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L'Internationale interstiCielle - Page 6

  • Alexis le Surcheval

    En marche devenu le mot du jour, l’ii pense aux marcheurs. Elle n’a eu que quelques pas à faire pour retrouver la trace de l’un d’eux. Quelques pas vers sa bibliothèque où dormait le mince catalogue d’une exposition du Musée régional Laure Conan, ancêtre du Musée de Charlevoix à La Malbaie-Pointe-au-Pic. Exposition consacrée en 1981 à trois héros populaires québecois du début du vingtième siècle dont Le Trotteur Alexis Lapointe (1860-1924).

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    Comme le Petit Hans, le patient du Dr Freud, Alexis entretient avec le cheval un rapport privilégié. Mais si Hans avait une phobie de l’animal, Alexis, très jeune, s’efforça d’imiter celui-ci. Certains diront que c’est pareil. D’autant que des coups de fouet viennent renforcer le parallèle entre les deux garçons. Ceux que Hans vit administrer à un cheval par un cocher. Ceux dont Alexis se gratifiait lui-même avant d’entreprendre une de ces courses qui le rendirent mémorable dans son pays. Grand voyageur, Alexis Lapointe, qui fabriquait pour vivre des fours à pain, parcourait la vallée de la Matapédia et la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

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    Le Musée d’Histoire du lac-Saint-Jean d’Alma lui a d’ailleurs rendu hommage en 1999 en le qualifiant d’athlète-centaure. Car c’est surtout pour ses exploits physiques, plus encore que pour ses qualités d’amuseur public et de musicien itinérant qu’Alexis le Surcheval a mérité la notoriété. Alexis adorait se mesurer à la course avec des chevaux mais il courait aussi contre des automobiles et même des trains. Sa fin tragique – il mourut dans un accident du travail sur un chantier ferroviaire – fut d’ailleurs ajoutée à sa légende.

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    Coutumier de bonds prodigieux, Alexis Lapointe savait transposer son labeur en activité dyonisiaque. « Plutôt qu’avec ses mains, il piétinait la glaise de ses fours en dansant » relate Serge Gauthier, auteur du catalogue du Musée Laure Conan. Ce détail et le fait qu’Alexis, enfant, aimait à faire imaginairement courir des chevaux de bois qu’il fabriquait lui-même attestent chez cet original (qui ne se fixa jamais) une conduite artistique ingénue. L’exemple du grand Arthur Cravan n’est-il pas là pour nous convaincre que l’art et le sport peuvent se confondre ?

    Formidable marcheur qu’Alexis Lapointe. Marcheur contre son père. Son père qui ne le trouvait pas « assez fin » pour l’accompagner sur un bateau en partance pour Chicoutimi. L’ethnologue Marius Barbeau a relaté comment, trottant à travers bois durant 140 km, Alexis réussit à devancer l’auteur de ses jours. Non sans avoir pris soin auparavant de se fesser lui-même d’une badine soit-disant pour stimuler ses muscles.

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    Retour au Petit Hans. Rattraper-dépasser le père (fouettard ?). Se pourrait-il qu’on marche toujours contre son père ? Dans le doute, « marchons, marchons » comme dirait Rouget de Lisle.

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  • Vaincre en obéissant

    Dans le sillage de notre note du 3 avril 2017 relative à Joseph Thoret, une citation de Charles Mauron qui fut maire de Saint-Rémy de Provence de 1945 à 1959, période à laquelle l’aéropeintre y travaillait.

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    Elle est extraite de : Van Gogh, études psychocritiques (page 99), un livre publié par José Corti en 1976.

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    « L’artiste s’abandonne aux forces que l’homme normal refoule, mais tandis qu’il se laisse porter par elles, il apprend à les connaître et à les dominer. La technique créatrice est analogue à celle de la navigation ou du vol. Tout le problème est de vaincre en obéissant (…) ».

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    L’internationale interstiCielle :

    un blogue de planeurs.

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  • Rugir à ravir

    Plus fort que les hologrammes de grosses bêbêtes lâchés dans les rues de Paris par Alexandre Zanetti, il y a Roar.

