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L'Internationale interstiCielle - Page 7

  • Rien de rien

    Lisez Rien ! C’est le conseil de Béatrice Steiner en écho aux papiers qui saluèrent l’entrée du roman d’Emmanuel Venet dans notre monde littéraire d’ordinaire peu concerné par la sensibilité interstiCielle. Venet, il est arrivé aux lecteurs de notre ancien blogue, de le croiser à propos de Gaston Ferdière.

    Il revient sur celui-ci tant il « semble apprécier » - comme le dit Marianne Payot dans L’Express – « les sans-grades, les vies ratées, les rêves de splendeur confrontés aux durs aléas de la vie domestique ».

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    Emmanuel Venet campe un personnage de musicien non illustre dont le « ratage » inspire au narrateur un « sentiment de fraternité ». Qui se sert du piano périra par le piano. C’est donc par le biais de cet instrument, scellant dans le roman le destin du musicien Jean-Germain Gaucher, que Béatrice Steiner -psychiatre comme l’auteur- a choisi de poursuivre la réflexion.

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    Un piano fracassant

    Les déménageurs étaient ils seulement maladroits ? Toujours est-il que, leur échappant du haut de l’escalier, le piano s’est écrasé en contrebas sur le pianiste, par ailleurs déjà écrasé de dettes. Des dettes que le piano justement devait rembourser.

    Après le fracas meurtrier, restent ses débris, dignes de figurer au Musée de l’ombre des Illusions sur mesure de Gérard Macé. Les débris d’une biographie de fiction, celle de Jean-Germain Gaucher, musicien, compositeur dont la postérité a dédaigné, à juste titre semble-t-il, les petits arrangements médiocres qu’un superbe poème symphonique, à ses débuts, ne laissait pas prévoir. Mais auquel il a manqué un assentiment « paternel » qui l’aurait validé.

    Alors, céder à la facilité en hypothéquant son désir, brader son talent pour le rentabiliser, n’empêche nullement d’en garder l’illusion. Surtout quand l’élan amoureux y mêle ses harmoniques – découragé à la première dissonance. Faute de père, un beau-père ? Et sa fille, qu’il épouse, ignorant sans doute qu’elle aurait ce mauvais rôle. Elle qui finit de disperser les restes fatigués de ses élans au vent du commerce. Celui qu’elle ouvrira enfin dans le confort d’un rêve qui se réalise quand les déménageurs lui offriront la mort du désir – remboursée par l’assurance.

    Victoire de l’ennui et du magasin des accessoires. De la musique, que reste-t-il ? Silence. Du désir que reste-t-il ? Rien.

    D’où les déménageurs tenaient-ils ce savoir assassin ? Qu’il y a des dettes qu’aucun piano ne pourrait rembourser – ni Rienl'internationale intersticielle,emmanuel venet,béatrice steiner,gérard macé,marianne payot,jean-germain gaucher

     

     

     


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  • A la Plante du Songe

     «Nous n’admettions de solutions que celles du délire,

    nous ne demandions de mots d’ordre qu’au génie»

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    Alexandre Vialatte

    Les Amants de Mata-Hari

     Le Dilettante (2005), page 26.

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  • Se faire des cheveux dans les bois

    La culture des valeurs sauvages ramène dans les bois où le fou n’y est plus. lucien duc.jpg

    Promenons nous dans le massif des Maures avec le poète Lucien Duc (1849-1915).

    Dans ses souvenirs de jeunesse : En Provence (1893), Duc, le félibre de Valaurie, relate un triste événement survenu près de 25 ans avant.

    Celui de la mort d’un doux sage asphyxié dans l’incendie qui dévora en 1867 une partie de la forêt. Laurent L., plus connu comme Le Sauvage du Var.

    Laurent était une « sorte de Robinson improvisé » nous dit Duc. Depuis 30 ans, il « n’avait pas quitté le bois où il vivait de racines, de fruits sauvages, de champignons et de produits de sa chasse au piège ».

