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Matières plastiques - Page 3

  • Les bleus de Martin-Roch

    Jean Martin-Roch et Pierredon. Qu’il y ait encore au bout des chemins, des lieux tels pour de tels artistes laisse rêveur. Des lieux d’au delà du langage, refuges d’une peinture silencieuse comme cette Provence de transhumance, rescapée des incendies.

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    Quarante ans durant, de 1951 à 1991, dans un quadrilatère sauvage situé dans les Alpilles, le peintre Martin-Roch (1905-1991) travailla à son œuvre et à la rénovation d’une abbaye qui abrita son atelier.

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    On y accède encore par une longue piste caillouteuse dissimulée de la route qui va de Maussane à Eygalières. Sans savoir où l’on va. Sans autres témoignages de civilisation que ces oliviers qui moutonnent, que ces vignes dont les lignes courent sur la terre.

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    Au bout du bout un arbre rouge, sculpture de Miguel Chevalier : fanal posé par les actuels occupants de cet endroit dont ils respectent la poésie.

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    Il signale la vénérable allée qui mène à l’ancienne Thébaïde de Jean Martin-Roch dont on aperçoit très tard les toits.

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    Le bleu des paysages de Martin-Roch –un bleu qu’on pourrait croire irréel s’il ne saturait l’air– nous a amenés là.

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    Charles-Albert Cingria qui a connu le peintre dans sa jeunesse se souvient des cravates d’un « blanc de fine neige » dont le peintre ornait ses chemises…bleues.

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    Ce détail est emprunté au catalogue de l’exposition Jean Martin-Roch, les chemins du silence au Musée Estrine de Saint-Rémy de Provence qui, à la fin de 2014, remit très judicieusement en lumière l’œuvre de cet artiste méditatif et confidentiel, tranquillement à l’écart de toute influence avant-gardiste ou mondaine.

    jean martin roch.jpgMartin-Roch pour travailler affectionnait les blouses gothiques. Lydia Harambourg (La Gazette Drouot du 7 novembre 2014) remarque à juste titre que « sa peinture atemporelle, se réfère à Giotto et à Fouquet (…) ».

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    A Piero Della Francesca pourrait-on ajouter si celui-ci était contemporain de Giorgio de Chirico. Isolées dans une campagne lunaire hérissée de troncs tordus, les demeures de Martin-Roch ont cette densité du vide obtenue avec d’autres moyens par Georges Malkine.

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    Mais c’est assez pointer ce qu’il est convenu d’appeler la peinture métaphysique. Martin-Roch expérimente d’autres dimensions du secret, explore d’autres frontières de l’indicible.

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    Nul syncrétisme ne rendrait compte de son captivant pouvoir de retrait, de son lâcher prise, de son indifférence philosophique aux sirènes contemporaines.

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    De sa peinture, Jean Martin-Roch parlait peu.

    Il « n’aime guère que d’autres en parlent, même en bien » souligne Paul Barnaud.

    « Sa nature l’a gardé à l’écart des milieux artistiques » (Claude Tollari-Martin).

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    Même si de nombreux visiteurs empruntaient le chemin de Pierredon pour le rencontrer, il ne vendait ses tableaux qu’à un petit cercle d’amis et d’amateurs éclairés dont il avait pu tester la compréhension.

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  • Hrabal et l’art du rail

    A la mort de son oncle, cheminot à la retraite qui faisait fonctionner une locomotive dans son jardin, Hanta, le narrateur d’Une trop bruyante solitude, le roman de Bohumil Hrabal, ouvre un placard… « La collection était bien là, cette collection que mon oncle me montrait si souvent sans provoquer mon intérêt, des boîtes remplies de ferraille multicolore ; quand il travaillait à la gare, mon oncle s’amusait souvent à mettre sur les rails de petits bouts de cuivre, de laiton, de fer, d’étain et d’autres métaux encore ; après le passage d’un train, il ramassait des formes bizarres et martelées qu’il assemblait le soir, en cycles ; chaque fragment avait un nom selon les associations d’idées qu’il faisait naître, on aurait dit une collection de papillons d’Orient, des boîtes de bonbons vides, pleine de papier d’aluminium bariolé. Je les versai, une à une, dans le cercueil de mon oncle, le recouvrant de cette précieuse quincaillerie, les croque-morts fermèrent le couvercle, et mon oncle put reposer comme un haut-dignitaire (…) ».