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    ROAR, il faut l’écrire en cap tant c’est terrifiant d’interstiCialité. Imaginez un déluge de fauves, une coulée de lions comme une coulée de lave. Cascade de tigres, de panthères, de pumas.

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    Concert de feulements, de rugissements, de barrissements. De grêles voix humaines aussi au mileu des cris rauques : ROAR ! Le robinet sauvage est ouvert et la baignoire de la civilisation déborde. Roar bouscule, Roar ravage.

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    Ce film, tourné vaille que vaille entre 1974 et 1980 passe pour le plus dangereux jamais fait. Du moins pour les acteurs : le cercle familial de Tippi Hedren (l’héroïne des Oiseaux d’Hitchcock) et de son mari le producteur Noël Marshall, réalisateur de Roar

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    De récents passages TV ont remis Roar en lumière et il le méritait. L’argument  en est simple : une dame séparée de son mari emmène ses enfants dans la jungle africaine pour rendre visite à leur père; elle ignore que celui-ci, scientifique excentrique, partisan de la cause animale, abrite dans sa maison et sur son ranch une tripotée de carnivores exubérants et libres, joueurs et batailleurs.

    Lors de la sortie du film en 1981 cela parut naïf. La mode des utopies californiennes était passée. Un paradis turbulent réunissant des animaux sauvages et des gens blonds aux dents blanches, ça ne fit pas recette.

    Tippi et Noël se retrouvèrent sur la paille. Avec Roar on est loin pourtant de l’imagerie lénifiante des sectes bibliques ou des numéros de cirque des peplums hollywoodiens. Mieux qu’un banal spectacle Roar est une confrontation permanente avec le Réel.

     

    Aux âges farouches de l’humanité il nous ramène. A notre rapport à la nature indisciplinable, il nous oblige à penser. Il n’y a guère que les Marx Brothers pour mettre en scène pareille anarchie. Apprivoisés mais non dressés, les fauves de Roar ne craignent pas les hommes.

    Ils les prennent pour des membres de leur tribu. On se fait des papouilles à assommer un buffle, on vautre ses 200 kilos sur la gracile Tippi. Chacun passe sa griffe à son voisin et tant pis si c’est Mélanie Griffith dont on mordille gentiment la tête.

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    Résultat de ce débordement d’affection, d’humeur ou de curiosité : 70 accidents de tournages, les bêtes se révélant ingérables.

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    Mais quelques morceaux de bravoure inoubliables. Le frigidaire où un acteur s’est réfugié ouvert d’un coup de papatte fureteur. Deux gros derrières de tigre dans une jeep.

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    Les coussins du salon qu’on déchire, les sculptures africaines qu’on lèche. Impossible de les faire sortir : c’est leur maison. Et ils vous suivent par douzaine dans vos rêves comme ils suivent les acteurs dans leur chambre à coucher pour une sieste. roar1.jpeg

     

     

     

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  • Joseph Thoret l’aéropeintre

    Thoret surfeur sur courants célestes. Son souvenir plane sur l’aérodrome du Mazet de Romanin. Même si la stèle commémorant ses exploits d’aviateur se cache sous la végétation.

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    Sur le bord de la piste bornée par les Alpilles, les observateurs chevronnés ont connu, dans les années 70, cet homme original. Une anecdote rapportée par l’un d’eux le campe juché, à près de 80 ans, sur un château d’eau dont il ne savait plus descendre. Y était-il monté pour se rapprocher du ciel, lui qui ne pouvait plus voler ? Entêté et intrépide il l’était cet aventurier professionnel, ce rescapé des combats aériens de la première guerre mondiale, ce maître du vol sans moteur, ce « professeur de tempête alpine » comme Jean-Paul Clébert le nomme.

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    Un livre, publié en 2014 par Lionel Pastre, fervent adepte du vol à voile, nous restitue le parcours de ce Thoret-Tempête. Il est sous-titré Pionnier de l’air devenu artiste car à son arc Joseph Thoret (1892-1971) sut ajouter, à partir de 1940, les cordes de la sculpture et de la peinture.

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    A cet égard, le livre de Pastre mérite d’être croisé avec le chapitre que Clébert a consacré à Thoret, « le peintre troglodyte » dans son Provence insolite en 1958.

