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  • Le prince de l’art sans nom

    Un jour mon Prince viendra.

    J’ai beau avoir conservé ma petite âme de moutarde piquante c’est rare que me remue la disparition d’un baladin de notre monde occidental. Mais là, pardon, il y a de quoi ! De quoi s’associer au deuil collectif où les fans de la purple superstar se sont plongés unanimement.

    Ne serait-ce que pour saluer la bonne idée née un jour de 1993 dans l’esprit survolté de cet autodidacte boulimique de création qui, à l’état civil, portait le nom de Prince Rogers Nelson. Alias Prince for ever.

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    Sauf à la fin des nineties justement. Années pendant lesquelles, le showman engagé dans une partie de bras de fer avec sa maison de disques qui bridait selon lui sa liberté et sa fécondité artistiques, renonça à son nom. Au profit d’un pictogramme imprononçable qu’on traduisit faute de mieux par Love Symbol.

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    Souhaitons que Prince reste dans les mémoires. Non seulement pour sa musique. Mais aussi pour cette rébellion interstiCielle qui le conduisit à tenter d’imposer sa vision personnelle à l’industrie musicale.

    A la réflexion cette attitude avant-gardiste mériterait d’être généralisée. A ce que le business international épingle sous la vague rubrique d’art brut notamment. Imaginez des foires d’art sans nom par exemple. Voilà qui serait du dernier chic !

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    Des espaces white cubes où, sur la porte vitrée, l’exposition serait annoncée par un hiéroglyphe ! Des ventes publiques of « The Artist Formely Known As » Chomo. Ou TAFKA Darger, TAFKA Wölfli, TAFKA Quivousvoulez. On peut rêver.

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  • La vie parallèle d’Henry Legrand

    Appliqué à la vie, le parallélisme a tout pour plaire. Surtout quand il se présente, non sous le masque austère d’un vieux philosophe romain mais sous la plume du regretté Michel Foucault : « Ce serait comme l’envers de Plutarque : des vies à ce point parallèles que nul ne peut plus les rejoindre ». J’emprunte cette phrase évocatrice à la quatrième de couverture d’un trapu petit livre bleu ciel publié en 1979 par Gallimard : Le Cercle amoureux d’Henry Legrand.

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    Foucault présentait là une collection : Les Vies parallèles qui n’eut, après la guerre, que deux titres. C’est dommage. Celui-ci, qui traite de l’étrange manuscrit-fleuve d’un architecte cryptographe du milieu du 19e siècle, augurait bien. Mais l’écriture chiffrée n’a sans doute jamais été rentable pour un éditeur.

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    Aussi s’y mirent-ils à deux pour offrir au public des années disco un aperçu sur les 39 volumes de cet extraordinaire opus (agrémenté de nombreux dessins à la plume) conservé à la Bibliothèque nationale.

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    Parallèlement -si j’ose dire- à l’édition Gallimard, Christian Bourgois publiait, la même année, Adèle, Adèle, Adèle, en référence à la mystérieuse Adèle de M., présidente de la société secrète dont Legrand était le seul membre masculin. Soit dit sans grivoise allusion bien qu’il fût aussi l’amant des neuf femmes, aristocrates et bisexuelles, composant avec lui le Cercle.

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    L’histoire on le voit avait de quoi, intéresser Pierre Louÿs et il s’y intéressa. D’abord en faisant l’acquisition en 1907 de cet ouvrage à caractère partiellement érotique. Ensuite en découvrant le chiffre permettant d’en comprendre le contenu.

    le cercle intérieur 1.jpgAussi est-ce Paul-Ursin Dumont, un spécialiste de Pierre Louÿs, qui avec le concours de son fils Jean-Paul Dumont, professeur d’ethnologie, transcrivirent et documentèrent les extraits des manuscrits d’Henry Legrand contenant ses mémoires et relatant sa vie secrète au sein d’une cour d’amour en parfait contraste avec la société bourgeoise à laquelle il appartenait.

    le cercle intérieur 2.jpgLa collection de manuscrits de Legrand de Beauvais (c’est ainsi qu’on le désigne souvent), seraient d’une grande perfection. Selon Charles Monselet (1825-1888) ils représentent le travail d’une dizaine d’années : « Cela ressemble (…) à la calligraphie orientale. Beaucoup de pages ont des encadrements (…) d’une finesse prodigieuse : fleurs, animaux, blasons, anges, paysages, ruines, coraux etc. ». Avec son sens de la formule, l’auteur des Oubliés et Dédaignés qualifie l’œuvre de Legrand : « un des monuments les plus étranges de la manie humaine ».

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  • Le palazzo Marino

    On dit que c’est Le Minotaure, un tableau du peintre symboliste anglais George Frederic Watts, qui inspira à Jorge Luis Borges La Demeure d’Astérion, un texte qui figure dans L’Aleph.

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    A L’Immortel, autre conte métaphysique de ce troublant recueil, on pourrait associer ce Palazzo enciclopedico del mondo de Marino Auriti, tant cette babelienne maquette d’un musée imaginaire abritant toutes les connaissances humaines fait monter de notre mémoire cette citation : « Ce palais est l’œuvre des dieux » pensai-je d’abord. J’explorai les pièces inhabitées et corrigeai : « Les dieux qui l’édifièrent sont morts ». Je notais ses particularités et dis : « Les dieux qui l’édifièrent sont fous ».