    30 ans, cela nous ramène en 1837. Bien avant la parution de Walden or Life in the woods d’Henry David Thoreau qui date de 1854. cabane walden.jpg

    Mais on ne peut manquer de risquer un parallèle entre eux. Laurent comme Henry David s’écartant de la civilisation sans rompre tous liens avec elle.

    « Singulier personnage », poursuit Lucien Duc, « qui s’était volontairement séparé de ses semblables, privé des douceurs de l’existence et qui consacrait le produit des plantes médicinales qu’il vendait aux pharmaciens de Pierrefeu ou de Collobrières, par l’entremise de quelques bûcherons, à se procurer (…) du tabac et des journaux ».

    Cette singularité en fait allait plus loin. Suffisamment loin pour intéresser le Dr Ernest Mesnet qui consacra à ce « beau cas » une Étude médico-psychologique que Laurent Cerise (1807-1869), éminent médecin et philanthrope, seconda de son autorité.

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    Le Sauvage du Var n’était pas, comme l’ermite américain, un écrivain. Il y a longtemps déjà j’ai signalé, dans la rubrique Body Art d’un livre collectif paru chez Actes Sud (abcd une collection d’art brut), les pratiques autarciques de cet homme inoffensif qui, se prenant lui-même comme un gisement, faisait « la récolte de son corps », conservant ses cheveux et les poils de sa barbe pour s’en tisser un manteau. L’exploitation de cette pilosité généreuse aboutissait à des traitements de son invention.

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    Ainsi le sauvage du Var s’enduisait-il « la tête et le menton d’une matière visqueuse, noire et brillante qu’il tirait de l’écorce des chênes verts ».

    Ainsi se parait-il de dreadlocks avant la lettre, disposées « en turban autour de son crâne et en virgules sur ses joues ».

    Enrichissant son visage « d’appendices bizarres ressemblant aux mandibules d’un insecte » comme on peut le voir sur une gravure d’époque.

    Aujourd’hui encore, comment ne pas être sidéré par ces conduites, d’autant plus artistiques qu’elles ne prétendaient pas l’être ? Et sans équivalent dans la culture de leur temps, faut-il le souligner ?

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  • Paulhan, allumeur allumé

    « Dîner chez Dhôtel. Il me raconte que Paulhan, venant chez lui, voyant son fils qui avait fait un échafaudage avec des allumettes, lui dit : « si maintenant on mettait le feu ?». Ce qui fut fait et causa une brûlure et un trou à la table… »

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    Jean Follain. Agendas 1926-1971.

    Note du 11 novembre 1959, page 261

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  • Bukowski a bien fait ça

    Des jours comme ça, on se soûlerait bien à en crever l’écran de l’ordi. Ça m’a fait penser à Charles Bukowski, l’écrivain américain dont la machine à écrire faisait vibrer les murs. Faut pas croire, aux States, ils ont des poètes et Hank (un des pseudos de Bukowski) en est un. Un de la pire espèce ravageuse qui a tendance à foutre sa poésie dans la vie.

    On se souvient de sa tournée en Europe en 1978. De son passage à Paris sur le plateau d’une émission de TV dont il fit voler en éclats la prétention littéraire. MDR je demeure quand je revois le grand anarchiste Cavanna, débordé sur la gauche de sa gauche par l’auteur des Contes de la folie ordinaire, finir par ordonner à ce vieil enfant terrible l’ordre de fermer sa gueule.


    Mais on ne saurait avec Bukowski en rester à la case spectacle. Aussi faut-il lire la relation des faits telle qu’il la livre dans Shakespeare n’a jamais fait ça. « Allez, bois un petit coup … Ça te fera du bien au gésier… » glisse Bukowski à « l’animateur » qui ne l’impressionne « pas des masses » malgré sa notoriété en France. « Avec dédain », Bernard Pivot lui aurait « fait signe de la boucler ».