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    « Ses tableaux sont pour le moins surprenants » constate-t-il. A cheval sur la naïveté authentique et la posture d’un « James Ensor à l’état brut (très brut) ». Ce jugement mériterait de plus amples analyses mais les reproductions des œuvres de Thoret sont rares. Sur facebook, le site Thoret Mont-Blanc en montre plusieurs.

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    Ainsi que des portraits du « personnage le plus fantastique de Saint-Rémy » (selon Clébert) dont un publié dans un journal allemand.

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    Qui voudra se faire une idée du dandysme rustique de Thoret, si éloigné de l’impeccable uniformité d’avant guerre, se reportera à la photo de Georges Glasberg (n°35) dans Provence insolite. Difficile de savoir ce qui a métamorphosé un émérite pilote en ermite « rugueux et barbu, chapeauté comme un vieux berger ». Des problèmes de santé que Lionel Pastre rattache aux séquelles d’un bain glacé lors d’un sauvetage effectué par Thoret ?

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    Sa mise à la retraite par Vichy ? Ou plutôt l’évolution de sa nature  qui le poussait à une franchise sans concessions. Voire à une rudesse verbale n’épargnant pas ses proches qui pourtant le soutinrent toujours. C’est plus probable. Dans Le Versant du soleil (1981) Frison-Roche, à propos de la carrière militaire de cet individualiste note  : « Thoret faisait figure de phénomène par son caractère entier et son manque de discipline, étonnant pour un officier de carrière. Ils lui valurent bien des ennuis avec ses supérieurs ».

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    Il faut lire chez Pastre, les propos incisifs de ce phénomène sur ses contemporains du monde de l’aviation. Rien de plus réjouissant : «  admirable grand niais / le plus con des généraux / beau gosse / emmerdeuse nancéenne / brute seigneuriale / gueule de larbin » etc. Mermoz en prend comme il se doit  pour son grade : « con bellâtre, con fasciste (…) ». Rien de plus sensible aussi avec les copains, les bons types et Santos Dumont, l’un des dieux de cet athée.

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    Joseph Thoret qui était aussi un enragé épistolier mérite d’être lu autant que vu.

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  • But dans la vie

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    De Pierre Bettencourt, cette réponse (interstiCielle avant la lettre) à une enquête de la revue Les Lèvres nues trouvée en feuilletant le numéro 10 à 12 (page XXVIII) du mois de septembre 1958 : « Mon but dans la vie est de trouver le joint qui sépare ce qui se fait de ce qui ne se fait pas encore ».

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  • L’enraciné Abbé Aymon

    Célébrons l’Abbé Aymon. Les merveilles de la nature à l’ombre de la croix : une telle promesse a de quoi nourrir la perplexité de l’automobiliste qui traverse un village de l’Indre en 1994. A fortiori si la croix est rouge. Et qu’elle se détache sur une façade blanche comme la blouse d’une infirmière. A fortiori si une pancarte au pied de la porte de la boutique fait état de chefs d’œuvre de racines à voir et à revoir.

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    Fût-on athée comme une souche, rancunier comme une mule du pape à l’égard des membres du clergé, on ne pouvait que plaider pour cette paroisse.

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    La paroisse rurale de ces faiseurs de miracles -ensoutanés ou non- qui ont de l’art au bout des doigts. On pénétrait au centre de celle-ci qui mêlait si facilement bréviaire et De natura rerum par trois degrés de pierre alors salpêtrées.

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    Curieux du zoo bizarre qu’on apercevait derrière des vitres plus ou moins translucides. 250 animaux et personnages se pressaient là, on voulait bien le croire.

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    Mais la porte était fermée. Il fallait attendre -innocente initiation- le concours de Georges, un voisin qui veillait sur le lieu. Il ne tardait pas.

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    Il y a 23 ans, c’est à dire 7 ans après la disparition de André Aymon (1903-1987), le souvenir de ce drôle de curé était encore vif à Thevet Saint-Julien, commune du centre de la France. Inventeur, bricoleur, sculpteur, lève-tôt, évadé pendant la guerre…

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    Georges se faisait l’écho des anecdotes de ses concitoyens. C’est que l’Abbé Aymon avait tout ce qu’il fallait pour entrer dans leur modeste Légende dorée. Avec son nom de chanson de geste. Avec son église dont il avait 45 ans durant ouvragé les portes, décoré les piliers et les balustrades. Dans un style d’imagier réservé dans nos campagnes à des travaux de moindre ampleur (boîtes, cannes, coffres etc.).