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  • Le secret des soucoupes

    Les deux lettres martiennes du narrateur E.T. imaginé par Sophie Roussel dans les précédents posts de l’ii appellent quelques éclaircissements. Par sa façon d’inverser les points de vue, Sophie souligne la familiarité entre l’univers de l’étrange et celui, rural et banal, d’une petite communauté américaine d’un proche autrefois. C’est naturellement aux poétiques images d’Esther Pearl Watson qui ont servi de stimulant à sa fiction qu’elle le doit.

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    Comme dans Upside Down, le film de Juan Solanas où deux réalités symétriques se superposent, la peinture d’Esther Pearl Watson organise la rencontre de deux mondes qui ne sont pas fait à priori pour coexister, celui d’un intimisme bucolique, celui d’un âge d’or de la science-fiction.

     

     Rencontre ou retrouvailles car Esther Pearl, qui a grandi au Texas, a réellement vécu, du fait de son éducation baignée dans l’utopie paternelle, dans les interstices du rêve éveillé et de la réalité quotidienne. Cette position instable avait de quoi la mener au déséquilibre. Son étoile a voulu qu’elle la conduise à l’art par le biais d’une affinité à maints égards involontaire avec l’œuvre de Grandma Moses.

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    Le charme des tableaux d’E.P.W., empreint de la nostalgie des temps pré-Internet, ne procède cependant pas du pastiche. Ni de l’ufologie vulgaire. Ils n’ont pas cette naïveté. Même s’ils semblent s’apparenter aux ex-voto par les légendes qui y sont inscrites.

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    Esther Pearl qui, comme beaucoup de fillettes américaines rédigea très tôt son journal, se fait, dans ces courts textes intégrés à des figurations, le témoin un peu perplexe des expériences follement scientifiques de son père.

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    Elle comprit plus tard quand elle put donner un sens à sa vocation que Gene Watson, son père, qui avait consacré sa vie d’ingénieur aéronautique spontané à construire de chimériques soucoupes volantes qu’il rêvait de vendre à l’état, était lui-même un artiste sans le savoir.

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    Ce qui place sa fille dans une position charnière originale, entre un art brut congénital et un caractère d’outsider acquis qui l’a menée à l’expression diariste dessinée et à un professionnalisme contemporain assumé parce que soclé sur un roman familial riche de contenu.

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  • Les lettres E.Texanes-suite

    To : Us-bek (ThxC-734)

    From : Rica (Rswp-256)

    Subject : une transmission dans la langue indigène(2)

     

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    Sinon, je me suis faite aux coutumes familiales. La recherche éperdue de pièces détachées toutes aussi {incongrues} les unes que les autres ou encore les opérations secrètes où l’on fait des repérages aux alentours de la maison.

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    Mais ce qui me fascine le plus, ce sont les missions de reconnaissance. Il s’agit d’aller, à la nuit tombée, inspecter vaches et taureaux, avec la plus belle chose que nous ayons à disposition ici : une lampe de poche.

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    Quel objet sensationnel ! Je tâcherai de t’en rapporter une pour que tu voies la merveille. Rien de plus attrayant pour moi que ce faisceau qui éclaire une seule partie des choses, celle que l’on choisit.

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    Ici, les habitants semblent avoir survécu à plusieurs cataclysmes qui portent les mêmes prénoms qu’eux. Ils n’ont aucun doute quant à la fin prochaine de leur monde.

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    Aussi cette petite famille s’acharne t-elle à préparer sa soucoupe volante pour le grand départ. Je les aide du mieux que je peux, sans dévoiler notre technologie. Ce qui me surprend beaucoup c’est que si je leur révélais qu’aucune galaxie - en l’état actuel de leurs connaissances - ne pourrait les accueillir, je pense qu’ils ne changeraient rien à leur comportement.

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    J’en viens au terme de mon observation. C’est comme si les humains étaient infra-lucides. Ce qu’ils savent de plus juste est enfoui au fond d’eux-mêmes. Il n’y a pas de {corollaire}, ni décision rationnelle et le même processus se poursuit toujours, {auréolé} d’une chose très singulière qui se nomme l’espérance. Ce sentiment nous est tout à fait étranger, ce qui explique que je sois complètement passée à côté. Cet espoir, je l’ai d’abord pris pour de la bêtise.

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    Te rends-tu compte que les noms de nos vénérables planètes figurent sur leurs barils de lessive ? A ce détail et à bien d’autres, je pense cette espèce n’a pas tort d’envisager pour elle le pire des {destins}. Je pense que les humains qui veulent survivre devraient aller habiter dans les caravanes qu’ils possèdent au fond de leur jardin.

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    Certains individus – à mon avis d’une intelligence supérieure – ont déjà pris place dans ces unités d’habitation réduite. Ils auront ainsi une infime chance de réchapper à la {catastrophe} qui me paraît inéluctable.

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    Une formule de chez eux pour finir :logo sophie.jpg

    Bien à toi

    R

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