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    Les personnages de Hrabal sont appréhendés par de menus détails, féroces et tendres, avec un poil d’amusement, toujours bienvenu. Quelque chose de malicieux et de désenchanté - à l’équilibre. On passe ainsi, avec fluidité, du burlesque à l’humour noir, de la contingence de la misère humaine à la superbe des gens de rien.

    Hanta travaille par exemple dans une cave sordide avec une vieille presse en surchauffe permanente. Sa fonction : détruire livres, papiers & emballages en divers genres et former de gros cubes de papier recyclé qui s’en repartent on ne sait où. Mais Hanta est du genre revêche, son patron le trouve tire-au-flanc.

    Il ne peut s’empêcher de lire, grappiller et sauver certains imprimés de la destruction. Pour se venger du destin, il insère avec délectation -façon mille-feuilles- dans un lot de littérature de propagande nazie ou dans des emballages de boucherie putrides les plus belles pages des philosophes éternels.

    Dans la vraie vie, Bohumil Hrabal écrivait assez peu à l’intérieur de son logis.

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     Plutôt qu’une table de cuisine dont on débarrasse les restes à la hâte ou un bureau d’écrivain, encombré de livres et de paperasses, Bohumil préférait le toit de sa maison. Il y avait installé une ingénieuse petite table tenant à l’horizontal grâce à deux pieds taillés pour la pente. Quand son séjour en plein air s’éternisait, sa femme lui faisait passer boissons et victuailles par la lucarne au moyen d’un panier ! Ainsi perché, c’est la ville de Prague qui se déployait sous ses yeux.

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  • Pozzetto chez Chabaud

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    A Graveson, une maison… Ça commence comme une comptine où Chabaud rime avec Pozzetto. La maison est un musée au bout d’un petit canal.

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    Auguste Chabaud (1882-1955), artiste et enfant du pays, a peint celui-ci dans le style mi fauve mi-expressionniste qui fit sa renommée bien au delà de sa micro-patrie provençale.

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    Michel Pozzetto, sculpteur révélateur de formes encloses dans les outils de la terre, parle avec le même accent, vivant non loin de Graveson. Le musée « de région » Auguste-Chabaud a eu la bonne idée de réunir ces deux créateurs dissemblables mais complémentaires.

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    Le temps d’une exposition de fêtes sur laquelle je suis tombée par hasard juste avant le décrochage le 17 janvier 2016. La qualité de mes photos improvisées s’en ressent mais ce n’est pas plus mal d’avoir été déconnectée de Noël quand il s’agit de crèche.

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    Les Bouches-du-Rhône tiennent à leurs traditions mais comme partout celles-ci sont difficiles à renouveler. J’avoue que j’en avais soupé des marchés de santons où le pareil tourne en rond avec le même. Aussi me suis-je jetée sur cette affiche où les sujets d’acier, d’argile et de chiffon de Michel Pozzetto faisaient naître dans ma tête cette réflexion : « enfin une variation nouvelle sur un thème convenu ».

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    L’auteur de ces figurines d’une savoureuse rusticité peut bien ressembler à un gentil catcheur, ses œuvres murmurent la délicate chanson du travail et de la modestie, de l’expressivité sans fards et de la condition humaine.

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    Leurs visages approximatifs et résignés, leurs échines voûtées font penser aux personnages de Bernard Javoy ou à ceux du sculpteur suédois Döderhultarn.

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    Comme eux, Pozzetto gagne à ne pas adoucir son travail. L’avenir dira s’il résiste aux sirènes d’un public porté à le cantonner dans les normes de la « singularité » artistique ou de la virtuosité artisanale.

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    Lui qui pense que « si on n’est pas classé, on est déclassé », saura-t-il protéger son authenticité ? Trouver la bonne distance avec les visiteurs de son atelier qui divulguent étourdiment ses coordonnées sur le net ? Nous verrons.