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    Fils de menuisier, Aymon était tombé dans le bénitier des travaux d’art à 9 ans. « J’ai volé une planche de l’atelier pour la sculpter et je lui ai fait un cadre avec une branche d’églantine » confiait-il à l’un de ces journalistes dont il n’aimait guère qu’ils viennent l’embêter « pour mettre des articles sur les journaux ».

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    Sagement André Aymon faisait la part du feu. Si, malgré son originalité, son église témoignait de son adaptation sociale, son centre paroissial pactisait avec des forces radicalement individuelles.

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    Puisant ses matériaux au bord de L’Igneraie, la petite rivière qui baigne une dizaine de localités de la région, il y discernait des formes qu’il aidait à naître par des interventions plus ou moins légères.

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    Avec une sorte d’intuition hallucinatoire qui n’est pas sans faire penser aux Légendes rustiques récoltées dans le Berry par Maurice Sand.

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    De ce point de vue, la scénographie sauvage privilégiée par l’abbé dans son centre paroissial (de nos jours devenu musée), avec son apparence de vrac métonymique, ménageait à l’inconscient des voies d’accès.

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  • Déprédations programmées

    Un million de dollars pour une citrouille, des miettes pour une cathédrale. Faut-il en rire ou en pleurer ? On se le demande. Même si la citrouille était fausse. Même si la cathédrale était un modèle réduit de celle de Chartres. L’iconoclastie est au cœur de notre monde comme l’obsolescence programmée peut l’être au cœur du marché. Deux événements récents nous le rappellent.

    La destruction délictieuse d’une œuvre de Raymond Isidore au sein de sa maison Picassiette devenue monument historique.

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    L’endommagement accidentel de l’installation cucurbitacière de Yayoi Kusama au musée d’Hirshorn à Washington.

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    Tragédie dans le premier cas puisque la cathédrale miniature constituait le noyau central de la création mosaïquée d’Isidore, le foyer incandescent de sa ferveur bâtisseuse.

    Farce dans le second puisque l’artiste japonaise ne tardera pas à remplacer cette kitchounette citrouille en céramique, récoltant au passage tout le profit médiatique possible de cette péripétie.

    Car la différence s’arrête là. A Raymond Isidore, la stupide volonté de nuire d’un saccageur du dimanche soir. A Yayoi Kusama, l’étourderie d’un visiteur qui voulait prendre un selfie. Acte malfaisant et délibéré dans le premier cas. Acte manqué, plus ou moins induit, dans le second. Plus ou moins induit parce que le mode de visite de l’installation de Yayoi Kusama (30 secondes, porte fermée, seul ou par groupes de 4) supposait bien évidemment le risque.


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    La mésaventure du visiteur maladroit de Washington illustre à sa façon la connivence paradoxale de nos sociétés -pourtant patrimoniales en diable- avec le vandalisme. La pratique de l’incitation douce à la déprédation s’est installée dans les milieux professionnels de l’art au point de faire partie de l’œuvre elle-même en contribuant à son retentissement.

    Exposez par exemple une réplique en lego d’un personnage de Zootopie à taille humaine et il se trouvera toujours un garnement pour franchir le cordon de sécurité et mettre par terre cet artefact de l’artiste chinois Zhao.Tentation trop forte qui ne fera l’objet d’aucune réprimande.

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    Comme dans l’affaire de Washington, les institutions exposantes et les artistes se sentent assez payés d’avoir attiré (ou élargi) l’attention sur des travaux qui n’en méritaient peut-être pas tant.

    C’est en tenant compte de ce contexte qu’il faut mesurer les menaces qui pèsent sur les œuvres des constructeurs de rêves individuels tels que Raymond Isidore. L’ignorance à leur sujet a reculé et avec elle l’hostilité collective aux expressions originales. Mais un vieux fond d’ostracisme demeure repeint aux couleurs ternes d’un égalitarisme à tendance totalitariste. De ce point de vue la montée des prix sur le marché des créations autodidactes fonctionne comme un facteur aggravant d’une certaine jalousie niveleuse (c’est cher donc je détruis) ou socialement narcissique (c’est connu donc j’y porte ma griffe prédatrice).

