Il suffit de lire pour voir que des faits intersticiels se cachent dans les livres. Même les plus fameux. Même ceux que la critique savante a propulsé une fois pour toute sur une seule orbite littéraire. Et qu’on n’a plus besoin de lire parce qu’on se contente de leur réputation. Ainsi de Sarrasine d’Honoré de Balzac, cette icône de l’ambiguïté sexuelle depuis le brillant S/Z de Roland Barthes.
Rencontrant cette nouvelle aux Puces le dimanche, sous sa couverture de bure de l’édition Skira (1947) qui ferait penser à la robe de chambre de Balzac (n’était le portrait par Albert Marquet dont elle est ornée) comment ne pas tomber, au hasard du feuilletage, sur ce passage où est évoquée la jeunesse rebelle de l’amoureux de la Zambinella, diva et castrat :
« Au lieu d’apprendre les éléments de la langue grecque, il dessinait le révérend père qui leur expliquait un passage de Thucydide, croquait le maître de mathématiques (…) et barbouillait tous les murs d’esquisses informes. Au lieu de chanter les louanges du Seigneur (…), il s’amusait, pendant les offices, à déchiqueter un banc; ou quand il avait volé quelque morceau de bois, il sculptait quelque figure de sainte. Si le bois, la pierre ou le crayon lui manquaient, il rendait ses idées avec de la mie de pain. (…) Il laissait toujours à sa place de grossières ébauches, dont le caractère licencieux désespérait les plus jeunes pères; et les médisants prétendaient que les vieux jésuites en souriaient. Enfin, s’il faut en croire la chronique du collège, il fut chassé, pour avoir, en attendant son tour au confessionnal (…), sculpté une grosse bûche en forme de Christ. L’impiété gravée sur cette statue était trop forte pour ne pas attirer un châtiment à l’artiste ».