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    Selon Mr Hank, « le psy qui avait administré les électrochocs à Artaud » (le docteur Ferdière) n’arrêtait pas de « le scruter ». And so on jusqu’à l’éviction du perturbateur qui, de son aveu goguenard même, « avait déjà pas mal éclusé ».

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    Lisez vous-mêmes. Les cossards ou les radins qui hésiteraient à se procurer ce Shakespeare du « vieux dégueulasse » doivent savoir qu’ils manqueront aussi la non-visite du centre Pompon par Bukowski, bras-dessus bras-dessous avec le cinéaste Barbet Schroeder. « Heureusement que Barbet n’a pas proposé qu’on entre, j’étouffe dans les musées, je préfère encore aller voir un mauvais film, ça m’agresse moins ».

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    Citer c’est trahir déjà mais à celles et ceux que décourage une journée de « turbin ordinaire » ou de chomdu, comment ne pas recommander la description du parvis de Beaubourg où s’affairent des « personnages intéressants » parmi lesquels « toutes sortes de cinglés malsains, endurcis, pathétiques, affamés, automutilés ». Et pour tirer la couverture interstiCielle à moi, j’ai noté : « Un type écrivait un message avec son propre sang sur le ciment ».

    La suite vaut le détour et tout le livre est à consommer sans modération comme la chronique intime et décalée d’un voyage cahotique qui fait grincer des dents et hurler de rire ce qui n’est pas négligeable en ce moment.

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  • Pastor encore

    A ces confins de l’être et des choses vers quoi l’on verse à l’approche du sommeil, du réveil, de la naissance ou de la mort, un peintre dans l’ombre s’est consacré et c’est Gilbert Pastor.

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    Pastor encore. Bien que disparu en 2015 à 83 ans. Mais disparaître est-ce que ça compte quand on travaille comme lui le silence ? Quand on s’immisce comme lui dans ce no man’s land situé entre lumière et ténèbres ?

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    On avait pris l’habitude de croiser Gilbert Pastor (sinon lui, son œuvre) à Paris où la Galerie Béatrice Soulié lui a consacré récemment plusieurs de ses expositions. Figurait toujours là L’Œuf sauvage, la revue de Claude Roffat qui n’avait pas craint –en mars 1992 déjà– de consacrer la couverture de son numéro 3 à une « apparition » sans titre du peintre d’Aups.

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    Pastor revient ou son fantôme (mais un fantôme pétri de la chair de nos rêves) à la Polysémie, galerie marseillaise, à partir du 3 novembre –jour du vernissage– au 17 décembre 2016.

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    invit lutrin.jpgGilbert Pastor qui, dès 1977, montra son travail à Lyon au Lutrin de Paul Gauzit, renoue ici avec sa Provence qu’il faut s’imaginer à rebours des clichés touristiques.

    Une Provence noire où l’on se protège des soleils tartarinesques et du mistral toujours gagnant par des ruelles, des volets clos, des escaliers étroits, des volumes confinés, des poussières.

    Une Provence ouverte à la rumeur du monde cependant puisque Gilbert Pastor entra dès 1948 dans la peinture par le truchement de Boris Bojnev, un poète russe qu’il considérait comme son père spirituel. 

    bojnev 2.jpgRévélé par Alphonse Chave dans sa galerie vençoise au début des années soixante, Bojnev reste fameux pour ses œuvres touchantes et originales, où il assemblait petites toiles naïves anonymes et encadrements insolites faits de textiles peints, d’éclats de bois et d’éléments végétaux.

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    A ces « auras », Pastor d’abord contribua. Avant d’inventer sa voie qui, pour prendre elle aussi naissance dans l’autodidactisme, n’allait pas moins le mener vers toujours plus d’intériorité.