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  • Peinture aphasique

    On ne parle que du canard. Le canard toujours sauvage naturellement. Mais les Enfants du bon Dieu ont aussi leur charme interstiCiel.

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    Dans le roman d’Antoine Blondin qui porte ce titre, Sébastien Perrin, le personnage principal, cherche quoi faire à Paris. Il constate avec désenchantement : « à part l’exposition de la Galerie Charpentmann ouverte à Un demi-siècle de peinture aphasique, il n’y avait pas grand chose à voir ».

    Bien sûr cette galerie reste la propriété imaginaire de l’auteur. La peinture aphasique, en revanche, est un rêve que l’on peut partager avec lui.

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  • Gogotte de compagnie

    L’art à gogo c’est maintenant, c’est partout. A mi chemin entre la crème fouettée et la cire anatomique : la gogotte de Fontainebleau qui passe en vente à Drouot le jeudi 2 février 2017.

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    Objet plein de plis comme un shar-pei.

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    On lit dans celui-ci un nombril qui suce son pouce.

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    Mais il y a matière à se projeter davantage dans cette « curiosité minéralogique » au look de porcelaine. De telles concrétions gréseuse due à l’érosion millénaire des sols ont pour cousines les moins rares roses des sables. La gogotte c’est fou ce que la nature parfois sait se montrer interstiCielle.

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  • Inuuk : une expo arlésienne

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    Hiver du bonnet rose. La Provence en polaire. Temps idéal pour la sculpture du grand nord. Présences inuit à Sainte-Anne d’Arles.

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    Adieu les taureaux de l’été. Place à l’ours bleu de Lucy Qinnuayak (1915-1952) du Cap Dorset. Fin, puissant, élégant dans la neige du papier.

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    Les expositions sur l’art inuit sont assez rares en France pour qu’on signale celle-ci qui se tiendra jusqu’au 29 janvier 2017. Inuuk n’a que le défaut d’être courte. Mais elle a le mérite de présenter de belles pièces dans un contexte qui, pour une fois, n’est pas celui de la capitale. Certaines sont anciennes comme ce grappin où la différence entre fonctionnalité et beauté s’abolit.

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    L’exposition Inuuk a bénéficié de plusieurs concours, au premier rang desquels Art Inuit Paris.

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    Un masque d’Alaska, une créature en vertèbre de caribou,

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    un félin en os de baleine et cornes de bœuf musqué,

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    une bête spongieuse et griffue proviennent de la Collection de cette Galerie.

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    D’autres monstres… si tant est qu’on puisse mêler la tératologie à ces transformations magiques où le créateur-chasseur lit dans un os la forme d’un mufle.

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    Appartiennent aussi à la Collection AIP deux œuvres de la féconde période des années 60-7O où les Inuits conservaient encore un lien direct avec une source mentale chamanique.

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    Une loutre en bois de caribou, à la gracilité si fluide. Sedna, déesse légendaire du peuple inuit où nous l’on serait tente, à tort, de voir une sirène.

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    L’originalité de cette exposition arlésienne c’est aussi qu’elle ne s’enferme pas dans le passé. En témoigne les présences réelles de deux artistes inuit qui nous ont fait l’honneur de venir résider momentanément à Arles.

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    Billy Gauthier vient de Happy Valley dans le nord-est du Canada. Bill Nasogaluak est originaire des territoires du nord-ouest. Accoutumés à la concentration, ils oeuvrent en live tout en répondant avec gentillesse aux questions des visiteurs sur l’utilisation des instruments modernes et sur leurs façons d’interpréter les mythes et les traditions.

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  • Drolatique hydraulique

    Drolatique hydraulique.

    Ils sont respectivement boucher en exercice, charpentier à la retraite. Septuagénaire, octogénaire. Mais ça ne leur suffit pas. Entre loisir et pulsion de mise en formes, il a fallu qu’ils expriment l’intelligence de leurs mains, la poésie luxuriante et colorée de leur monde intérieur.