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    Je tiens pour ma part que l’analogie secrète entre la forme des outils et la fatigue des corps qu’il a su révéler dans les personnages de sa crèche (où figure l’Abbé Pierre) est un petit trésor sur lequel il faut veiller.

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    Comme sur toute prouesse autodidacte. Ce trésor ne doit rien à la vitamine du sacré dont on a cru bon d’agrémenter cette exposition. Il émane de la Montagnette représentée par Chabaud sur un tableau qui servait de toile de fond à l’ingénieuse scénographie de cette crèche.

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    Pozzetto préfère insister sur des aspects plus essentiels, c’est à dire plus matériels. La recherche et le choix rigoureux des fers de bêches, pelles, binettes etc. Le respect de leur patine. Les courbures significatives du métal.

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    La manière dont les alvéoles des manches absents appellent le galbe des futures têtes d’argile. Là où nous ne savons pas voir, Michel Pozzetto par son regard nous apprend à regarder.

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  • De l'art inopiné

    Un boudin sans peau.

    Voilà ce que serait l’art inopiné, selon Pol Bury, en l’absence de musées pour le recueillir.

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    Rose comme une tranche de jambon son Guide paru au Daily-Bul en 1988 énumère ces hauts lieux du pâteux, du résidu, du trou, de la décharge, de la désuétude, du raccourci, du vacant etc.

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    Musée de l'Encoignure, Birmingham (Michigan)

    « (...) les plans du musée -et sa construction- tiennent compte, à chaque étage, de la bissectrice du parallélogramme qui (...) est déterminante dans toute architecture qui se respecte. »

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    Musée du Juste Milieu, Fontainebleau

    « On observe l'artiste dirigeant du doigt le travail du burin à manche (...) »

    Comme le dit très bien Pierre Jourde, dans Le Loufoque comme exercice d’épuisement : « La mise en relation texte-image sert ici à dégager une hyperspécialisation qui s’englue ».

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  • Conversation shoes

     

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    Emmanuel Dériennic (à G) et Pierre Maunoury à l'hôpital de Quimper.

    Un document qui nous vient des années soixante à Guingamp. Deux types visiblement contents l’un de l’autre. Sont-ils pas bien là, décontractés sur un banc ? Toile de fond en « broderie bigoudène qui viendrait de Mandchourie ». Emmanuel le Calligraphe et Pierre Maunoury qui le découvrit. Le premier retrouvera plus tard son nom véritable : Emmanuel Dériennic. Le second s’illustrera sous le pseudonyme de Joinul.

    Gibier d’hôpital tous deux. L’un « fou », l’autre « psychiatre ». Liés par une vraie complicité. Seule différence : les chaussures d’Emmanuel sont mieux cirées que celle de Pierre. On leur pardonnera. De tels portraits sont rares. Maunoury comme Michaux étant rétif au selfie.

    Fanch Le Pivert, le journaliste de L’Écho de l’Armor et l’Argoat, à qui nous devons cette redécouverte mérite nos félicitations intersticielles. D’autant que son article ne nous accable pas avec des considérations sur la cote galopante de l’artiste sur le « marché de l’âârt » mais informe utilement sur le destin si original d’un enfant du pays.

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  • Carolina Matriochka

    Interstices sur interstices. Quoi de plus interstitiel qu’une poupée russe ?

    Caroline Sury qui expose en ce moment à Paris nous en fait parvenir plusieurs.

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    L’ii ne lui déplaît pas.

    Elle « s’y glisserait à l’occasion ».

    C’est chose faite.

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  • Stèle à une hamadryade

    Aux antipodes du street art ordinaire, tapageur et clinquant, hystérique et racoleur, voici la souche Roquette, de la rue du même nom.

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    Timide, solitaire, à peine esquissée. Un exemple d’intersticiel à fleur de terre. Éphémère et presque inaperçu. A l’angle de la rue Saint Maur. Un art de la retouche, du sous-entendu, du murmure.

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    Quelqu’un est passé là, après les bûcherons. Il a gravé cette stèle à une hamadryade de promenade parisienne, morte avec son arbre abattu.