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    On se fera une idée de son parcours intime en consultant le dossier de presse de la Galerie Polysémie.

    couv presse.jpgA plusieurs livres, Pastor donna des illustrations. Par exemple ce rare dessin original qu’il réalisa pour le tirage de luxe d’un texte de Bernard Noël (Les Plumes d’Éros) paru en 1993 chez Les Autodidactes.

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    Son absence de concession nous paraît coller à ce passage d’un article (signé M.H.) de la Gazette de l’Hôtel Drouot paru en 1995 : «Le sfumato qui les [les œuvres de Pastor] enveloppe n’est pas là pour camoufler quelque inaptitude que ce soit mais, bien au contraire, pour voiler la maîtrise technique. L’artiste reste constamment en deçà de ses moyens. Tout est ici réserve et pudeur. Dans ses toiles aux couleurs délibérement étouffées, tout comme dans ses grands dessins mystérieux qu’irise parfois un soupçon de couleur, Pastor reste en retrait, rejetant toute exhibition de son talent. Chacune de ses œuvres est un appel muet».

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  • De l’art lilliputien

    C’est l’histoire d’une fille, elle est liliputienne. Liliputienne ça ne veut pas dire naine au sens vulgaire du terme. A son patron qui craint que sa petite tête ne loge une cervelle d’oiseau Lia Déminadour (c’est le nom de la liliputienne) explique que « ce sont les circonvolutions qui comptent, pas le poids. Pas le poids absolu mais le rapport du poids du cerveau au poids du corps ». Et cette héroïne inoubliable d’un roman pathétique et drôle de Béatrix Beck d’ajouter : « Je fais partie de la catégorie des nains harmonieux ».

    Cette harmonie swiftienne, Lia s’efforce de l’accepter et de la faire reconnaître par les personnes de taille ordinaire, toujours tentés de jouer avec elle à la poupée. C’est sous cet angle que Béatrix Beck (qui n’était pas grande non plus) déroule, dans son style limpide, transparent et cursif, les chagrins, les joies et le « presque amour » de cette femme de papier qui dit mélancoliquement : « Je ne suis pas prenable ».

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    Pour Georges Lhuys, un artiste-peintre, qui l’idolâtre au point de la représenter en « écureuil, champignon, buisson », Lia, « par mimétisme et rage rentrée » se met à peindre de petites aquarelles : « l’ogre s’égayait avec ses sept filles (…), le marquis de Carabas mangeait son chat (…) le Petit Chaperon rouge (autoportrait) et le loup forniquaient à côté de la grand-mère endormie (…) » Tous les détails pages 67 et 68 de l’édition Grasset de 1993.

    Plus tard, à la page 108 exactement, devenue jeune fille au pair, Lia gratifie l’enfant de 5 ans dont elle s’occupe « de tableautins de sa composition, semblables de facture à ceux qu’elle peignait pour Lhuys (…) mais aux sujets bien différents : paradis terrestre où un corbeau se déplaçait à dos de renard. Sirène se mouchant dans une algue ».

    A l’intersection du monde des enfants et du point de vue des grandes personnes, Béatrix Beck invente la peinture liliputienne.

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  • Pierre Della Giustina : une exposition-jalon

    Une exposition Pierre Della Giustina ça se mérite. Tant pis si c’est le marché et la Feria du Riz.

    IMG_0879.jpgOn trouve toujours une place pour se garer dans Arles puis arpenter un dédale de rues ponctuées de clins d’œil graphiques.

    Et si « la douceur des choses » est un peu chauffée à blanc par la canicule, on parvient quand même place de la République.

     

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    A l’ogivale Chapelle Sainte-Anne (vis-à-vis Saint-Trophime) qui abrite jusqu’au samedi 8 octobre 2016 d’impressionnants Sculptures/Gravures/Bas-reliefs de cet artiste exigeant qui mène, depuis un certain temps déjà, une lutte pleine de risques et de conquêtes avec la matière, avec l’espace, avec les couleurs et la lumière.