    C’est au Japon où les moulins à eau n’en finissent pas depuis des siècles de faire tourner les esprits. Comme l’écriture de ce pays si loin si proche nous est opaque et que nos traductions sont approximatives, les noms de ces artisans du merveilleux quotidien demeurent pour nous incertains.

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    Akio Onizuka pour le premier. Harumoto pour l’autre.

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    Sous réserves. C’est dans la préfecture de Kagoshima qu’Akio le boucher tiendrait boutique. Le charpentier, quant à lui, résiderait dans la province de Hyogo. Ce n’est pas la porte à côté. Mais on croise leurs créations sur le Net et le monde en est plus léger.

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  • Triste en corps bière

    Tristan Corbière chevalier de l’interstice.

    Relisons Ça ?, le poème qui ouvre Les Amours jaunes.

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    L’auteur y parodie La Nuit de mai après avoir, dans une dédicace à celle qu’il aime, chambré La Cigale et la fourmi. « Anti-art poétique » dit Robert Sabatier. Ça y ressemble en effet. Quand on ne respecte pas La Fontaine, on peut bien dézinguer le Romantisme, le Parnasse et le Spleen baudelairien !

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    « Merci, mais j’ai lavé ma lyre » profère le poète qui ira jusqu’à se raser les sourcils pour dessiner sur son front deux yeux supplémentaires. « Ce refus oblique de l’Art mensonger s’affiche dès les premières pages du recueil » (Yves Leclair).

    Avec une obstination ravageuse et une autodérision radicale, Tristan Corbière énumère tout ce que son œuvre n’est pas : essai, étude, poésie, chanson, chic, épilepsie : « Pas de râle, ni d’ailes »… Le joli, le lyrisme, le classicisme, le succès, la nouveauté en prennent pour leur grade. Même l’Originalité n’est qu’une drôlesse.

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    T.C. en femme

    « L’Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l’Art » : ce dernier mot de Ça ? ouvre à son auteur la porte de la modernité. L’important, de notre point de vue, est que Corbière n’arrive à ce résultat qu’en louvoyant entre valeur sauvage, folie littéraire et culture hégémonique:

    - « Mais, est-ce du huron, du Gagne ou du Musset ?

    - C’est du… mais j’ai mis là mon humble nom d’auteur ».

    Lire la suite

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  • Jean Pous et ses 60 fleurons

    Avec Jean Pous commencer l’année.

    Qui fréquenta comme nous jadis l’Aracine canal historique, le château-musée de Neuilly-sur-Marne (1984-1996), se souvient de l’émotion douce qui nous étreignait devant les galets sculptés par Jean Pous.

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    Trois pas suffirent hors d’Espagne à ce fabricant de bouchons pour inscrire sa vie de travail et de création entre le village de Sant Julia de Cerdanyola où il naquit en 1875 et Le Boulou où il mourut en 1973. Un itinéraire catalan sur fond de migration, d’initiative, d’énergie renouvelée juqu’à la limite des forces. Est-ce parce que Jean Pous (prononcez Pa-ous), enfant de la campagne, de l’école rurale, de l’apprentissage d’avant 1900 se consacra professionnellement au liège que, la retraite tard venue, il se tourna vers un matériau dur : la pierre de rivière ?

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    Toujours est-il que, promeneur solitaire au bord du Tech, cet octogénaire incapable de désoeuvrement, se mit à glaner les cailloux choisis pour leurs formes ovoïdes, allongées, irrégulières. Avec des outils de fortune, il ne tarda pas à y graver, griffer, poinçonner des figurations d’une élégance magistralement sommaire dont on peut jusqu’au 15 janvier 2017 découvrir une soixantaine de fleurons inédits à l’Espace Dominique Bagouet de Montpellier.

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    Tout un bestiaire notamment, d’une grande pureté de ligne.

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    Une adorable sirène.

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    Des visages, des profils dont on devine qu’ils enchantèrent Jean Dubuffet.

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    Quelques sculptures en ronde-bosse aussi comme ce personnage piqueté, aux épaules effacées, penché en avant, les mains serrées sur le bas-ventre.

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    Ou comme cette figure au traits essentiels dont la rigoureuse et économique expressivité atteint au sommet de certaines sculptures océaniennes.