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    Émouvante et désolée. Bouche ouverte sur un dernier cri inaudible.

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    La souche Roquette et son cortège de feuilles d’automne.

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  • Bernard Javoy : l’art et la manière

    « Dans les champs, il faut travailler avec art, il faut faire avec goût, sinon l’asperge ça la contrarie ».

    Ainsi parlait Bernard Javoy quand on lui rendait visite, chez lui, dans sa maisonnette rurale de Cléry-Saint-André, petite ville du Loiret nichée dans les paroles du Carillon de Vendôme, cette vieille chanson française.

    Il nous offrait une salade. Il avait à cœur de se faire comprendre. Quelle meilleur argument que ce produit de son jardin ? Nous venions pour son art. Il le savait. Non pour son talent de paysan mais pour cet art de sculpteur rustique et tendre auquel il s’adonnait avec une tranquille passion depuis qu’en 1987, à l’âge de 62 ans, il avait mis un bémol à ses activités agricoles.

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    Nous attirait là ce peuple de figurines campagnardes, mêlées à leurs animaux familiers, à qui Bernard Javoy donnait naissance, sans avoir été « guidé par personne », dans le calme de son atelier installé dans une ancienne buanderie.

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    Un garde-chasse, le curé, des vieux sur leur banc, un trimardeur, des hommes en gros drap bleu, des femmes du même bois, les têtes enveloppées de foulards ou de coiffes en cloche.

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    Des couples. Des couples, raides et austères dans leurs habits noirs. A peine éclairés de cols blancs. Immobiles comme s’il posaient devant un photographe ambulant.

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    Des visages taillés à la serpe, silencieux mais expressifs. « Le genre d’autrefois » disait madame Javoy que les travaux de la terre avaient courbée jusqu’à la faire ressembler à l’un des personnages sortis des mains de son mari. Un autrefois où « les gens étaient versés sur le bétail ».

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    Les ânes au regard triste comme un poème de Francis Jammes. Les chevaux aux flancs lourds dont Bernard Javoy n’avait pas besoin de fignoler la forme pour qu’on en ressente l’efficacité symbolique.

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    « Le tracteur on l’a eu mais il tasse, c’est négatif avec les asperges » tandis que le cheval « il lève les jambes » et on le dirige à la parole, commentait-il pour justifier sa préférence pour « la manière traditionnelle ».

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    « J’ai pas abandonné tout ça, je suis resté dans le même monde, dans les mêmes idées » ajoutait Javoy pour expliquer son lien avec la nature prolongé par son travail artistique.

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    Une modestie innée, une prudence héréditaire vis à vis de son entourage le portait, quand il s’exprimait, à privilégier les aspects techniques. Sur la question des matériaux, il était volontiers bavard, n’épargnant à ses visiteurs aucun détail sur les mérites comparés du platane (« ça fend pas »), du peuplier (« c’est léger ») ou du tilleul (« on fait pas ce qu’on veut avec »).

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    Mais on sentait à la curiosité qui était la sienne quand il nous voyait choisir, dans le stock de pièces abritées dans un apppentis-show room, celle qu’il nous laisserait emporter en souvenir, combien Bernard Javoy était sensible à l’estime de son public occasionnel.

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    Son plaisir constituait alors, dans le confort surchauffé de sa cuisine aux dimensions de boîte d’allumettes, à finaliser l’opération en couronnant notre visite de joviales broderies verbales sur son originale façon d’être au monde.

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    Sur Le petit monde en bois de Bernard Javoy, l’ii recommande à ses lecteurs l’article de Nicole Verdun (Entrée des artistes) paru dans le n° 89 du Journal de la Sologne et de ses environs en juillet 1995.

     

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  • La Grotte Chesné à Malakoff

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    La Grotte Chesné on n’y tient guère à plus de quatre mais ce nombre restreint ajoute son charme à la chose. On s’y serre, on s’y frotte, on s’y sent chez nous dans ce Malakoff que le Douanier Rousseau se plut à peindre.

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    Dans cette pelote de fils urbains de diverses sortes qui constitue son environnement, la Grotte Chesné s’est nichée comme un lézard au cœur palpitant.