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    Pierre ne sort pas toujours victorieux de cette confrontation avec son « work in progress ». Elle le conduit à expérimenter sans cesse, en remettant sur le métier des œuvres qu’il modifie, transmue, décompose et recompose au sein de l’atelier de son Auvergne natale.

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    Cette façon démiurgique de pétrir sa création a quelque chose d’héroïque qui finit paradoxalement à mettre celle-ci en péril. Mais n’en est-il pas de même pour tout véritable artiste ? C’est-à-dire pour tous ceux qui s’adonnent à l’art avec le souci primordial de ses enjeux. Pierre Della Giustina a choisi un chemin difficile mais qui a ses moments de gloire (un mot qu’il n’aimerait pas).

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    Cette exposition en est un. Pierre aime les défis. Les amateurs, les collectionneurs qui suivent fidèlement son parcours très personnel le savent bien. Della-comme ils disent- n’est pas du genre à rechigner devant la tâche.

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    A fortiori si celle-ci nécessite la résolution de problèmes techniques comme c’est ici le cas avec suspension de gigantesques assemblages presque abstraits.

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    Amaigri par le travail, ému et joyeux, Pierre Della Giustina a su s’inscrire dans cet ancien musée lapidaire, « un lieu impressionnant » dont il redoutait, à juste titre qu’il puisse « devenir écrasant ».

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    L’ovation qui lui fut réservée pendant le vernissage ne partait pas seulement de ses amis, des officiels et des organisateurs de l’association Originart, promoteurs de cette exposition-jalon, tout à la fois rétrospective et ouverte sur des voies nouvelles où la peinture et la sculpture cessent d’être perçues contradictoirement. Où l’une mène à l’autre et réciproquement comme le mouvement d’un métronome.

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    Cette manifestation d’admiration mêlée d’affection venait du cœur du public, nombreux ce samedi radieux. « Travailler sur le vide, créer de la légèreté et de la dynamique »… le plasticien, très conscient de son rôle, n’en finissait pas d’expliquer à tous ceux qui lui posaient des questions. Trop de questions peut-être mais on ne saurait bouder son plaisir. L’Homme qui marche, la grande statue, point d’orgue de l’absidiole, mettait son grain de sel en dialoguant avec le soleil tombé de la verrière.

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    On aimerait avoir un palais -ou du moins un haut  plafond- pour s’offrir un groupe de Della qui présente aussi des gravures.

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    La manière dont il renouvelle le thème -trop traité (ou maltraité)- de la tauromachie a sans conteste de quoi attirer et intriguer les aficions.

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    Dans les limites de cette note, il est exclu de s’attarder sur chacune des œuvres présentées à la Chapelle Sainte-Anne. Si nous avons privilégié les détails, c’est que nous ne saurions déflorer en quoi que ce soit une exposition incontournable. Les amateurs ont d’ailleurs presque un mois (attention ça passe vite !) pour la découvrir.

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  • Comment construire une cathédrale

    Les Invraisemblables. C’est dans cette nouvelle collection des éditions Plein Jour que sort le livre de Mark Greene centré sur Justo Gallego Martinez, bâtisseur solitaire (ou presque), d’une chimère de briques qu’il n’achèvera jamais. Comment construire une cathédrale. Sous cette apparence  de guide pratique au titre prometteur, l’ouvrage de l’écrivain franco-américain remonte aux débuts d’une entreprise irraisonnée et hors du temps.

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    Quand Justo, moine-paysan de la région de Madrid, décida il y a soixante ans d’édifier sur son champ ce qui allait devenir le plus grand work in progress d’Espagne après la Sagrada Familia.

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    Il n’y avait alors aucun Gaudi pour les nuls. Justo, sans plan, sans expérience d’architecte ou de maçon dut tout apprendre par lui-même et par des lectures disparates. Au fur et à mesure qu’il réalisait son œuvre. On sait cela. La toile est pleine des exploits don quichottesques de ce personnage à la poursuite obstinée de son idée.

