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Juste un an après la révélation sur notre blogue, sous la plume de Sophie Roussel, de ses curieux rouleaux de calculs vertigineux, nous apprenons que cette œuvre tout à fait interstiCielle vient de rejoindre une collection d’envergure.
Il aurait pu faire simple mais il n’a pas choisi la pêche tranquille en eau dormante. Taquiner le goujon, très peu pour lui. Les maquettes, quelle barbe ! Les modèles réduits, non merci. Il lui faut une drogue plus forte que la colle. La retraite ? Hors de question de se la couler douce, il est un scientifique désormais. D’ailleurs, sa mère lui est apparue en rêve et l’a vivement encouragé à aller au bout, avec l’aide du Seigneur. Si Dieu lui-même y consent, il faut obtempérer.
Salaisonnier de métier, Joseph Giraudo a consacré des heures à tempérer le sel avec l’épice dans ses cochonnailles.
Il avait son affaire à Gennevilliers. Ses produits étaient reconnaissables entre mille avec leurs emballages aux couleurs de son pays natal, l’Italie.
Certains jours, il s’est cru un peu sorcier dans son laboratoire mais sa foi l’a toujours rattrapé jusque dans le chapelet de ses saucisses.
Le droit chemin du bon Dieu ne l’a jamais mis dans l’ornière. La Vie des saints est son seul viatique. Il a été jusqu’à proscrire à ses filles la lecture des romans. Pourtant, c’est un livre qui a tout déclenché. La providence est apparue en 1962, sous la forme d’un gros Larousse d’Astronomie.
Il a suffi de ce seul ouvrage pour le convertir aux calculs de vitesse lumière. Les résultats des spécialistes sont approximatifs. Sans cesse, il se heurte au mot « environ », à l’expression « à peu près », lesquels le rebutent tellement qu’il va s’employer à faire ses mathématiques.
Car quoi ! dans les calculs officiels d’une année en vitesse lumière il manque au moins six heures. Ils nous ont arrondi tout cela à la louche, ces messieurs les astronomes ! Des secondes qu’on nous vole, montres et horloges remontées contre nous. Mais lui, Joseph Giraudo, il va s’employer à tout recalculer. Il assemble des chutes de papier bon marché avec du ruban adhésif et fabrique ses rouleaux de calcul.
Il écrit tout à la main, ligne par ligne. Les choses se déroulent bien ainsi durant 27 ans ! Il remplit des dizaines de rouleaux qui, dépliés, atteignent près de vingt-cinq mètres.
Il laisse quantité de notes, entre découragements et lubies, griffonnées parfois au verso d’emballages de saucisson. Il fait la pige au temps avec des feuillets d’éphéméride froissés, des pages d’agenda arrachées révélant des phrases énigmatiques.
Il intègre un club d’astronomie et publie sa théorie dans le bulletin de l’année 1989. Trop confidentiel. Il est temps pour lui d’alerter le milieu scientifique de ses avancées.
Dans ses courriers il expose avec une grande modestie sa méthode de calcul innovante fondée sur un système d’horloges bien différentes des horloges ordinaires.
Silence abyssal. Un professeur du collège de France daigne enfin lui répondre. Les raisonnements sont justes mais les bases sont fausses. En dépit de ces avertissements, il s’obstine. Ces heures qui nous sont dérobées chaque année sont peut-être les meilleures. Pas moyen d’avoir raison. Quand il l’accepte enfin, il se laisse partir. Il fait gigoter l’espace-temps avec un hula-hoop.
Il lève une armée de chiffres astronomiques pour terrasser le décimal. Il compose la symphonie des rouleaux à l’égal de la musique des sphères. Il étourdit son bégaiement dans des calculs sans couac. Mathématique, fluidité sans faille. Jamais trahi par ce langage. Il a mis son grain de sel dans la poussière d’étoile.