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    Un lézard ce n’est pas grand chose mais cela participe de deux mondes. Un monde du grand soleil de la culture, du confort et de la civilisation. Un monde de l’ombre propice au secret, à la lenteur, à la méditation.

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    L’un et l’autre aux Malakoffiots sont nécessaires. Comme le pain, comme le rêve. Comme toutes ces choses contradictoires qui font que les hommes, les femmes, leurs petits et même les abeilles et les fourmis sont heureux d’être gouvernés par la vie.

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    La Grotte Chesné, à sa façon, témoigne d’un art de l’équilibre, précaire mais harmonieux.

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    Elle est un trait d’union mosaïste entre un passé d’ingéniosité populaire qui vit fleurir aussi bien Raymond Isidore que Niki de Saint de Phalle et un vingt-et-unième siècle, marqué par l’essor de l’Art modeste et des graphistes de rue.

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    Aux décors de demain, elle transmet ceux d’un Art Nouveau transfiguré par Gaudi et relayé par des bricoleurs de banlieue chers à Robert Doisneau. Bien sûr, elles ne sont plus nulle part ces poissonneries, ces boucheries, ces boulangeries, dont les façades s’ornaient des emblèmes animaliers de leurs activités.

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    La Grotte Chesné n’en persiste pas moins à inscrire au sein de sa ville une nostalgie totémique qui parle aux écoliers en visite dans le jardin environnant.

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    Les fantaisies muralistes y sont ici les complices d’une nature en récréation. On y croise des plantes en liberté et des fleurs en pots qui n’ont pas l’air triste.

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    On y sème de vivaces sculptures et de gais pantins. 

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    C'est un petit jardin « qui sent bon le bassin parisien » et les voisins de Jean-Michel Chesné lui ouvrent volontiers leurs portes.

     

    C’est un petit jardin avec une grotte.

    La Grotte Chesné.

    On y tient.

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  • Zeppelin aux as

    zeppelin.jpgAu menu aujourd’hui, un programme d’une revue de 1917 au titre calembourgeois et vaguement patriotique : Zeppelin aux as. Non par amour de l’aéronautique ou pour la gloire d’un esprit parisien qui a vécu.

    Mais pour l’illustration du peintre et affichiste Lucien Métivet (1863-1932) qui orne la couverture. Métivet c’est un ami de Toulouse-Lautrec.

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    On peut s’attendre à tout de ce genre d’artiste forgé au rire de la Belle Époque montmartroise. Comment cependant ne pas être surpris par cette image « schizophrène »? Avec cette composition clivée qui juxtapose l’élégance démodée d’un dessin très 1900 et le trait anguleux, hâtif et nerveux d’un graffito à la craie blanche, Lucien Métivet semble nous dire quelque chose.

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    Lui, le dessinateur virtuose des journaux satiriques du début du XXe siècle, il pourrait très bien s’il le voulait s’abandonner à une voie plus stylisée, plus directe, plus spontanée. Il y a peut-être là un refoulé Dada qui se fait jour. Son poilu qui charge une espèce d’Ubu au casque à pointe est d’ailleurs contemporain des Eugènes de Jean Cocteau.

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    En cherchant un peu on s’aperçoit que Métivet est coutumier de ce genre de clin d’œil. Un charmant ouvrage pour les enfants où l’auteur se plaît à opposer les deux personnages de Jean-Qui-Lit et Snobinet réunit les deux facettes de sa personnalité artistique.

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    Lucien Métivet y donne libre cours à son goût de l’interprétation libre qui s’accommode du support scolaire fourni par le tableau noir et les cartes de géographie. 

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  • Grand chaubardement à Montauban

    C’est sous le triple signe du beau que Mr You Tube nous invite chez le sifflotant « Monsieur Babar », un attendrissant bricoleur qui passe en douceur du petit meuble en palette de récupération aux tableaux de feuilles et aux assemblages de « personnages » qu’il ne lui vient pas à l’idée de bombarder du gros mot d’art.

    Le b(e)au contenu dans Montauban, la ville où il fait de sa retraite un enchantement.

