Tristan Corbière chevalier de l’interstice.
Relisons Ça ?, le poème qui ouvre Les Amours jaunes.
L’auteur y parodie La Nuit de mai après avoir, dans une dédicace à celle qu’il aime, chambré La Cigale et la fourmi. « Anti-art poétique » dit Robert Sabatier. Ça y ressemble en effet. Quand on ne respecte pas La Fontaine, on peut bien dézinguer le Romantisme, le Parnasse et le Spleen baudelairien !
« Merci, mais j’ai lavé ma lyre » profère le poète qui ira jusqu’à se raser les sourcils pour dessiner sur son front deux yeux supplémentaires. « Ce refus oblique de l’Art mensonger s’affiche dès les premières pages du recueil » (Yves Leclair).
Avec une obstination ravageuse et une autodérision radicale, Tristan Corbière énumère tout ce que son œuvre n’est pas : essai, étude, poésie, chanson, chic, épilepsie : « Pas de râle, ni d’ailes »… Le joli, le lyrisme, le classicisme, le succès, la nouveauté en prennent pour leur grade. Même l’Originalité n’est qu’une drôlesse.
T.C. en femme
« L’Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l’Art » : ce dernier mot de Ça ? ouvre à son auteur la porte de la modernité. L’important, de notre point de vue, est que Corbière n’arrive à ce résultat qu’en louvoyant entre valeur sauvage, folie littéraire et culture hégémonique:
- « Mais, est-ce du huron, du Gagne ou du Musset ?
- C’est du… mais j’ai mis là mon humble nom d’auteur ».