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    Le livre de Greene nous apporte bien autre chose que ces faits curieux dont se contentent souvent ceux qui considèrent la vie et l’œuvre des autodidactes inspirés comme un palliatif  à leur imagination défaillante. Précisément parce que l’auteur n’hésite pas à parler de lui ou de son père photographe qui renonça à la photographie. Passés par le filtre de sa sensibilité et de son histoire, l’œuvre et le destin de Justo Gallego nous deviennent plus intelligibles. C’est peut être ce que les éditeurs de ce récit, désignent comme «une divagation romanesque incarnée dans ce héros de l’acte absurde (…) ».


    La portée de ce livre d’une densité multiforme malgré sa petite centaine de pages, tient surtout au parallèle qu’il esquisse entre la construction de Gallego et l’écriture de Greene. Habilement, sans fausse humilité ni outrecuidance, Greene règle son pas sur le sujet de son étude. Ne demandant pas plus à la création que ce que Gallego lui a demandé : avancer, avancer toujours.

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    Une brique, une phrase, en appelant une autre. En cette rentrée littéraire 2016 où la tendance est au  « cosmopolitisme », il est réconfortant de rencontrer un écrivain comme Mark Greene, né à Madrid et hispanisant, qui ne craint pas de dire : « Je ne voyage presque pas (…) ». Cela nous rappelle le Levi-Strauss de Tristes tropiques qui se désolidarisait des explorateurs.

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    On croise d’autres people dans le récit de Mark Greene : Samuel Beckett qui attend l’autobus, Maria de Jesus de Agreda, mystique favorite de Gallego, le Péruvien Manuel Scorza, victime d’un accident d’avion près de la Cathédrale. Siméon le Stylite aussi comme dans un film de Luis Bunuel.

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    Affleure dans le texte de Greene une structure picaresque dont les morceaux de bravoure sont le voyage avorté de Justo à Jérusalem et l’émouvant chapitre où Justo en équilibre précaire sur un échafaudage passe toute une nuit à attendre le secours d’Angel (son auxiliaire).

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    Une façon très efficace de suspendre le lecteur au fil de ce récit.

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  • Tom’s house : the irish republic of Plaka

    Athènes à Tom montre son tolérant visage et Tom le lui rend bien.

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    Pendant la dernière campagne électorale, il improvisait pour la ville un de ces spectacles philosophiques que, de toute antiquité, les Grecs ont su goûter.

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    Peu soucieux de la circulation automobile, ce grand diable d’Irlandais, coiffé d’un haut-de-forme empanaché d’une branche d’épicéa, parcourait la place Syntagma en tirant derrière lui un aspirateur, auquel il parle comme à son chien.

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    Tom est l’unique représentant du « Democratik Plaka Party » et le seul citoyen de l’« Irish Republic of Plaka » qu’il a installée dans une maison en ruines du quartier préféré de Melina Mercouri.

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    Il vient lire son journal, sur un lutrin de son invention, dans son « recycled garden »

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    Là, sur un terrain vague qu’il squatte depuis trois ans, il a aménagé son « Tali-ban holiday camp » et son « Bin-Laden’s café ». Le terrorisme international ne lui inspire pas que des calembours.

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    Cabriolet au moteur rempli de terre, peluches dans une cage à oiseaux, marionnette barbue affublée d’un keffieh : il s’est entouré d’un décor où il exorcise par la dérision la violence diffuse où nous baignons.

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    On s’interroge sur la portée artistique d’une telle installation. Elle lui vaut la sympathie de ses voisins. Un monsieur lui confie les clés de sa voiture, une dame lui lance, soucieuse de son confort, un coussin depuis son balcon.

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    Il se peut que Tom de Plaka aime trop la popularité. Il se peut qu’il ne crée pas d’œuvres véritables. Mais il se peut aussi que bien des aspects de sa vie relèvent de la « performance ».

