec soulagement non sans avoir, une dernière fois, puni la patronne de l’hôtel à sa façon. Le jour suivant son départ un jeune garçon en veste blanche livra en effet à cette femme désobligeante une jolie boîte blanche sur laquelle était fixé ce message : Madame, Vous avez été désagréable avec moi, qui suis pourtant un homme bien élevé. Aussi je vous quitte. Vous ne méritez que ce gâteau.

    Ce mot accompagnait effectivement un excellent gâteau acheté dans une bonne pâtisserie.

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  • Le faiseur de manses

    Jean Simon le mansier « ou le faiseur de manses. C’était un homme à qui la religion avait tourné la tête par la crainte de l’enfer. Il avait cessé d’aller à la messe, il travaillait le dimanche et les fêtes à ses vignes. Il faisait des manses, ou petites boules de terre argileuse, pour éloigner le diable, qui lui apparaissait sous la forme d’une araignée ».

    Nicolas Rétif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, Club des Libraires de France, p. 331. Souvenir de berger (région de Nitry en Bourgogne).

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  • Le Sauvage à l’écran

    Son petit cinéma personnel, c’était fatal, devait propulser le Sauvage sur les écrans. Sous le nom de Blanchet le Sauvage, Paul Marie Joseph Blanchet participa en 1933 à Mireille, un film de René Gaveau.

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    C’est une adaptation de Mirèio, pièce de Frédéric Mistral et de l’opéra de Charles Gounod. Dans le casting, Lou Sòuvage est le Père Ambroise, le père de Vincent le vannier, le flirt de Mireille.

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  • Le Sauvage des Alpilles

    Le Sauvage pour commencer. Le Sauvage, pourquoi pas ? En ces temps de feuilles d’impôts dans les boîtes aux lettres comment ne pas penser à lui qui en tapissait les murs de sa cuisine ? Mariant les couleurs entre elles car en ce début de vingtième siècle où il vivait, les sommations, les menaces, les avertissements avant saisie étaient imprimés en bleu, en vert, en rose.

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    A Saint-Rémy, à Maussane dans cette Provence mistralisée où Paul Blanchet (1865-1947) alias Sauvage poussait la chansonnette à la veillée.

    portrait du sauvage.jpgLui qui scandalisait et faisait rire la petite société rurale à laquelle il appartenait n’en manifestait pas moins un tempérament moderne et loufoque parfaitement de son époque. Certaines des « performances » de Blanchet (dont il ne reste comme il se doit que des souvenirs) témoignent de cet esprit avant-gardiste à la Alphonse Allais qui dissimule derrière la farce des intentions plus graves.

    Traversant les Alpilles sur un vélo agrémenté de 34 sonnailles de moutons et grelots de chien, le Sauvage transportait ses Nouvelles dans une boîte recouverte de sanglier.

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    Dans cette feuille volante imprimée pour le Carnaval, il relatait à sa façon rabelaisienne les événements de l’année. Variant chaque fois la publicité sonore dont il accompagnait, à grands renforts de percussions sur des ustensiles de cuisine, cette publication. C’est dans le maquillage et le costume que le Sauvage faisait cependant preuve de la plus grande imagination.

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    Marie Mauron, écrivain du terroir qui ne dédaigne pas les « fadas » (on se souvient de son livre sur Berbiguier de Carpentras) consacre tout un chapitre de ses souvenirs (Les Cigales de mon enfance) à cet homme original dont elle décrit les innovations vestimentaires et capillaires. Au delà du ton un peu clochemerlesque qu’elle adopte, c’est avec un vif intérêt qu’on lit sous sa plume que le Sauvage, punk avant la lettre, se faisait couper les cheveux « soit par tiers ou par quarts, soit en tranches, sa tête transformée en melon, soit en buisson pour sauvagine, soit en haies raides, concentriques ».

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    Pour reconnaître de loin sa veste sur le portemanteau du café, le Sauvage y peignit son nom au pochoir. Une veste dotée d’une poche à l’envers où il mettait ce qu’il ne voulait plus. A qui s’étonnait du pourquoi de la chose, Blanchet précisait que « ce pourrait être par coquetterie pure ». Cette remarque éclaire sur le degré de conscience du Sauvage. Loin d’être un insensé, c’était un sage aux « peintures de guerre » qui savait tenir ferme la voie étroite entre la bouffonnerie et la philosophie. Capable de contenir son excentricité dans les bornes ludiques instituées par la société où il vivait, il se comportait lucidement comme un symptôme de celle-ci. Ouvrier agricole, il ne travaillait que si nécessaire.

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    Ami des enfants, il encourageait chez eux le respect de la langue provençale qu’on leur interdisait à l’école. Lui qui avait été mordu par un scorpion en Afrique, n’hésitait pas à administrer son contrepoison à la morale étriquée de La Fontaine. C’est pour ne plus devoir saluer personne que ce doux anarchiste un peu bouddhiste, qui était revenu écœuré de son service militaire dans l’armée coloniale, ne portait jamais de chapeau.

    paul blanchet,lou sòuvage,marie mauron

     

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