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    Les informations relatives au créateur sont rares. Elles proviennent en grande partie de Claude Massé (fils du romancier Ludovic Massé) qui le premier s’avisa du talent de Jean Pous. Certaines similitudes de destin, une même obstination à se colleter à une matière ingrate à un âge avancé, ont fait que Pous fut rapproché de Joseph Barbiero.

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    On croyait son œuvre rare et conservée dans des musées. Il aurait en fait eu le temps de créer près de 1500 œuvres sculptées.

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    Et autant de dessins tardifs qui sont moins convaincants et dont aucun ne figure dans l’exposition de Montpellier. Celle-ci a le mérite de faire monter à la surface un ensemble significatif provenant de l’atelier de Jean Pous grâce à sa famille qui montre aussi des travaux de François (1911-2003), le fils de Jean.

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  • L’utopie topiaire de Wakamiya-san

    Wakamiya-san et son art topiaire sont venus comme un cadeau au pied de notre sapin interstiCiel. Par la grâce d’une fée des mousses et des lichens qui écrit à notre vieille Animula: « je rentre du Japon et j’ai eu la chance de passer près des topiaires que vous êtes la seule personne à avoir signalés ».

    Claude Lerat-Gentet, pédiatre de son état est aussi « une fondue de botanique et de voyages lointains » dont l’œil et l’APN sont toujours « prêts à tout pour capter paysages, animaux, fleurs et arbres ».

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    En novembre 2016, « lors d’un voyage au Japon (…) dans la région de Kyushu, endroit magnifique avec de beaux Onsen » elle a « eu un choc émotionnel très inattendu : un paysage fantastique digne d’un conte (…) a surgi le long de la lande bordant la route ». Des « topiaires d’animaux et d’oiseaux par centaines».

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    Et notre naturaliste émérite d’ajouter : « (…) lieu étrange et énigmatique et aussi fantômatique dans les brumes du petit matin ». Près d’une « petite ville d’eaux bouillonnantes (…) dans la direction du Mont Aso. Le GPS de notre Toyota n’a donné aucun nom à notre guide francophone et maîtrisant le japonais ».

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    Sur Wakamiya-san, l’auteur de cet endroit magique combinant patience, prouesse technique et génie du lieu, Claude a fini par glaner quelques renseignements en se livrant à « une longue et fastidieuse recherche sur internet ».

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    Ce vieil homme souriant de 76 ans s’affaire sans relâche à soigner son jardin-bestiaire installé dans un gigantesque creux résultant d’une ancienne éruption volcanique.

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    A l’enseigne d’Higotai (du nom d’un parc naturel voisin), une petite boutique de fruits, dont semble s’occuper sa famille.

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    Wakamiya-san, à sa façon toute japonaise, renseigne modestement sur son activité. En « seulement un demi-siècle », il n’a « pas pu faire beaucoup ». Entendez : 50 ans de labeur opiniâtre, 700 sujets dont beaucoup font 2 mètres de haut.

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    Acheter les plants, tordre le fil, modeler les armatures, pendant des mois surveiller la croissance, trouver le lieu propice aux installations dans le vent frais. L’œuvre d’une vie.

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    « Ce personnage étonnant m’a fait penser à un Facteur Cheval du bord des routes » nous dit Claude Lerat-Gentet et pour une fois la comparaison est justifiée. Même si, bien sûr, Monsieur Wakamiya nourrit son inspiration de références populaires locales, telles Kumomon, l’ours mascotte de la Préfecture de Kumamoto.

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    Facteur Cheval du végétal avec ceci en plus que ce jardin merveilleux, qui pulvérise toute notion convenue de land-art, s’inscrit délibérément sous le signe de l’éphémère. Fusionnant plantes et animaux (parfois mythiques), Wakamiya-san que des compatriotes, épris de contemporéanéisme, ont rapproché de Ueki, personnage de manga, ne saurait avoir de continuateur.

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    « Je pense avec nostalgie à cette œuvre fragile car elle demande beaucoup de soins et d’amour quand leur père disparaitra… Immanence des choses si chère aux Japonais » conclut très bien notre informatrice que l’ii remercie de nous offrir ses photos s’ajoutant à notre collection d’images animuliennes.

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