    Le b(e)au niché dans son nom véritable : Jacques Chaubard.

    Le b(e)au que l’on retrouve dans le patronyme de l’auteur de la vidéo, Raphaël Baux.

    S’il arrive à tout le monde de s’intéresser à ces lambeaux d’écorce que les platanes abandonnent aux pieds des promeneurs, rares sont ceux qui, comme monsieur Chaubard, en remplissent des valises. Le beau -un beau tout proche et ingénu- Jacques Chaubard en est le serviteur rieur. « J’y vais les yeux fermés » dit-il en entrant dans son atelier de poche. Cet ancien travailleur du bois y fait discrètement un sort glorieux à de petites cuillers d’étain qui lui servent de matière première. Suivons le, les yeux ouverts.

    jacques chaubard

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  • Roger Lorance de la teinture à la peinture

    Villeneuve-les-Avignon on n’y va pas tous les jours. La dernière fois c’était il y a 8 ans. La rue de la République a changé. Des boulets noirs ont poussé pour dissuader le stationnement. Ça fait grande ville là où c’était bon enfant. On ne s’arrête plus devant chez Roger Lorance. Sa teinturerie est toujours là mais elle a été transformée en restaurant flambant neuf. Dans cette boutique au bois dormant, le peintre-poète était resté depuis la fin de ses activités en 1969.

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    Son atelier s’était superposé aux derniers vêtements que plus personne ne viendrait chercher.

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    Aux murs les vestiges d’anciens panonceaux commerciaux côtoyaient des poèmes manuscrits qui traitaient de la Schizophrénie ou de la Divinité.

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    La peur, la révolte ontologique en alexandrins. « Dieu, s’il existait serait très mauvais ». L’auteur, vieil homme voûté mais œil alerte, avait connu des moments difficiles.

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    Il ne s’en cachait pas, derrière sa barbe qui le fait ressembler à Francis Jammes. Ne devait-il pas au photographe Clovis Prévost notre visite inopinée ? C’était suffisant pour raconter.

    portrait R Lorance n&b.jpgUne addiction sévère entre 30 ans et 40 ans. Les affres d’une désintoxication. Les enfants cancéreux le bouleversaient. Le paroxysme de l’anxiété, il savait ce que c’était.

    Un psy lui avait dit : « si vous avez déliré c’était à froid ». Il n’en commentait pas moins l’une de ses œuvres : « une espèce d’hallucination, quelque chose comme un tableau de fou ».

     

     

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    A 29 ans, il s’était mis à la peinture. « Attaque directement le tableau » lui avait dit celui qui lui avait « appris », le peintre troglodyte Joseph Thoret dont il partage l’attrait pour les monstres qui exorcisent les pensées obsédantes.

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    La Tristesse du diable était venu sous ses doigts en août 1954. Envolé depuis comme l’un de ses premiers tableaux qui représentait « la bombe atomique tombant dans un volcan, les quatre races autour ». Trois mois de travail. A la craie d’abord (il n’aime pas dessiner). Puis : « je fais tomber la craie, personnage par personnage ». Cocktail de couleurs. Feu d’artifice.

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    « On peut dire que je suis un coloriste » dit Lorance. « Mon père était coloriste en teinturerie, j’ai eu l’idée de la couleur avec lui ». Son goût du symbolisme littéraire, son onirisme qui n’est pas de surface entraînent sa parole sur des voies moins limpides.

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    Suivre les explications où il aime se plonger en face des tableaux qu’il vous montre provoque une étrange impression de torsion intellectuelle.

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    Jérôme Bosch pour Roger Lorance est une influence reconnue. Mais il aime aussi Auguste Renoir ce qui a le don de nous interloquer. Sa devise : « subir pour triompher » laisse à penser qu’il ne peut vaincre qu’en obéissant à ce qui le travaille.

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    On reste songeur à l’idée qu’il ait pu exposer au milieu des sages paysagistes provençaux, lui si familier du chaos créateur.  Mais des circonvolutions discursives où seul il se retrouve, il sait retomber sur des phrases dont la simplicité stupéfie : « je ne vis pas dans ce siècle, je vis avec les châteaux de la Loire ».

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