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    Cet article sur Tom de Plaka, écrit en mars 2004 par Jean-Louis Lanoux, a figuré un certain temps sur le site (souvent remanié) de l’association abcd. Pour accompagner des photos retrouvées de ce temps olympique, L’ii a décidé de lui faire nouvel accueil.

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  • Le klounn de Moris

    De Maurice (l’île), des images nous arrivent avec du beau langage autour : « Mo pa konn lir, pa konn ékrir, pa konn servi télefonn touch, facebook tousala ».

    On aura compris même si on ne parle pas créole. L’heureux propriétaire de ces paroles, qui prouvent que le monde entier ne s’abandonne pas encore à la boulimie de la connexion électronique, est un marchand de légumes du village d’Olivia.

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    Ras Kucha c’est son nom ou plutôt son surnom. Monsieur Herold Leonor (son véritable patronyme) abrite un joli talent artistique sous des habits de klounn. Son père Harold n’aimait pas trop ça de le voir faire l’auguste.

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    Après la disparition de celui-ci, Ras Kucha n’en a pas moins continué son cirque, lui donnant une extension particulière où son sens aigu du bricolage et son goût des costumes colorés s’est donné libre cours.

    « Je m’intéresse surtout à ce qui se perd » dit fort justement ce sage de 41 ans qui bouillonne de vitalité ludique. Amoureux des jouets, il en décore sa bicyclette carénée comme une barque flottant sur le destin.

    Si quelqu’un de nos lecteurs pratique le mauricien couramment, nous aimerions qu’il nous traduise cette phrase où Ras Kucha éclaire la signification de son pseudonyme : Kucha signifie « métèr chula » et puis « kucha a coz bien longtemps mo ti p faire ek vane kucha ».

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  • De Bernard à Renard

    Jules_Renard_by_Vallotton.jpgRenard par Bernard. Tristan_Bernard_1911.jpg

    Autre pensée du jour.

    Issue de la dédicace à Jules Renard en avant-propos des Mémoires d’un jeune homme rangé de Tristan Bernard :

    couv bernard.jpg« Je croyais (…) que Dickens vous avait fortement impressionné. J’ai su depuis que vous le lisiez peu. Mais vous possédiez comme lui cette lanterne sourde, dont la clarté si pénétrante (…) vous permet de descendre en vous, et d’y retrouver sûrement de l’humanité générale et nouvelle. Ainsi vous éclairez, en vous et en nous, ces coins sauvages où nous sommes encore nous-mêmes, où les écrivains ne sont pas venus arracher les mauvaises herbes et les plantes vivaces pour y poser leurs jolis pots de fleur. »

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  • Les robes de Camille

    couv femme.jpgL’interstiCiel à la mode Claudel. D’Henri Asselin, critique d’art, modèle et ami de cette artiste lancée à corps perdu dans l’aventure de la sculpture, cette citation en exergue d’un chapitre d’Une femme, le livre d’Anne Delbée

    « Camille arborait les robes les plus extravagantes et surtout des coiffures faites de rubans et de plumes où se mariaient mille couleurs. Car il y avait dans cette artiste géniale, une démesure, quelque chose d’éternellement enfantin … »

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  • Voisin, Voisine

    Connards ! Vous n’êtes pas seuls au monde.

    C’est ce qu’on a envie de crier dans sa cour maintenant que les bricolos du samedi  sont de retour. Mais pourquoi hurler ? De toutes façons avec le bruit de la perceuse personne n’entend. Mieux vaut écrire. De sa belle plume ou à grand renfort d’imprimante : Chers voisins. c’est le titre d’un petit bouquin paru chez J’ai Lu en 2013. Son sous-titre dit bien ce qu’il veut dire : Mots doux et petites querelles de voisinage.

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    Il recueille un tas de ces petits messages goguenards, plaintifs, agressifs ou prometteurs qui agrémentent la vie de nos parties communes dans les immeubles de nos villes.

    « Merci à la personne de bien vouloir cesser de dessiner des bites sur le mur ».

    « Si tu continues à prendre cet (sic) cage d’escalier pour un libre service , je vais te mettre l’anus comme une pièce de 5 francs ».

    « Je suis désolée et c’est embarassant (sic) mais ma culotte est tombée sur ta rembarde (sic) ! ».

    « Il y en a mard (sic) du bordelle (sic) toute la nuit !!! ».

    « Prière de ne pas jeter vos animaux par les balcons ».

    « Je suis très heureuse de l’épanouissement de votre vie sexuelle. Mais ma patience a des limites ».

    On en passe et des meilleures. les auteurs de cet hilarant ouvrage : Aurélie C. & Olivier V. (9ème étage gauche) ont eu la bonne idée de reproduire tels quels ces documents éphémères.

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    Dans leur jus, ils témoignent de cette expression spontanée et épidermique qui – mieux que les bombages encodés dans la norme du street art – est l’œuvre de l’affect le plus individuel et le plus immédiat.

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  • André de Richaud sur le feu

    richaud rouge.pngAndré de Richaud au feu fait sa part.

    Dans un recueil de nouvelles publié par Le Temps Qu’il Fait en 1986, une phrase comme une étincelle donne le départ à un nouveau foyer interstiCiel : « Mais tout flambe dans le monde comme tous mes récits veulent flamber en poèmes ».

    Quelle meilleure clé de l’œuvre de Richaud que cette phrase de Richaud ?

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    En cet été d’autos de pompiers sillonnant les routes du Comtat, du Luberon et des Alpilles, cette phrase se hisse à la hauteur baroque d’un vers de Jean de Sponde couvant dans ma mémoire : « N’est-ce donc pas assez que je sois tout en flamme ».

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    La nuit en Provence fournit parfois le spectacle d’un brasier dansant à des dizaines de kilomètres. Remonte alors de notre esprit le souvenir soufré de médiévales dévastations, de catastrophes naturelles ou morales d’un autre temps. Cités incendiées, mur de peste, chagrins d’enfance.

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    L’insomnie ainsi propagée, le déboussolage propice à la lecture d’André de Richaud peut faire son effet. C’est le moment de se plonger dans Le Feu, une des six nouvelles de La Part du diable. Richaud, dans la veine fantastique et rurale qui lui est propre, y chronique la foudre imaginairement. Celle tombée d’un orage romantique qui a la violence d’un pays dont le Ventoux est le Fuji.

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    Le père d’Hubert le facteur -personnage central du récit- en un éclair fut emporté quand son fils avait 5 ans. On retrouva sa « peau boucanée, étendue sur la maîtresse branche d’un chêne comme une chemise à sécher ». Que faire de la dépouille ? La porter en procession à la veuve. Non sans admirer au passage le tour de main du ciel : « Souple et toute dorée, la peau avait été décollée par un artiste (...) fendue du sommet du crâne à l’anus suivant la colonne vertébrale ».

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    S’insère alors dans cette histoire complexe et nourrie d’éléments biographiques transposés un épisode où la cruauté, le scabreux, l’humour noir et le fétichisme morbide s’emboîtent. La mère d’Hubert et sa tante Clara s’emploient à redonner figure humaine au cadavre avant de l’enterrer. En le rembourrant avec de la laine prélevée dans un matelas éventré. « Quand le cadavre fut bien rebondi -les fesses faisaient plaisir à voir-, les deux femmes (...) cousirent le tout, tapèrent un peu du plat de la main comme on le fait aux édredons et retournèrent la poupée. « Oh ! Marie !...» s’écria la tante Clara qui n’était pas mariée, en rougissant. Marie avait passé la laine jusque dans les plus petits recoins sans prendre garde à ce qu’elle faisait. »

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